Vu, l'ordonnance du 31 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nantes a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R 5, R 7 et R 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour M. Y... demeurant à Sasseville Cany-Barville 76450, par la S.C.P.Olive, Cabot, Delacourt, Demidoff ;
Vu, la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes le 2 février 1998 par laquelle M. Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-1586 en date du 2 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 1994 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté la demande d'aides "surfaces" pour la campagne 1993 présentée par M. Y..., par lequel il a rejeté, d'autre part, sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le ministre de l'agriculture a rejeté son recours hiérarchique du 25 avril 1994 et sa demande de communication des motifs de rejet de la précédente décision implicite et par lequel le tribunal a rejeté, enfin, sa demande tendant ce que soit prononcé l'octroi de la prime refusée à tort ainsi qu' la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
3 ) d'enjoindre l'Etat de lui verser le montant de la prime refusée à tort sous astreinte de 10 000 F par jour de retard à l'échéance de dix jours suivant le jugement à intervenir ;
4 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) n 1765/92 du Conseil des communautés européennes du 30 juin 1992 ;
Vu le règlement n 2293/92/CEE de la Commission des communautés européennes du 31 juillet 1992 ;
Vu le règlement (CEE) n 2780/92 de la Commission des communautés européennes du 24 septembre 1992 ;
Vu le règlement (CEE) n 3508/92 du Conseil des communautés européennes du 27 novembre 1992 ;
Vu le règlement (CEE) n 3887/92 de la Commission des communautés européennes du 23 décembre 1992 modifié notamment par le r glement n 1648/95 du 6 juillet 1995 ;
Vu le règlement (CE, Euratom) n 2988/95 du Conseil de l'Union européenne du 18 décembre 1995 ;
Vu la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 1999
- le rapport de M. Yeznikian, premier conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, substituant Me Z..., avocat, pour M. Y...,
- et les conclusions de M. Bouchier , commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral du 7 mars 1994 :
Considérant que, pour l'application du règlement (CEE) n 1765/92 du Conseil des communautés européennes du 30 juin 1992 instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, le règlement (CEE) n 3508/92 du Conseil des communautés européennes du 27 novembre 1992 établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, a prévu, à son article 6, paragraphe 1, que : "Pour être admis au bénéfice d'un ou plusieurs régimes communautaires soumis aux dispositions du présent règlement, chaque exploitant présente, pour chaque année, une demande d'aides "surfaces" indiquant : - les parcelles agricoles, y compris les superficies fourragères, les parcelles agricoles faisant l'objet d'une mesure de retrait de terres arables et celles qui ont été mises en jachère, ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 9 du règlement n 3887/92 de la Commission des communautés européennes du 23 décembre 1992 portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires: " ( ...) 2. Lorsqu'il est constaté que la superficie déclarée dans une demande d'aides "surfaces" dépasse la superficie déterminée, le montant de l'aide est calculé sur la base de la superficie effectivement déterminée lors du contrôle. Toutefois, sauf cas de force majeure, la superficie effectivement déterminée est diminuée : - de deux fois l'excédent constaté lorsque celui-ci est supérieur à 2 % ou à 2 hectares et égal à 10 % au maximum de la superficie déterminée ; - de 30 % lorsque l'excédent constaté est supérieur à 10 % et égal à 20 % au maximum de la superficie déterminée. Au cas où l'excédent constaté est supérieur à 20 % de la superficie déterminée, aucune aide liée à la superficie n'est octroyée. ( ...) - Au sens du présent article, on entend par "superficie déterminée", celle pour laquelle toutes les conditions réglementaires ont été respectées" ; qu'aux termes du 1er paragraphe de l'article 11 du même réglement : "Les sanctions prévues au présent règlement s'appliquent sans préjudice de sanctions supplémentaires prévues au niveau national" ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que la réduction ou la suppression du montant des aides "surfaces" calculé en application de l'article 9 susmentionné constitue une sanction ;
Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée relative la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, doivent être motivées les décisions individuelles défavorables qui infligent une sanction et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : "La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision" ;
