Vu la requête n° 04DA00126, enregistrée le 9 février 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SAS SOPREX, dont le siège est sis ZA du Pré de la Dame Jeanne, Route de Survilliers à Plailly (60128), par la SCP d'avocats Thierry Lefebvre et associés ; la SAS SOPREX demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 01-2590 en date du 4 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1998, dans les rôles de la commune de Lys-lez-Lannoy, mises en recouvrement le 31 décembre 1999 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que c'est à tort que le Tribunal a considéré que seuls les actes signés par tous les membres composant un groupement d'intérêt économique sont susceptibles de produire des effets juridiques ; qu'en effet, si l'imposition du résultat d'une société de personnes s'effectue au niveau des associés, il n'en reste pas moins qu'une telle société est dotée de la personnalité morale ; qu'il s'ensuit que la conclusion d'un acte de cession de parts ne nécessite nullement la signature de tous les membres du groupement ; qu'en l'espèce, l'acte de cession de parts du 24 mars 1994, comme son avenant du
20 octobre 1994, a été conclu entre la société Irpa et la société SOPREX sans que le GIE ait eu à intervenir, les parts, en vertu de l'article 7 du contrat du groupement, étant librement cessibles aux personnes morales contrôlées à plus de 50 % par la société Unichips Finanziara Spa ; que cette condition étant remplie à la date de cession des parts, celle-ci n'avait pas, de même que l'avenant, à être signée par tous les membres du GIE ; que c'est donc à tort que le Tribunal s'est fondé sur ce que l'avenant ne pouvait être regardé comme un acte du groupement en l'absence de signature de tous les membres du groupement ;
- que c'est à tort que l'administration a considéré que dès lors qu'à la date de clôture de l'exercice social du GIE, la société SOPREX n'avait plus la qualité de membre du groupement, elle ne pouvait imputer la quote-part des pertes subies par le GIE en application de la réponse ministérielle X du 30 août 1993 et des décisions du Conseil d'Etat ; qu'en effet, une convention antérieure à la clôture d'un exercice pouvant conférer aux associés des droits dans les résultats sociaux différents de ceux résultant du pacte social, la convention du 20 octobre 1994 a pu prévoir l'attribution à un associé, qui a quitté la société, d'une quote-part du résultat ; qu'en conséquence, l'exposante est en droit de solliciter les dispositions de la doctrine administrative
4 F-1221 du 7 juillet 1998 (n°15 et 17) ; qu'en outre, si la doctrine administrative (Rep. Min. X précitée) estime que la répartition prorata temporis du résultat de l'exercice au cours duquel est intervenue la cession des part n'est pas opposable à l'administration, elle prévoit également qu'en cas de retrait d'un associé en cours d'exercice, la rétrocession conventionnelle d'une quote-part de bénéfices à la clôture de l'exercice représente pour le nouvel associé une utilisation de son revenu et s'analyse comme un élément du prix d'acquisition de sa part (Rep. Y, AN, 29 février 1996) ; que l'application mécanique de cette doctrine aboutit à un non sens en cas de pertes puisque le GIE aurait alors une valeur négative ; que selon l'instruction 4-A-7-83, et 42 et suivants, du 22 août 1983, un élément d'actif ne peut avoir une valeur négative ; qu'il suit de là que le redressement n'est pas fondé, la doctrine administrative invoquée étant à la fois inopposable au contribuable et contraire à la loi et conduisant en outre à une solution absurde ;
- qu'enfin, c'est à tort que le Tribunal a considéré que l'avenant du 20 octobre 1994 n'était pas opposable à l'administration pour n'avoir pas donné lieu à la publicité prévue au dernier alinéa de l'article 6 de l'ordonnance du 23 septembre 1967 ; qu'en effet, les cessions de parts de GIE ne sont soumises au droit fixe des actes innomés que lorsque l'acte est présenté volontairement à l'enregistrement comme le prévoit l'instruction 4 F-3-91 du 10 mai 1991, n°23 et la documentation administrative 4 F-1223 du 7 juillet 1998, n°45 ; que les cessions de parts d'intérêt d'un GIE ne sont pas soumises à une obligation d'enregistrement ; que l'acte de cession a été présenté au service à la première demande ; que l'enregistrement n'est pas la seule formalité susceptible de donner date certaine audit acte ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2004, présenté pour l'Etat, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, représenté par le directeur départemental des services fiscaux ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ;
Il soutient :
