Vu la requête, enregistrée le 29 septembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SOMME ; le préfet demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0605041 du 8 août 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en date du 4 août 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Abdelhamid X et la décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;
2°) de rejeter la demande de M. Abdelhamid X ;
Il soutient qu'il n'a pas été convoqué à l'audience devant le tribunal administratif et n'a pas été destinataire des mémoires en défense présentés par M. X les 6 et 7 août 2006 ; que l'intéressé n'a jamais fait état de sa présence auprès de sa soeur et de son beau-frère, tous deux handicapés ; qu'il est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine ; qu'il peut se faire soigner dans son pays ; que le moyen tiré de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être rejeté ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 5 octobre 2006 fixant la clôture de l'instruction au 28 octobre 2006 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2006, présenté pour M. X, par Me Caron ; M. X demande à la Cour de rejeter la requête ; il soutient que le PREFET DE LA SOMME n'apporte pas la preuve qu'il n'aurait pas été régulièrement avisé de la date de l'audience ; qu'ayant fait l'objet de trois arrêtés de reconduite à la frontière, le préfet ne saurait prétendre qu'il ne connaissait pas sa situation personnelle ; qu'il justifie de la nécessité de sa présence auprès de sa soeur et de son beau-frère, tous deux handicapés, et de leurs enfants mineurs à qui il apporte une aide familiale importante et indispensable ;
Vu l'ordonnance en date du 17 octobre 2006 rouvrant l'instruction ;
Vu la décision du 16 novembre 2006 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leur famille ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur, M. Christian Bauzerand, premier conseiller :
- le rapport de Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-8 du code de justice administrative : « L'Etat est représenté en défense par le préfet qui a pris l'arrêté attaqué. Dès le dépôt de la requête, le président du tribunal administratif lui transmet copie de celle-ci et des pièces qui y sont jointes » ; et qu'aux termes de l'article R. 776-10 du même code : « Les parties doivent être averties par tous moyens de la date, de l'heure et du lieu de l'audience » ;
Considérant que, si le jugement susvisé du 8 août 2006 mentionne que les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA SOMME ait été convoqué à l'audience au cours de laquelle a été examinée la demande tendant à l'annulation de son arrêté du 4 août 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Abdelhamid X ; qu'il suit de là que le jugement attaqué est intervenu sur une procédure irrégulière et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif par M. X ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3º Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Abdelhamid X, de nationalité algérienne, s'est vu notifier, le 17 mai 2005, l'arrêté du 13 mai 2005, par lequel le PREFET DE LA SOMME lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris le 11 juillet 2005, qui n'a pas été exécuté ; qu'il est constant que M. X, qui s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus de séjour, entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ; qu'ainsi, le préfet a pu prendre le 4 août 2006 un nouvel arrêté de reconduite à la frontière ;
Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Considérant que M. X fait valoir qu'il est intégré dans la société française et qu'il vit depuis son arrivée en France à Amiens chez sa soeur, reconnue travailleur handicapé par la Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, et son époux, reconnu invalide à 80 %, auprès desquels sa présence est nécessaire compte tenu de l'assistance quotidienne qu'il leur apporte ainsi qu'à leurs trois enfants mineurs ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. X, né en 1964, célibataire et sans enfant, n'est pas dépourvu d'attache familiale en Algérie et ne justifie ni du besoin permanent que sa soeur et son beau-frère auraient de l'assistance d'une tierce personne ni du caractère indispensable de sa propre présence aux côtés de ces derniers comme seul membre de la famille susceptible de les aider alors qu'il avait indiqué dans sa demande d'asile territorial la présence de trois cousins à Amiens ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, de la durée et des conditions de séjour en France de M. X, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que dès lors, le préfet, qui ne s'est pas mépris sur l'appréciation de la situation de M. X, n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur de fait ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (…) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi » ;
Considérant que si M. X soutient qu'en raison de ses problèmes de santé, un suivi médical et des soins constants lui sont nécessaires, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de l'avis du médecin inspecteur de santé publique du 6 juillet 2006, que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'un traitement approprié ne puisse lui être dispensé dans son pays d'origine ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 511-4 10° ne faisaient pas obstacle à ce qu'il soit reconduit à la frontière ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de renvoi :
Considérant que si M. X soutient qu'il a dû fuir l'Algérie à la suite des persécutions dont il a fait l'objet en raison de son appartenance au Front des forces socialistes, il n'apporte aucune précision ni aucune justification probantes permettant de tenir pour établis les risques qu'il allègue en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision fixant l'Algérie comme pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. X doit être rejetée ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0605041 du 8 août 2006 du Tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE LA SOMME, à M. Abdelhamid X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
N°06DA001343 2