Vu la requête, enregistrée le 9 octobre 2003 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. B... et A... Brigitte X, demeurant ..., par Me Jean-Jacques C..., avocat, membre de la société d'avocats Toulet-Delbar-Bondue-Juvené et associés ; M. B... et A... Brigitte X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0003669 du 22 juillet 2003 du tribunal administratif de Lille en tant, d'une part, qu'il a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la société nationale des chemins de fer français (S.N.C.F.) à verser, dans le dernier état de leurs écritures, à
M. B... , une somme globale de 65 740 euros en réparation du préjudice subi par lui à la suite de son électrocution sur le site de la gare de triage de Pont-à-Vendin, à A... Brigitte X, sa mère, une somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral subi par elle à la suite dudit accident et, d'autre part, qu'il a mis à leur charge les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 762,25 euros ;
2°) de déclarer la S.N.C.F. entièrement responsable des préjudices subis par eux ;
3°) de condamner en conséquence la S.N.C.F. à leur verser à titre de réparation les sommes demandées en première instance, assorties des intérêts à compter du
20 août 2002, les intérêts dus sur une année entière étant capitalisés de même qu'à chaque échéance annuelle pour former eux-mêmes intérêts ;
4°) de condamner la S.N.C.F. aux entiers dépens ;
Code C Classement CNIJ : 67-02-02-02
67-03-01-01
Ils soutiennent que l'accident s'est produit dans une gare de triage importante et très proche des habitations ; que, pourtant, il est établi que l'endroit n'était pas protégé par des clôtures et qu'aucun panneau de signalisation n'était en place pour attirer l'attention sur les dangers encourus par les personnes qui auraient été tentées d'y pénétrer ; qu'en outre, l'accident s'est produit un dimanche, alors que personne n'était présent pour surveiller les installations ; que de fréquents actes de vandalisme s'étaient toutefois produits sur le site auparavant ; que, par ailleurs, le fait de laisser un wagon sans surveillance sous une ligne électrifiée constitue, compte tenu de ce contexte, une négligence manifeste, d'autant que ledit wagon n'était pas muni de panneaux suffisamment explicites informant du danger ; que l'accident litigieux est donc dû aux conditions défectueuses de gardiennage de l'ouvrage, assimilable à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, et de nature à engager la responsabilité du maître d'ouvrage devant le juge administratif ; qu'en revanche, compte tenu de l'âge de la victime au moment des faits, la faute de la victime ne saurait être considérée comme exclusive de cette responsabilité ; que, par ailleurs, eu égard au caractère particulièrement dangereux de l'ouvrage public en cause, la Cour pourra retenir la responsabilité de la S.N.C.F. même en l'absence de faute ; que le préjudice subi par M. B... s'établit conformément au rapport d'expertise, le taux d'incapacité permanente partielle devant toutefois être porté, compte tenu de l'ampleur des lésions subies, à 17 % ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 décembre 2003, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie de Lille, dont le siège social est situé ..., par lequel elle fait connaître à la Cour qu'elle n'entend pas intervenir dans la présente instance ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2003, présenté pour la Société nationale des chemins de fer français, établissement public industriel et commercial dont le siège social est situé ... (14ème) représentée par ses dirigeants en exercice, par Me Robert Z..., avocat ; elle conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à la condamnation solidaire de M. B... et de A... Brigitte X à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens ; elle soutient que le stationnement de wagons sur les voies de service dans l'attente de constitution d'un train fait partie de ses conditions normales d'exploitation et ne nécessite pas en temps ordinaire de surveillance permanente, d'autant plus que ces wagons se trouvent dans des emprises ferroviaires interdites aux personnes non autorisées ; que rien ne lui interdit de faire stationner ses wagons sous des lignes sous tension, lesquelles sont d'ailleurs destinées à permettre la traction des convois ; qu'il est établi que les parties de l'emprise litigieuses situées près des lieux habités ont été clôturées ; qu'aucune obligation légale ou réglementaire ne lui impose de clôturer l'ensemble de ses installations ; qu'en l'espèce, l'endroit par lequel la victime a accédé aux voies n'était ni habité, ni constitué d'aires de jeux ; qu'ainsi, en l'absence de tout défaut d'entretien normal et face à l'inapplicabilité du régime de la responsabilité sans faute, elle ne saurait voir sa responsabilité engagée ; que si par extraordinaire la Cour entendait retenir sa responsabilité, il s'avère que le comportement du jeune B... est la cause exclusive de son dommage et exonère la S.N.C.F. de l'intégralité de sa responsabilité, quel que soit le fondement sur lequel celle-ci est recherchée ; qu'en effet, celui-ci, sans aucune nécessité et par imprudence, s'est mis dans la situation d'être blessé alors même qu'il ne pouvait ignorer, compte tenu de son âge, le danger auquel il se soumettait ; qu'enfin, A... Brigitte X a manifestement failli à son obligation de surveillance vis-à-vis de son fils ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 juin 2004, présenté pour M. B... et A... Brigitte X ; ils concluent aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public Réseau ferré de France ;