Considérant que l'arrèté en date du 7 mars 1994 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté la demande d'aides "surfaces" pour la campagne 1993 présentée par M. Y... se borne à viser sans le joindre, le rapport de contrôle sur place effectué le 30 novembre 1993 en mentionnant qu'il faisait apparaître les constatations d'anomalies suivantes : "surface déclarée en gel supérieure à la surface déterminée de 20 %" ainsi qu'à viser, sans davantage le joindre, l'avis de la commission administrative nationale émis le 12 janvier 1994 ; que cette motivation ne constitue pas un énoncé suffisant des éléments de fait et de droit sur lesquels le préfet s'est fondé pour rejeter la demande d'attribution aux aides "surfaces" présentée par M. Y... au titre de la campagne 1993 ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête , l'arrêté du 7 mars 1994 du préfet de la Seine-Maritime doit être annulé ;
Sur les conclusions dirigées contre les décisions implicites de rejet du ministre de l'agriculture et de la forêt :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 susmentionnée : "Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de 2 mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués" ; qu'il résulte de ces dispositions que le silence gardé pendant plus de 4 mois sur une demande de communication des motifs d'une décision implicite de rejet n'a pas pour effet de faire naître une nouvelle décision implicite de rejet détachable de la première et pouvant faire elle-même l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que ce silence permet seulement à l'intéressé de se pourvoir sans condition de délai contre la décision implicite initiale qui, en l'absence de communication de ses motifs, se trouve entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que M. Y... a présenté le 25 avril 1994, auprès du ministre de l'agriculture, un recours hiérarchique contre l'arrêté préfectoral du 7 mars 1994 précité, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; qu'il a demandé le 14 octobre 1994 que lui soient communiqués les motifs de cette décision implicite qui est intervenue dans un cas où la décision explicite aurait dû être motivée par application des dispositions de l'article 1er de la loi précitée du 11 juillet 1979 ; que la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture et de la pêche a rejeté le recours hiérarchique dirigé contre l'arrêté du 7 mars 1994 du préfet de Seine-Maritime, en l'absence de communication de ses motifs, se trouve entachée d'illégalité ; qu'en revanche, M. Y... n'est pas recevable demander l'annulation de la prétendue décision implicite de rejet qui serait résultée du silence gardé sur sa demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet initiale ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée, d'une part, contre l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 7 mars 1994 et, d'autre part, contre la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture a rejeté son recours hiérarchique du 25 avril 1994 ; qu'en revanche, M. Y... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture a rejeté sa demande, en date du 14 octobre 1994, tendant la communication des motifs de rejet de la précédente décision implicite prise sur recours hiérarchique ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à l'application des articles L. 8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt. - Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public doit à nouveau prendre une décision après une nouvelle instruction, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit par le même jugement ou le même arrêt que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé" et qu'aux termes de l'article L. 8-3 du même code : "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L. 8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L. 8-4 et dont il fixe la date d'effet" ;
Considérant que l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 7 mars 1994 implique nécessairement qu'il soit procédé à un réexamen de la demande de M. Y... tendant à l'octroi d'une aide "surfaces" pour la campagne 1993 ; que ce réexamen devra être effectué au regard des dispositions applicables à cette date et notamment des dispositions de l'article 9 du règlement n 3887/92 du 23 décembre 1992 telles que modifiées par le règlement n 1648/95 du 6 juillet 1995 ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présente arrêt ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Etat à payer à M. Y... la somme de 6 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen du 2 juillet 1997 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. Y... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 1994 et de la décision implicite du ministre de l'agriculture rejetant son recours hiérarchique du 25 avril 1994.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 7 mars 1994 et la décision implicite du ministre de l'agriculture rejetant le recours hiérarchique de M. Y... sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, à un nouvel examen de la demande présentée par M. Y... tendant à l'octroi d'une aide "surfaces" pour la campagne 1993.
Article 4 : l'Etat versera à M. Y... la somme de 6 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. Y... est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., au préfet de la Seine-Maritime et au ministre de l'agriculture et de la pêche.