Vu la requête, enregistrée le 25 février 2004, présentée pour Mme Frédérique X, demeurant ..., l'union départementale des associations familiales de Saône et Loire (UDAF), agissant en qualité de curateur d'Etat des biens de
Mme X, dont le siège est 4 bis Boulevard de la Liberté à Macon (71000),
M. Gilbert X, Mme Joséphine X, demeurant 2024 rue Jean Jaurès à
Sanvignes-les-Mines (71410), M. David X, demeurant ... et Mme Marie-Noëlle X, demeurant ..., par la SCP d'avocats Adida Mathieu Buisson ; les appelants demandent à la Cour :
1') de réformer le jugement n° 00-626 en date du 18 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a d'une part, limité la responsabilité du centre hospitalier de Clermont de l'Oise dans la survenance du décès de M. Christian X à 25 % des conséquences dommageables, d'autre part, fixé les indemnités, qu'ils jugent insuffisantes, allouées à
Mme Frédérique X à la somme de 6 000 euros, à Paul et Léna X à la somme de 6 250 euros chacun, à M. Gilbert et Mme Joséphine X à la somme de 5 000 euros chacun et à M. David et à Mme Marie-Noëlle X à la somme de 1 500 euros chacun ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Clermont de l'Oise à verser à Mme Frédérique X la somme de 30 500 euros au titre de son préjudice moral, 3 331,77 euros au titre de son préjudice matériel et de 320 890,46 euros au titre de son préjudice patrimonial, à
M. Gilbert X au nom de Paul et Léna X la somme de 30 500 euros chacun au titre de leur préjudice moral, à M. Gilbert et Mme Joséphine X la somme de 12 196 euros chacun au titre de leur préjudice moral et à M. David et à Mme Marie-Noëlle X la somme de 9 147 euros chacun au titre du préjudice de même nature ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Clermont de l'Oise à leur verser la somme de
5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que les indemnités réclamées dans leur mémoire de première instance enregistré le 18 février 2002 ne faisaient que compléter leurs réclamations initiales et étaient donc recevables ; que le Dr Z et le centre hospitalier ne peuvent être exonérés même partiellement de leur responsabilité par une responsabilité de M. X ; que le refus de ce dernier d'être hospitalisé, à supposer que cette circonstance soit établie, ne peut être retenu à l'encontre de l'intéressé dès lors que le médecin ayant reçu M. X aux services des urgences du centre hospitalier n'a pas informé le patient de la gravité de son état de santé et de l'utilité de rester en observation à l'hôpital ; que le médecin des urgences, en se limitant à ausculter le patient et à réaliser des radiographies, n'a pas apporté l'attention nécessaire, ni les soins qui s'imposaient au regard de l'état du malade ; que le chef de service et les supérieurs hiérarchiques du médecin en cause avaient connaissance des difficultés traversées par ce dernier et auraient du prendre les mesures nécessaires afin d'éviter les conséquences tragiques entraînées par le comportement dudit médecin ; que dès lors, le défaut d'organisation du service et de gestion du personnel sont constitutifs d'une faute de service engageant la responsabilité du centre hospitalier ; que Mme Frédérique X enceinte au moment des faits, est depuis la survenue de ceux-ci, dans un état dépressif l'ayant conduit à cesser toute activité professionnelle ; que sa fille ne connaîtra pas son père ; que toute la famille a subi ainsi un préjudice moral très important ; que compte tenu de la perte des revenus de M. Christian X, qui était promis à une brillante carrière, sa veuve et ses enfants subissent un préjudice économique ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 février 2005, présenté pour le centre hospitalier de Clermont de l'Oise, qui conclut au rejet de la requête, et par la voie de l'appel incident, au rejet des demandes de première instance des consorts X et à titre subsidiaire à la réduction dans de plus justes proportions des indemnités qui leur ont été versées, à un partage de responsabilité en réduisant de 2/3 le droit à indemnisation des requérants ; il soutient que la requête des consorts X devant les premiers juges était irrecevable dès lors qu'elle avait été introduite sans attendre la réponse de l'administration à leur réclamation, ni l'expiration du délai accordé à cette dernière pour notifier sa décision ; que la demande d'indemnisation du préjudice matériel subi constituait une demande nouvelle car présentée après l'expiration du délai de recours ; que le