Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée CBK dont le siège est ... prise en la personne de
Me Delezenne, représentant des créanciers, par Me X... ; l'EURL CBK demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0302224 en date du 23 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période de novembre 1995 à août 1998 par avis de mise en recouvrement du 31 mai 2000 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que les notifications de redressements du 21 octobre 1999 et du 2 décembre 1999 ne comportent pas la totalité des annexes qui y sont annoncées et sont par suite insuffisamment motivées ; que la comptabilité de l'entreprise est, contrairement à ce que prétend l'administration, probante ; que le vérificateur a omis de relever sur un procès-verbal, ainsi que le prévoit l'article L. 13 A du livre des procédures fiscales, que certains documents comptables ou factures d'achat de marchandises qui n'avaient pu lui être présentés lors d'un premier entretien, l'ont été le 30 novembre 1999 ; qu'en l'absence de rédaction du procès-verbal, l'administration ne peut renverser la charge de la preuve à la société ; que la non-comptabilisation de quatre factures ne saurait être reprochée à la requérante qui n'a pu, en conséquence, les déduire de son résultat ; que le vérificateur n'a pris en compte, ni les conditions dans lesquelles les commandes étaient passées, ni la chute importante de la clientèle des discothèques qu'elle exploite ; que rien n'interdisait à l'entreprise d'avoir recours à des séries de billets d'entrée comportant des suites interrompues, dès lors que ces séries étaient régulièrement numérotées ; que les erreurs affectant les inscriptions portées sur les livres de caisse au regard des chiffres inscrits sur les bandes des caisses enregistreuses sont minimes ; que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires par unités de boissons utilisée à titre principal par le service est viciée dans son principe et imprécise dans ses résultats ; qu'elle ne prend pas en compte les conditions dans lesquelles la vente des bouteilles de champagne était pratiquée ; que c'est également à tort que le vérificateur a transposé, en ce qui concerne l'exercice clos le
31 août 1998, le chiffre d'affaires de l'exercice précédent ; que la méthode des centilisations utilisée à titre accessoire par le service doit être seule retenue pour la reconstitution des recettes, sous réserve toutefois que les prix retenus pour la vente du champagne et le dosage du pastis soient rectifiés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 février 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête ; il soutient que la simple référence par l'appelante à ses moyens de première instance ne met pas le juge en mesure d'apprécier en quoi la société conteste la solution adoptée par les premiers juges et entraîne en conséquence le rejet de la requête comme non motivée ; que les impositions litigieuses ont été établies selon une procédure régulière ; que la notification de redressements du 2 décembre 1999 qui a annulé et a remplacé celle du 21 octobre 1999 est suffisamment motivée et comprend les annexes exposant les deux méthodes utilisées de reconstitution des recettes ; que la requérante ayant accepté les redressements, supporte la charge de la preuve ; que la comptabilité, qui comportait de graves irrégularités et n'était, par suite, pas probante, autorisait le service à reconstituer les recettes à l'aide de méthodes extra comptables ; que les méthodes de reconstitution utilisées par le vérificateur sont fiables ; que la requérante n'en conteste pas utilement le bien-fondé par les éléments qu'elle présente ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Z...,
président-assesseur et M. Olivier Mesmin d'Estienne, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Mesmin d'Estienne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Y... Le Goff, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'à la suite d'une première notification de redressements en date du 21 octobre 1999, les services fiscaux ont adressé le 2 décembre 1999 à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée CBK une seconde notification de redressements qui annulait et remplaçait la précédente ; que la circonstance que la notification de redressements du 21 octobre 1999 aurait été incomplète ou insuffisamment motivée est, dès lors, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant, en deuxième lieu, que la requérante ne peut utilement faire valoir que l'administration aurait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition en omettant de joindre à la notification de redressements du 2 décembre 1999 une partie de l'annexe n° 17 de celle-ci, laquelle devait donner les éléments nécessaires à la reconstitution du chiffre d'affaires des années 1997 et 1998 selon la méthode du nombre d'unités de boissons, dès lors que ladite annexe ne concernait précisément que l'exercice clos en 1996 et que le vérificateur a précisé que la consommation moyenne de boissons par client retenue au titre de cette année serait, en raison des anomalies relevées dans la comptabilité de la société, appliquée aux deux exercices suivants ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité :
Considérant que pour écarter comme dépourvue de valeur probante la comptabilité de l'EURL CBK, le vérificateur a constaté que le livre d'inventaire et le registre des assemblées générales avaient été établis après l'engagement de la vérification de comptabilité, que plusieurs factures d'achats de marchandises n'avaient pas été comptabilisées et que l'analyse des stocks dont le montant à la clôture était supérieur à celui de l'ouverture, nonobstant les sorties de marchandises alléguées, était de nature à mettre en évidence la présence d'achats sans factures, non comptabilisés ; que le vérificateur a également constaté que les indications portées sur les bandes de caisses enregistreuses utilisées pour la vente des boissons ne correspondaient nullement à celles figurant sur les livres de caisse et recelaient des incohérences flagrantes au regard des horaires d'ouverture des établissements ; que l'administration fait encore valoir que la délivrance des billets d'entrée dans les discothèques a été effectuée sans que fussent respectées les prescriptions figurant aux articles 290 quater du code général des impôts et 50 sexies B à H de l'annexe IV audit code qui s'appliquent à la tenue en comptabilité des tickets ;