Vu le décret n° 97-444 du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2004 où siégeaient
M. Daël, président de la Cour, M. Gipoulon, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur, M. Quinette, premier conseiller et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de Mme Brin, président-assesseur,
- les observations de Me X..., avocat, pour M. B... et
A... Brigitte X et de Me Moulin, avocat, pour la S.N.C.F.,
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, le dimanche 10 mai 1998 dans l'après-midi, B... , alors âgé de 13 ans, a quitté le domicile de sa mère situé à Annay-sous-Lens en compagnie de son cousin, alors âgé de 8 ans, afin de lui montrer les trains ; qu'après avoir emprunté un chemin rural puis traversé plusieurs terrains cultivés, ils ont pénétré dans l'emprise des installations de la gare de triage de Pont-à-Vendin située non loin de là ; qu'ayant aperçu un wagon citerne en stationnement, ils ont entrepris de l'inspecter et ont emprunté l'échelle de visite située à l'arrière ; qu'étant parvenu sur le toit du wagon et alors qu'il se redressait, le jeune B... a provoqué un arc électrique et a été victime d'une électrocution ; que M. B... et sa mère, A... Brigitte X forment appel du jugement en date du 22 juillet 2003 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la S.N.C.F. à réparer les préjudices subis par eux à la suite dudit accident et mis à leur charge les frais de l'expertise ;
Sur la responsabilité de la S.N.C.F. :
Considérant qu'au moment où il a été blessé dans les circonstances relatées ci-dessus, B... faisait un usage anormal de l'ouvrage public ; que tout en ayant la qualité de tiers par rapport au service public géré par la S.N.C.F., il avait celle d'usager de l'ouvrage public constitué par les voies ferrées et leurs dépendances, lesquelles ne sauraient, par ailleurs, être regardées comme présentant un caractère particulièrement dangereux pouvant engager pour ce motif la responsabilité sans faute de la S.N.C.F. ; que, par suite, et alors que le lien de causalité entre lesdites installations et les dommages subis par la victime doit être tenu pour établi, la responsabilité de la S.N.C.F., chargée par la loi du 13 février 1997 et le décret du 5 mai 1997 susvisés d'assurer la sécurité du domaine ferroviaire pour le compte de l'établissement public Réseau ferré de France, maître de l'ouvrage, est susceptible d'être engagée à moins que celle-ci ne démontre qu'elle a pris des mesures suffisantes pour éviter les intrusions dans le périmètre des installations ainsi placées sous sa garde ; qu'en outre, elle peut être exonérée à raison de la faute commise par la victime ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le site de la gare de triage de Pont-à-Vendin n'est pas situé à proximité immédiate des zones habitées ; qu'aucun accès direct ne permet de s'y rendre depuis ces zones, et qu'il faut à cette fin traverser plusieurs terrains agricoles ; que la voie ferrée est, en outre, bordée par un talus à forte pente et recouvert de végétation ; que le risque était d'ailleurs signalé par un panneau apposé sur le wagon sur lequel l'accident s'est produit ; que, par suite, l'accident en cause est imputable uniquement à l'imprudence de la victime, entrée délibérément dans l'emprise de la S.N.C.F. en traversant plusieurs terrains cultivés et en franchissant un talus en forte pente ; que M. B... et A... Brigitte X ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la S.N.C.F. à réparer les préjudices subis par eux à la suite dudit accident ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 762,25 euros, à la charge de M. B... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner
M. B... et A... Brigitte X à verser à la S.N.C.F. la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... et A... Brigitte X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Société nationale des chemins de fer français tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... , à A... Brigitte X, à la société nationale des chemins de fer français, ainsi qu'au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 15 juin 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 29 juin 2004.
Le rapporteur
Signé : D. Brin
Le président de la Cour
Signé : S. Y...
Le greffier
Signé : G. D...
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Guillaume D...
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N°03DA01114