recours présenté contre le centre hospitalier ne peut être fondé sur le code de déontologie, applicable uniquement à l'hypothèse de poursuites disciplinaires exercées contre le médecin en personne ; que c'est en parfaite connaissance de cause que M. X a regagné son domicile ; que le refus de M. X d'être hospitalisé est établi notamment par la déclaration faite par Mme X annexée à l'expertise ; que le comportement de M. X est en relation directe avec son décès ; que les appelants ne rapportent pas la preuve d'un défaut d'organisation et de gestion du personnel ; que compte tenu du comportement de M. X, il y a lieu de limiter la responsabilité du centre hospitalier ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 juin 2005, présenté par les consorts X, qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2005 à laquelle siégeaient Mme Helmholtz, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et
Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de Mme Eliot, conseiller ;
- les observations de Me Mathieu, pour les consorts X et de Me Titz, pour le centre hospitalier de Clermont de l'Oise ;
- et les conclusions de M. Le Goff, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à partir du 25 juin 1998, M. X a été sujet à des céphalées importantes qui se sont accompagnées à compter du 3 juillet de vomissements et de photophobie ; que son médecin traitant qui l'a examiné les 3, 6 et 7 juillet lui a prescrit un traitement contre une migraine chronique ; que par ailleurs, M. X s'est rendu au service des urgences du centre hospitalier de Clermont de l'Oise ; qu'après un examen clinique et des radiographies ne présentant aucune anomalie, le patient est retourné à son domicile, après avoir refusé d'être hospitalisé ; que le lendemain, soit le 8 juillet 1998, M. X dont l'état de santé s'est aggravé a été transporté au centre hospitalier de Compiègne qui a réalisé un scanner révélant que le patient était atteint de graves lésions cérébrales ; que M. X est décédé le 13 juillet 1998 des suites d'une hémorragie cérébrale ; que le Tribunal administratif d'Amiens a limité la responsabilité du centre hospitalier de Clermont à hauteur de 25 % aux motifs que la nature des soins apportés par le médecin consulté en ville à la victime et le refus du patient d'être hospitalisé ont contribué au retard de diagnostic qui a été préjudiciable et déterminant ; que la réformation de ce jugement est demandée par les ayants droits de M. X ; que le centre hospitalier de Clermont de l'Oise, par la voie de l'appel incident, demande sa mise hors de cause ;
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, applicable à la date d'enregistrement de la demande : Sauf en matière de travaux publics, le Tribunal ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision, et ce dans le délai de deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet ;
Considérant que si le délai ci-dessus mentionné, qui a commencé à courir le 15 février 2000, n'était pas arrivé à son terme lorsque, le 15 mars 2000, les consorts X ont saisi le tribunal administratif d'une requête dirigée contre une prétendue décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant 4 mois par le centre hospitalier de Clermont de l'Oise sur leur demande d'indemnisation, il est constant que le délai dont s'agit était expiré à la date à laquelle le Tribunal a été appelé à statuer ; qu'en tout état de cause, le centre hospitalier de Clermont de l'Oise a explicitement rejeté la demande préalable des intéressés par lettre en date du 29 septembre 2000 ; que par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la fin de non-recevoir de l'établissement hospitalier tirée de l'irrecevabilité de la requête faute de décision préalable ;
Considérant que c'est également à bon droit que le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté pour tardiveté les conclusions nouvelles présentées par les consorts X dans un mémoire enregistré le 18 février 2002 tendant à la réclamation d'indemnités au titre d'un préjudice économique qui aurait pu être fixé, contrairement à ce que soutiennent les appelants, dès l'introduction de la requête ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le centre hospitalier de Clermont de l'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir soulevée ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert que les céphalées subies par M. X, depuis le 25 juin 1998 constituaient un signe révélateur de l'hémorragie cérébrale dont celui-ci est décédé ; que si le diagnostic avait été établi avant le
