Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le préfet demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0603265 du 7 juin 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en date du 3 juin 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Celal X ;
2°) de rejeter la demande de M. Celal X ;
Il soutient que M. X avait fait l'objet le 4 février 2003 et le 2 avril 2004 d'un refus de séjour et d'une invitation à quitter le territoire, suivis d'une mesure de reconduite à la frontière le 4 juin 2004 ; que la circonstance qu'il soit fiancé avec une ressortissante française avec qui il projette de se marier, alors que la communauté de vie n'est pas établie, ne permet pas de considérer que la mesure d'éloignement porte une atteinte disproportionnée à sa vie familiale ; que même si son père réside en France, il n'est pas démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine où vit sa mère ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 6 juillet 2006 fixant la clôture de l'instruction au 7 août 2006 ;
Vu l'ordonnance en date du 6 septembre 2006 rouvrant l'instruction ;
Vu l'examen des pièces du dossier desquelles il ressort que la requête a été communiquée à M. X qui, bien qu'informé de l'obligation de ministère d'avocat n'a pas produit de mémoire par avocat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 octobre 2006, à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :
- le rapport de Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3º Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Celal X, de nationalité turque, s'est vu notifier, le 8 avril 2004, la décision en date du 2 avril 2004, par laquelle le préfet de l'Eure lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris le 4 juin 2004 par le préfet de l'Eure, qui n'a pas été exécuté ; qu'il est constant que M. X, qui s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus de séjour, entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ; qu'ainsi le PREFET DU PAS-DE-CALAIS a pu prendre le 3 juin 2006 un second arrêté de reconduite à la frontière ;
Considérant que M. X soutient qu'il est entré en France en 2000, que son père, titulaire d'une carte de résident, vit en France depuis 1990 et qu'il aurait engagé des démarches en vue de son mariage avec une ressortissante française ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant et a conservé des attaches familiales en Turquie où réside sa mère ; que la seule production devant le tribunal administratif d'un document qui émanerait de la mairie de Joué les Tours daté du 3 mai 2006 indiquant que le mariage serait célébré en septembre 2006 ne suffit pas à établir la réalité de ce projet matrimonial alors que l'intéressé n'a pas allégué devant le Tribunal avoir une vie commune avec sa fiancée et qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que le mariage a eu lieu à la date indiquée ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé, l'arrêté du 3 juin 2006 n'a pas porté atteinte au droit de M. X au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cet arrêté ne peut, dès lors, être regardé comme ayant méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit au respect de la vie privée et familiale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille s'est fondé sur l'atteinte disproportionnée à la vie familiale de M. X pour annuler son arrêté du 3 juin 2006 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X en première instance ;
Considérant que Mlle Y a reçu délégation de signature pour signer les arrêtés de reconduite à la frontière, les décisions de maintien en rétention administrative et les arrêtés fixant le pays de destination par arrêté du 1er mars 2006, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais du même jour ;
Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS n'aurait pas procédé à un examen de la situation de M. X avant de prendre ledit arrêté ;
Considérant que, pour les motifs indiqués ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de reconduite à la frontière prise à l'encontre de M. X méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté, qui n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle au projet de mariage de l'intéressé, ne peut être regardé comme portant atteinte à son droit au mariage ;
Considérant que si M. X fait état de sa crainte d'être persécuté en raison de ses origines kurdes, de son opposition au régime turc et de sa lutte pour la cause kurde au cas où il serait contraint de retourner en Turquie, l'intéressé, dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 février 2002, et par la Commission des recours des réfugiés le 10 décembre 2002, ne produit toutefois à l'appui de ses allégations que la photocopie d'un mandat d'arrêt daté du 16 mai 2006 et d'un procès-verbal de perquisition de domicile du 21 mai 2006, qui ne présentent pas les garanties d'authenticité suffisantes pour établir la réalité des risques qu'il encourrait personnellement ; que, par suite, le moyen tiré de la violation par l'arrêté fixant la Turquie comme pays de destination des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il y a lieu d'écarter des débats les écritures de M. X, produites sans le ministère d'un avocat ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 3 juin 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0603265 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lille du 7 juin 2006 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU PAS-DE-CALAIS, à M. Celal X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Délibéré après l'audience du 31 octobre 2006, à laquelle siégeaient :
- Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre,
- Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur,
- M. Manuel Delamarre, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 14 novembre 2006.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : B. PHEMOLANT
Le président-rapporteur,
Signé : C.V. HELMHOLTZ
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
M.T. LEVEQUE
N°06DA00870 2