- en premier lieu, que les bénéfices réalisés par un groupement d'intérêt économique ne sont réputés réalisés qu'à la clôture de l'exercice et ne peuvent être imposables qu'entre les mains des membres présents à cette date ; que la part de bénéfice revenant à un associé résulte du pacte social à défaut de conventions contraires passées avant la date de clôture de l'exercice entre les seuls associés ; qu'ainsi, en cas de retrait d'un ou de plusieurs associés en cours d'année, une répartition prorata temporis des résultats entre les associés présents à la clôture de l'exercice et ceux ayant cédé leurs parts au cours de l'exercice n'est pas opposable à l'administration fiscale ; qu'en l'espèce, alors même que l'avenant du 20 octobre 1994 précise que la société cédante aura droit à une partie des bénéfices de l'exercice en cours, elle ne peut prétendre à l'imputation de la perte fiscale sur ses propres résultats dès lors qu'elle n'était plus membre du GIE à la clôture de l'exercice 1994 ; qu'en outre, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la réponse ministérielle Y qui confirme l'interprétation de la loi qui vient d'être exposée et précise seulement que, sous certaines conditions, l'administration admet de prendre en considération un acte ayant pour effet de conférer aux associés des droits différents dans les bénéfices sociaux en analysant la rétrocession conventionnelle d'une quote-part des bénéfices par le nouvel associé comme un élément du prix d'acquisition de ses parts ; qu'il a été précisé ultérieurement, pour les sociétés exerçant une activité non commerciale, que l'associé sortant ne peut être imposé sur les fractions de résultats que si un exercice intermédiaire est arrêté à la date de son retrait ou si le retrait entraîne la dissolution de la société ; qu'aucune de ces deux conditions n'est en l'espèce remplie ;
- qu'en tout état de cause, la cession de parts et son avenant ne sont pas opposables dès lors que les modalités de validité des actes du groupement, en cas de retrait ou d'admission d'un nouveau membre, ne sont pas respectées ; que les statuts présentés, en date du 25 mars 1994, sont postérieurs à la cession et ne lui sont donc pas applicables ; que l'article 7 de l'ordonnance de 1967 prévoit que dans les silence des statuts, l'admission d'un nouveau membre est subordonnée à l'accord unanime du groupement ; qu'aucune décision de l'assemblée agréant l'entrée de la société SOPREX n'a été produite ; qu'en tout état de cause, si les statuts produits, qui prévoient au demeurant une décision collective des membres du GIE, prévoient une libre cessibilité des parts du GIE entre sociétés du groupe Unichips, la requérante ne démontre ni en faire partie, ni que la société cessionnaire en ait fait partie à la date de la cession ; qu'enfin, l'avenant à l'acte de cession constitue un contrat accessoire au contrat de cession, soumis à la même obligation d'accord de l'assemblée des membres ; que n'étant signé que des représentants des sociétés SOPREX et Irpa et non de l'ensemble de membres ou par la majorité des 2/3 prévue par les statuts, il ne saurait produire d'effets à l'égard des tiers ; que, par ailleurs, la convention du 20 octobre 1994, qui a modifié la composition des membres du GIE, aurait dû faire l'objet d'un dépôt au greffe et d'une inscription, modificative au registre du commerce et de sociétés ; qu'en outre, il n'a été produit pour la première fois qu'en 2000 et n'a nullement été publié avant la clôture de l'exercice 1994 ; que la société SOPREX n'établit pas par d'autres moyens son existence avant cette date ; qu'en conséquence, l'antériorité de cette convention à la clôture de l'exercice n'est pas démontrée ;
- qu'enfin, si la requérante soutient que l'application de la réponse ministérielle Y aboutirait à un non-sens comptable, les parts du GIE ayant une valeur négative dans l'hypothèse où la quote-part de déficit correspondrait à l'utilisation du prix de vente, il doit être considéré que la possibilité pour la société Irpa de bénéficier de déficits à imputer sur son résultat a été prise en compte par les parties lors de la négociation des parts du GIE ;
Vu, enregistré le 2 mars 2006, le mémoire présentée pour la SAS SOPREX, concluant aux mêmes fins que sa requête ; elle soutient, en outre, qu'en dehors des exceptions prévues par la loi, un acte sous seing privé n'est soumis à aucune autre condition de forme que la signature de ceux qui s'obligent ; que si l'avenant à l'acte de cession de parts n'a été produit qu'au cours de l'année 2000, c'est en raison de l'absence de redressement avant 1998, année du premier exercice bénéficiaire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2006, à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur et M. Olivier Mesmin d'Estienne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur,
- les observations de Me Gabrielian pour la société SOPREX,