8 juillet 1998, il aurait été possible de proposer au patient un traitement chirurgical utile ; que la prescription d'un scanner crânien s'imposait afin d'établir ce diagnostic ;
Considérant que malgré les douleurs particulièrement intenses et rebelles au traitement de
M. X, le médecin du service des urgences du centre hospitalier de Clermont de l'Oise, n'a pas effectué les examens adaptés à la pathologie du patient et n'a pu ainsi établir le diagnostic d'une affection intracrânienne dont celui-ci était atteint ; que contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Clermont de l'Oise, ce comportement, qui révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service, est de nature à engager la responsabilité de l'établissement ;
Considérant, toutefois, qu'il est constant que la trop grande importance accordée par le médecin traitant de M. X aux antécédents migraineux du malade et la persistance dudit médecin à lui prescrire un traitement à ce titre malgré l'aggravation des symptômes présentés par la victime ont un lien causal avec l'aggravation de l'état de santé de M. X et son décès ; que dès lors, les erreurs commises par le médecin traitant sont de nature à exonérer le centre hospitalier de Clermont de l'Oise d'une partie de sa responsabilité vis-à-vis de M. X ;
Considérant en revanche, que si la victime n'est pas restée en observation comme le lui a proposé le médecin du service des urgences, aucun comportement fautif ne saurait être retenu à
l'encontre de M. X dès lors que celui-ci n'avait pas été informé par le corps médical, seul compétent pour le faire, ni de la nécessité d'être hospitalisé, ni des risques qu'il encourrait en cas de refus ; que par suite, les consorts X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont limité la responsabilité du centre hospitalier à 25 % des conséquences dommageables ; que compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de fixer la responsabilité du centre hospitalier à hauteur de 50 % ; que le jugement sera réformé en ce sens ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, que nonobstant la réalité et l'importance des souffrances morales endurées par les membres de la famille de M. X, le centre hospitalier de Clermont de l'Oise est fondé à soutenir que le Tribunal administratif d'Amiens a procédé à une évaluation excessive du préjudice moral subi par chacun d'entre eux ; que par suite il sera fait une juste appréciation de leur préjudice en allouant à Mme Frédérique X la somme de
12 000 euros, à chacun des deux enfants la somme de 8 000 euros et à chacun des parents et des frère et soeur de la victime, la somme de 4 000 euros ; que compte tenu du partage de responsabilité précédemment arrêté, le centre hospitalier de Clermont de l'Oise sera condamné à verser à chacun des appelants les sommes suivantes : 6 000 euros pour Mme Frédérique X, veuve de
M. X, 4 000 euros pour chacun des deux enfants mineurs Paul et Lena, 2 000 euros chacun pour M. Gilbert X, Mme Joséphine X, M. David X et
Mme Marie-Noëlle X ; que le jugement sera réformé en ce sens ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Clermont de l'Oise à verser aux consorts X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier de Clermont de l'Oise a été condamné à payer par le jugement attaqué à Mme Frédérique X est portée de 5 000 à 6 000 euros et de
1 500 à 2 000 euros pour M. David X et Mme Marie-Noëlle X.
Article 2 : La somme que le centre hospitalier de Clermont de l'Oise a été condamné à payer par le jugement attaqué à Paul et Lena X est ramenée de 6 250 euros à 4 000 euros chacun et de 5 000 à 2 000 euros chacun pour M. Gilbert X et Mme Joséphine X.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif d'Amiens en date du 18 décembre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier de Clermont de l'Oise est condamné à verser aux consorts X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Frédérique X, à l'union départementale des associations familiales de Saône et Loire (UDAF), agissant en qualité de curateur d'Etat des biens de Mme X, à M. Gilbert X, à Mme Joséphine X, à M. David X, à Mme Marie-Noëlle X, au centre hospitalier de Clermont de l'Oise, à la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais et au ministre de la santé et des solidarités.
Copie sera transmise au préfet de l'Oise.
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N°04DA00184