Vu la requête, enregistrée le 30 août 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jean-Pierre X, demeurant ..., par Me Delaporte ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0301122 du 30 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamné à verser à la société à responsabilité limitée Aux Bâtisseurs Régionaux la somme de 63 381,79 euros augmentés des intérêts à compter du 30 juin 2000 ;
2°) de mettre à la charge de la société Aux Bâtisseurs Régionaux la somme de
2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que c'est à tort que le Tribunal a considéré que la demande de la société Aux Bâtisseurs Régionaux était recevable alors qu'elle n'était pas motivée et qu'elle ne justifiait pas de l'intérêt à agir de la société ; qu'étant architecte généraliste et en l'espèce non chargé de l'établissement des plans du chantier de construction de la Maison de la jeunesse de la commune de Grand-Quévilly, il n'était pas tenu de prévoir les variantes de conception comme l'a retenu le Tribunal par erreur ; qu'il était étranger aux règles contractuelles qui unissaient la ville maître de l'ouvrage et la société Aux Bâtisseurs Régionaux qui a répondu à l'appel d'offres en parfaite connaissance de cause étant précisé que le marché présente un caractère forfaitaire et définitif ; que cette société n'a formé aucune réclamation complémentaire à la commune au titre des sujétions imprévues ; que le Tribunal a également commis une erreur d'appréciation technique en retenant sa responsabilité au sujet de la construction d'un muret extérieur de 30 cm d'épaisseur ;
Vu le jugement et attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2006, présenté pour la société à responsabilité limitée Aux Bâtisseurs Régionaux, par Mes Dugard et Criqui ; la société Aux Bâtisseurs Régionaux conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. X la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que sa demande présentée en première instance était recevable dès lors qu'elle précisait que la responsabilité de M. X était engagée dans le cadre d'un contrat de maîtrise d'oeuvre ; que son intérêt à agir n'est pas contestable eu égard aux liens qu'elle entretient avec l'architecte dans le cadre de l'exécution des travaux ; que c'est précisément en raison du caractère forfaitaire du marché qu'aucune demande n'a pu être formulée auprès de la commune maître de l'ouvrage ; que le surcoût correspondant à la réalisation de travaux supplémentaires ne résulte pas de sujétions imprévues mais bien d'une erreur de conception imputable à l'architecte requérant ; que celui-ci ne conteste d'ailleurs pas, d'un point de vue technique, n'avoir pas pris en compte le risque de fontis ni la nécessité de réaliser une dalle portée et non flottante ; que l'obligation apparue en cours de chantier de réaliser un mur extérieur plus épais que prévu est également une faute de conception ;
Vu l'ordonnance en date du 16 mars 2006 fixant la clôture d'instruction au 28 avril 2006, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :
- le rapport de Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre ;
- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande présentée au tribunal administratif :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : « (…) La requête (…) contient l'exposé des faits et des moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (…) » ; qu'il résulte de l'examen de la demande présentée par la société Aux Bâtisseurs Régionaux devant le Tribunal administratif de Rouen qu'elle contenait avec une précision suffisante, l'exposé des faits, des conclusions et des moyens, notamment la nature de la responsabilité de M. Jean-Pierre X mise en jeu par la société Aux Bâtisseurs Régionaux ;
Considérant, en second lieu, que la commune de Grand-Quévilly a confié à M. X, architecte, la maîtrise d'oeuvre de la réalisation de la Maison de la jeunesse en vertu d'un contrat signé le 16 novembre 1998 ; que le marché du lot « gros oeuvre » a été attribué par la commune à la société Aux Bâtisseurs Régionaux le 3 janvier 2000 ; que si aucun lien contractuel ne les unit, M. X et la société Aux Bâtisseurs Régionaux ont concouru ensemble à la réalisation des travaux publics en litige ; qu'ainsi, la société était recevable à rechercher devant le tribunal administratif la responsabilité de l'architecte en invoquant une faute de conception commise par ce dernier ;
Considérant, par suite, que les fins de non-recevoir opposées en première instance par
