Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société TRITON CORPORATION LIMITED, société de droit anglais dont le siège est Kent House, 152/160 City road, à Londres, Royaume-Uni, par Me Gauthier van den Shrieck ; la société TRITON CORPORATION LIMITED demande à la Cour :
1) d'annuler le jugement n° 00-698 du 10 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1994 à 1996, mises en recouvrement le 31 août 1999 et des pénalités y afférentes ;
2) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société TRITON CORPORATION LIMITED soutient que la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors qu'au mépris des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'ordonnance de perquisition délivrée par le Président du Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, de surcroît non rédigée en anglais, ne lui a pas été notifiée ; que certains documents saisis ne lui ont pas été restitués comme ils auraient dû l'être ; que c'est à tort que des impositions supplémentaires lui ont été assignées, dès lors que, contrairement à ce qui a été estimé par le vérificateur, l'opération de vente du navire Blue Light acquis par la société n'a pas donné lieu à la perception par celle-ci d'un bénéfice taxable et que la société a réalisé au cours des exercices 1992 et 1993 des pertes qui n'ont pas été prises en compte lors du contrôle ; que la société dont le siège social était situé au cours des années en litige à Londres a été dissoute depuis le 10 janvier 1996 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête ; il soutient que le moyen tiré de ce que le représentant de la société Triton n'a pu accuser réception de l'ordonnance du 11 décembre 1996 autorisant le service, en application des dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales , à effectuer une visite dans les locaux de cette société, manque en fait, dès lors que l'accusé de réception a été signé par une personne se désignant clairement sous le nom dudit représentant ; que les moyens de la requête tirés de l'irrégularité de ladite ordonnance sont irrecevables devant la Cour ; que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'intégralité des documents saisis ne lui a pas été restituée, dès lors que son représentant a attesté en avoir repris possession ; que la société qui, taxée d'office, supporte la charge de la preuve, n'établit pas l'existence des frais ayant grevé l'opération de vente d'un navire et qu'elle ne justifie pas du montant des déficits qu'elle allègue ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 février 2004, présenté pour la société TRITON CORPORATION LIMITED ; la société TRITON CORPORATION LIMITED conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 mars 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête par les mêmes motifs que ceux exposés précédemment ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2005 à laquelle siégeaient Mme Helmholtz, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et
M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller :
- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Le Goff, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : « I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement de l'impôt ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée… elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts… à rechercher les preuves de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie... II Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui… L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre réception ou émargement du procès-verbal prévu au IV. En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'ordonnance est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec accusé de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l'avis… Le délai et les modalités de la voie de recours sont mentionnés sur les actes de notification et de signification. L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale ; ce pourvoi n'est pas suspensif. Les délais de pourvoi courent à compter de la notification ou de la signification de l'ordonnance…
V (…) Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite » ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que par ordonnance délivrée le 11 décembre 1996, le Président du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a autorisé la direction nationale d'enquêtes fiscales à effectuer, en application des dispositions précitées
du I dudit article, une perquisition au domicile de M. X, alors dirigeant de la société TRITON CORPORATION LIMITED ; que cette visite domiciliaire a eu lieu, le 12 décembre 1996 ; que la société TRITON CORPORATION LIMITED soutient que la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que l'ordonnance du Président du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer n'était pas rédigée en anglais, seule langue comprise par son dirigeant de nationalité britannique, en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne leur a pas été notifiée ;