- et les conclusions de M. Le Goff, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'au motif que les bénéfices réalisés par un groupement d'intérêt économique ne sont réputés réalisés qu'à la clôture de l'exercice et ne peuvent être imposables qu'entre les mains des membres présents à cette date, l'administration fiscale a refusé à la société Irpa, aujourd'hui dénommée SOPREX, le bénéfice de l'imputation, sur ses résultats de l'année 1994 et des années ultérieures, de la perte constatée au terme de l'exercice clos le 31 décembre 1994 par le GIE Interal France, dont cette société était membre jusqu'au 24 mars 1994, date à laquelle elle a cédé ses parts ; que, par jugement du 4 décembre 2003, le Tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés assignées en conséquence à la requérante au titre de l'année 1998 ; que la société SOPREX demande à la Cour d'annuler ce jugement et de prononcer la décharge demandée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 239 quater du code général des impôts : « I. Les groupements d'intérêt économique constitués et fonctionnant dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967 n'entrent pas dans le champ d'application du 1 de l'article 206, mais chacun de leurs membres est personnellement passible, pour la part des bénéfices correspondant à ses droits dans le groupement, soit de l'impôt sur le revenu, soit de l'impôt sur les sociétés s'il s'agit de personnes morales relevant de cet impôt. Pour l'application de cette disposition, la répartition est effectuée dans les conditions fixées par le contrat de groupement ou à défaut, par fractions égales » ; qu'en vertu de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont rendues applicables aux sociétés relevant de l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, les bénéfices industriels et commerciaux sont regardés comme ne pouvant être réalisés qu'à la date de la clôture de l'exercice ; que c'est donc seulement à cette dernière date, que les membres, passibles de l'impôt sur les sociétés, d'un groupement d'intérêt économique sont réputés, pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, avoir réalisé la quote-part de bénéfices leur revenant ;
Considérant, en premier lieu, que si la société requérante se prévaut de ce qu'une convention antérieure à la clôture d'un exercice peut conférer aux associés des droits dans les résultats sociaux différents de ceux résultant du pacte social, elle n'établit pas, en l'espèce, l'existence d'un acte du GIE Interal prévoyant la possibilité de distribuer une partie du résultat de l'exercice à des membres ayant quitté ce groupement en cours d'exercice alors qu'il est constant que le contrat instituant le groupement ne prévoit pas la possibilité d'une telle distribution ; que, notamment, l'acte de cession des parts du 24 mars 1994, qui, comme le fait valoir la requérante elle-même en se prévalant de l'article 7 des statuts du GIE, n'avait pas être signé ou agréé par l'ensemble des membres du groupement, et la convention du 20 octobre 1994, qui n'a été conclue qu'entre l'intéressée et la société ayant acquis ses parts, ne constituent pas des conventions conclues entre les membres du groupement et ne sont pas, dès lors, de nature à modifier les droits résultant pour ceux-ci du contrat institutif ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces deux actes n'avaient pas à faire l'objet des mesures de publicité prévues au dernier alinéa de l'article 6 de l'ordonnance susvisée du
23 septembre 1967 est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse ; qu'ainsi, c'est par une exacte application de la loi fiscale que l'administration fiscale a refusé à la société requérante le bénéfice de l'imputation sur ses résultats de la perte constatée au terme de l'exercice clos le
31 décembre 1994 par le GIE Interal France, dont cette société n'était plus membre depuis le
24 mars 1994 ; que l'imposition étant justifiée au regard de la loi fiscale, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que l'administration aurait également invoqué, pour fonder le redressement, sa propre doctrine résultant de la réponse faite le 30 août 1993 à M. X, député ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de la doctrine administrative 4 F-1221 du 7 juillet 1998 qui prévoit qu'en présence d'un acte ou d'une convention antérieure à la clôture de l'exercice qui « confère aux associés des droits différents dans les bénéfices sociaux, la base d'imposition de chacun d'eux est alors déterminée en tenant compte des stipulations de cet acte ou de cette convention », faute d'établir en l'espèce l'existence d'un tel acte ou convention ; que la réponse faite à M. Y, député, le 29 février 1996, qui est relative au cas dans lequel l'ancien et le nouvel associé d'une société de personnes sont convenus que le second rétrocède au premier une quote-part de bénéfice à la clôture, ne comporte aucune prévision en cas de perte, ni, par suite, d'interprétation de la loi fiscale dont la requérante puisse utilement se prévaloir ; que la société SOPREX ne peut davantage utilement invoquer les paragraphes 42 et suivants de l'instruction 4-A-7-83 du 22 août 1983 et le paragraphe 23 de l'instruction 4 F-3-91 du 10 mai 1991, repris dans la documentation administrative 4 F-1223 du 7 juillet 1998, qui ne contiennent aucune interprétation des dispositions de la loi fiscale qui lui sont applicables ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SOPREX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société SOPREX au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions tendant à cette fin doivent, par suite, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société SOPREX est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SOPREX et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°04DA00126