Considérant, d'une part, que si, aux termes de l'article L. 13 A du livre des procédures fiscales : « Le défaut de présentation de la comptabilité est constaté par procès-verbal que le contribuable est invité à contresigner ... », ces prescriptions ne constituent pour le service qu'une simple faculté destinée à lui faciliter l'administration de la preuve mais dont l'absence de mise en oeuvre est sans conséquence sur la régularité de la procédure ; que dès lors le moyen tiré par l'EURL CBK de l'absence d'établissement d'un procès-verbal constatant le défaut de présentation de l'ensemble des documents comptables est inopérant ;
Considérant, d'autre part, que l'EURL CBK qui ne conteste pas, au demeurant, n'avoir pu fournir au vérificateur la totalité des factures d'achat de marchandises dont l'inscription en comptabilité était mise en doute, n'établit pas avoir présenté l'ensemble des pièces et documents comptables qu'elle était tenue de produire lors de l'engagement du contrôle ; qu'elle ne saurait pour soutenir que sa comptabilité avait néanmoins un caractère probant se borner à faire valoir que le défaut de comptabilisation de certaines factures l'aurait privée de la déduction des charges correspondantes à ces achats ; que le recours allégué à des achats groupés pour bénéficier de conditions plus avantageuses sans apporter au soutien de cette explication un quelconque élément de preuve, n'est pas de nature à justifier le défaut d'inscription en comptabilité des achats de marchandises effectués durant certaines périodes de l'exercice ; que les discordances relevées entre les indications des bandes de contrôle des caisses enregistreuses et celles figurant dans les livres de caisse ne peuvent, contrairement à ce qu'elle soutient, être tenues pour marginales et que l'affirmation selon laquelle les variations importantes de son chiffre d'affaires au cours des exercices en litige s'expliqueraient par les changements de goûts de la clientèle, est inopérante ;
Considérant, enfin, qu'il résulte des dispositions de l'article 290 quater du code général des impôts ainsi que de celles de l'article 50 sexies G, 50 sexies H et du troisième alinéa de l'article 50 sexies B de l'annexe IV au même code que les exploitants des établissements de spectacles sont tenus de délivrer des billets numérotés suivant une série ininterrompue et à établir, dès la fin de chaque journée, un relevé comportant les numéros des premiers et derniers billets délivrés, le nombre de ceux-ci, le prix de la place et la recette correspondante ; qu'il n'est pas contesté que les billets délivrés aux clients de ces établissements étaient tirés de carnets comprenant des séries limitées sans que soient conservés les billets non utilisés et sans que la suite entre les numéros des séries puisse être reconstituée et que l'ensemble des formalités de suivi des tickets sus-énumérées n'étaient pas réalisées ;
Considérant, qu'ainsi, contrairement à ce que soutient l'EURL CBK, les graves irrégularités relevées justifiaient le rejet de la comptabilité et autorisaient l'administration à procéder à une reconstitution des recettes de l'entreprise ;
En ce qui concerne la reconstitution des recettes :
Considérant, en premier lieu, que l'EURL CBK qui n'a pas répondu dans le délai de trente jours prévu à l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales à la notification de redressements et à laquelle incombe la charge de la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge en application de l'article R. 194-1 du même livre, critique la méthode « par unité de boissons » retenue par le service en faisant valoir qu'il convenait de retenir pour chaque bouteille de champagne, non pas une unité de boisson, comme l'a fait le vérificateur mais environ huit unités et que le prix de 25 francs par bouteille retenu était sous-évalué ; qu'un tel argument n'est cependant pas de nature à établir une exagération du chiffre d'affaires reconstitué mais au contraire une sous-estimation de celui-ci ; qu'en tout état de cause, le gérant de l'EURL a lui-même indiqué dans une note datée du 22 juin 1999 que le champagne n'était jamais vendu à la coupe ; qu'alors que l'administration fait valoir que les conditions d'exploitation de l'ensemble des discothèques n'avaient pas changé, aucune explication ni justification n'est donnée par la requérante quant à la baisse des recettes entrées qu'elle avait constatée en comptabilité entre les exercices clos en 1997 et 1998 ; que la comptabilité étant dépourvue de caractère probant, ainsi qu'il a été dit plus haut, l'administration était en droit pour la détermination du nombre d'unités de boissons facturées d'évaluer les recettes entrées de l'exercice clos le 31 août 1998 à partir des recettes de l'exercice clos le 31 décembre 1997 en effectuant un ajustement de l'évaluation de ces recettes prorata temporis ;
Considérant, en second lieu, que l'EURL CBK n'établit pas que la seconde méthode basée sur les centilisations, qui n'a été présentée, d'ailleurs, que pour corroborer la première méthode sur laquelle s'est fondée la reconstitution de recettes, devait être retenue ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à demander qu'il soit fait usage de cette méthode en tenant compte de la rectification de la centilisation appliquée au pastis de marque Ricard et d'une réfaction de 10 % sur les ventes de champagne ;
Considérant qu'il suit de là que la requérante ne démontre pas l'exagération des impositions résultant de la reconstitution des recettes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EURL CBK n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de l'EURL CBK tendant à l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'EURL CBK demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL CBK est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL CBK représentée par Me Delezenne représentant des créanciers et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
2
N°05DA01138