Considérant qu'en application des dispositions précitées du dernier alinéa du II de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, le juge judiciaire est seul compétent pour apprécier la régularité des ordonnances prises par le président du tribunal de grande instance ; que si, par ailleurs, la société TRITON CORPORATION LIMITED conteste la régularité de la notification de l'ordonnance, il lui appartient, le cas échéant de saisir la Cour de cassation d'un pourvoi en cassation en faisant valoir que le délai du pourvoi n'a pas couru à son encontre ;
Considérant, d'autre part qu'il résulte de l'instruction que l'ensemble des documents relatifs à la société TRITON CORPORATION LIMITED saisis à l'occasion de la visite de ses locaux sis dans la commune de Montcavrel autorisée par l'ordonnance susvisée ont été restitués le 6 février 1997 au conseil de la société mandaté à cet effet lequel a paraphé et signé sans émettre aucune réserve les deux procès-verbaux de restitution qui mentionnent de manière détaillée les pièces saisies le 12 décembre 1996 parmi lesquelles figurent les relevés de compte de l'entreprise auprès de la banque Lambert à Bruxelles de 1994 à 1996 répertoriés sous les n° 000330 à 000370, 000440 à 000468, 000718 à 000771, et 000932 à 000951 ; que la société TRITON CORPORATION LIMITED n'apporte aucun élément de nature à établir qu'en dépit des mentions figurant sur lesdits procès-verbaux, les relevés de compte susmentionnés n'auraient pas en réalité été remis à son conseil ; qu'elle ne saurait, dès lors, soutenir qu'en l'absence de restitution des documents, elle a été dans l'impossibilité d'assurer sa défense ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société TRITON CORPORATION LIMITED n'est pas fondée à soutenir que les impositions litigieuses lui auraient été assignées au terme d'une procédure irrégulière ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : « Sont taxés d'office : …2° A l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt, qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration » ; qu'aux termes de l'article L. 193 du même livre : « Dans tous les cas où une imposition est établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition » ;
Considérant que la société requérante, bien que de droit anglais et ayant son siège social à Londres, ne conteste pas sérieusement qu'elle exerçait son activité en France au titre des années en litige à Montcavrel, domicile de son dirigeant et principal associé et était par suite imposable à l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article L. 209-1 du code général des impôts ; qu'imposée d'office en application des dispositions précitées de l'article L. 66-2° du livre des procédures fiscales, elle supporte la charge de la preuve conformément aux dispositions de l'article L. 193 du même livre ; qu'elle n'établit pas que, ainsi qu'elle l'allègue, l'opération d'acquisition puis de vente du navire Blue Light, réalisée par elle dans le cadre d'une association avec d'autres sociétés étrangères, l'aurait conduite, d'une part, à devoir engager des frais supérieurs à ceux d'un montant de 5 056 501 francs reconnus par l'administration et, d'autre part, à devoir supporter, en sus de ces frais, une somme de 557 925 dollars afin de couvrir les coûts de l'équipage et de l'assurance de ce bâtiment ; qu'elle n'établit pas davantage que les frais supplémentaires qu'elle évoque, auraient été imputés sur le profit réalisé lors de la vente à la ferraille du navire ; que si elle soutient que son activité n'aurait pas permis que soit dégagé un résultat imposable au cours de l'exercice clos en 1994, en raison des divers frais ayant grevé le bénéfice réalisé par elle à la suite de la vente du navire Blue Light, elle n'apporte cependant au soutien de cette affirmation aucun élément de preuve, sans pouvoir utilement se prévaloir de l'impossibilité pour elle de produire des éléments de justification notamment les documents afférents à son compte auprès de la Banque Bruxelles Lambert, qui ne lui auraient pas été restitués à l'issue des opérations de perquisition, alors, qu'ainsi qu'il a été dit, la restitution des documents saisis s'est réalisée dans des conditions régulières ; qu'elle ne peut, de même, affirmer que son exploitation au cours des années en litige n'aurait permis de dégager aucun bénéfice taxable en raison du report des pertes réalisées au cours des exercices clos en 1992 et 1993, sans justifier de l'existence de tels déficits ; qu'enfin, si la société TRITON CORPORATION LIMITED, fait état de la circonstance qu'elle aurait été dissoute depuis le 10 janvier 1996, elle n'en tire aucune conséquence ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que la société TRITON CORPORATION LIMITED n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la société TRITON CORPORATION LIMITED tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société TRITON CORPORATION LIMITED demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société TRITON CORPORATION LIMITED est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société TRITON CORPORATION LIMITED et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°03DA00614