M. X, ont été écartées à bon droit par les premiers juges ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, que l'article 1.1.3.7.3 du cahier des clauses techniques particulières annexé au marché de construction attribué à la société Aux Bâtisseurs Régionaux stipule que, eu égard au caractère forfaitaire du contrat, l'entreprise attributaire ne peut arguer d'une mauvaise connaissance du sol pour prétendre à une remise à niveau de son offre en fonction du terrain rencontré lors de l'ouverture des fouilles ; qu'après la notification de l'ordre de commencer les travaux émis le 7 janvier 2000, des sondages ont révélé la présence, à l'emplacement prévu pour la construction du bâtiment, de fontis qui ont conduit à la réalisation d'une dalle portée au lieu de la dalle flottante prévue ;
Considérant qu'une étude géotechnique de fondations établie par le centre d'études techniques de l'équipement Normandie Centre le 29 avril 1999 révélait l'existence d'anomalies karstiques découvertes par sondages et préconisait l'engagement d'une nouvelle campagne de sondages complémentaires au début de l'exécution des travaux afin de prendre les dispositions adéquates dans le cas où d'autres vides seraient rencontrés sous l'emprise des fondations ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences des risques géologiques mis en évidence par cette étude de sols dans les documents techniques remis aux entreprises candidates à l'attribution du marché de gros oeuvre, M. X, qui s'est borné à concevoir un dallage en terre-plein ne tenant pas compte de la présence possible de fontis, a manqué à ses obligations de maître d'oeuvre ; que les circonstances invoquées par M. X que la société Aux bâtisseurs Régionaux chargée des travaux ne pouvait ignorer la nature du sol dans la mesure où elle disposait de l'étude géotechnique susmentionnée figurant dans le dossier de consultation des entreprises diffusé en août 1999 et qu'elle devait intégrer dans son devis le surcoût éventuellement lié à la découverte de cavités dans le sol ne sont pas de nature à exonérer, en tout ou partie l'intéressé de sa responsabilité résultant de l'erreur de conception qui est à l'origine exclusive du préjudice subi par l'entreprise ; que, pour les mêmes motifs, l'architecte ne peut davantage utilement soutenir qu'il appartenait à l'entreprise chargée des travaux de demander à la commune de Grand-Quevilly, maître de l'ouvrage, la révision du marché en raison de l'apparition de sujétions imprévues ;
Considérant, en second lieu, que si M. X avait prévu la construction d'un mur extérieur courbe en blocs d'agglomérés de ciment creux de 20 cm, au cours du chantier l'entreprise chargée de la construction a réalisé un mur de 30 cm d'épaisseur ; que l'épaississement à 30 cm des amorces de ce mur avait été préalablement accepté par
M. X ainsi qu'il ressort du procès-verbal de la réunion de chantier du 23 février 2000 ; qu'en se bornant à produire une lettre du 10 juillet 2002 accompagnée d'une note de calcul émanant du bureau d'études « Pays de Loire Bretagne Ingénierie » qui conclut à la stabilité d'un mur de 20 cm, le requérant ne contredit pas les énonciations concordantes de la lettre du
16 août 2000 accompagnée d'une note de calcul du bureau d'études techniques Léautaud indiquant qu'eu égard à la hauteur de 8 m du mur envisagé, il s'avérait nécessaire de prévoir une épaisseur de 30 cm pour prévenir l'effet de panneau provoqué par la neige et le vent et de la note technique établie le 22 janvier 2002 par M. Y, ingénieur, appelé à se prononcer sur le litige qui écarte formellement la stabilité d'un mur d'une épaisseur de 20 cm ; que dès lors, le Tribunal a pu estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que le surcoût supporté par la société Aux Bâtisseurs Régionaux pour la construction d'un mur plus épais est imputable en totalité à une erreur de conception du maître d'oeuvre requérant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a fait droit à la demande de la société Aux Bâtisseurs Régionaux tendant à sa condamnation à réparer le préjudice résultant, pour celle-ci, de la prise en charge du surcoût des travaux relatifs à la dalle et au muret extérieur de la Maison de la jeunesse de Grand-Quevilly ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Aux Bâtisseurs Régionaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 500 euros que la société Aux Bâtisseurs Régionaux demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête M. Jean-Pierre X est rejetée.
Article 2 : M. Jean-Pierre X versera la somme de 1 500 euros à la société à responsabilité limitée Aux Bâtisseurs Régionaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Pierre X et à la société à responsabilité limitée Aux Bâtisseurs Régionaux.
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N°05DA01122