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23/07/2025 | FRANCE | N°25BX00714

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, Juge des référés, 23 juillet 2025, 25BX00714


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société Smartyk Sud-Ouest a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux de condamner le syndicat mixte ouvert Périgord Numérique à lui verser une provision d'un montant de 173 860,52 euros toutes taxes comprises (TTC) assortie des intérêts légaux.

Par une ordonnance n° 2403828 du 6 mars 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a condamné le syndicat mixte ouvert Périgord Numérique à verser à la société Smartyk

Sud-Ouest une indemnité provisionnelle de 51 251 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Smartyk Sud-Ouest a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux de condamner le syndicat mixte ouvert Périgord Numérique à lui verser une provision d'un montant de 173 860,52 euros toutes taxes comprises (TTC) assortie des intérêts légaux.

Par une ordonnance n° 2403828 du 6 mars 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a condamné le syndicat mixte ouvert Périgord Numérique à verser à la société Smartyk Sud-Ouest une indemnité provisionnelle de 51 251 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2024, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mars 2025, le syndicat mixte Périgord Numérique, représenté par Me Terraux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 6 mars 2025 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal par la société Smartyk Sud-Ouest ;

3°) de mettre à la charge de la société Smartyk Sud-Ouest la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il ne résulte pas de l'instruction ni des écritures du syndicat que le paiement des prestations de la société requérante était assuré en fait ou en droit par la société Scopelec Aquitaine pour le compte du syndicat ; c'est la société Semiper qui a été mandatée par le syndicat pour assurer le paiement des titulaires des lots du marché ; la société Scopelec Aquitaine ne détenait aucun mandat pour procéder au paiement de ses sous-traitants pour le compte du syndicat ;

- partant, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ne pouvait pas en déduire, sans commettre une erreur de qualification juridique des faits, que l'envoi, pour paiement, de factures à la société Scopelec Aquitaine devait être regardé comme valant demande d'accord du titulaire du marché pour leur paiement ;

- par ailleurs, l'envoi des factures à la société Scopelec Aquitaine par la société Smartyk par des courriers électroniques ne peut davantage s'interpréter comme une demande de paiement au titulaire du marché ;

- or, le sous-traitant doit adresser sa demande de paiement direct au titulaire ; en l'espèce, la société Smartyk n'a pas respecté cette exigence puisqu'elle s'est bornée à adresser des factures à la société Scopelec Aquitaine pour en obtenir le paiement par cette dernière et non par le syndicat, et ses mails d'accompagnement ne peuvent être regardés comme valant demandes de paiement direct ;

- au surplus, le juge des référés a considéré à tort que ces courriers électroniques respectaient le formalisme imposé par l'article R. 2193-11 du code de la commande publique, qui impose une lettre recommandée avec avis de réception, le recours à une plateforme de dématérialisation agréée permettant d'assurer des échanges par voie dématérialisée et garantissant la réception et la date des courriers échangés via la plateforme, ou la remise en main propre contre récépissé ;

- partant, le silence de la société Scopelec Aquitaine ne peut en aucune façon s'interpréter comme une absence d'opposition de cette dernière au paiement direct des factures ; il n'est pas possible de déduire de l'absence d'opposition de la société Scopelec Aquitaine le respect de la procédure de paiement direct ; au cas particulier, il est constant que la société Smartyk n'a pas transmis à la société Semiper ou au syndicat la preuve que la société Scopelec Aquitaine avait bien reçu sa demande de paiement direct ;

- pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant doit impérativement respecter la procédure de paiement direct telle que définie par les textes précités ; la circonstance que le titulaire du marché public soit placé en situation de liquidation judiciaire n'exonère pas le sous-traitant du respect de cette procédure ; la société Smartyk ne peut pas être regardée comme ayant respecté la procédure de paiement direct, ainsi qu'il a été dit ; faire droit à la demande de la société Smartyk quant au paiement des factures en cause n'aurait d'autre effet que de vider intégralement de sa substance la procédure de paiement direct telle que définie par les articles R. 2193-10 à R. 2193-16 du code de la commande publique et d'aller, par là-même, à l'encontre du sens de la jurisprudence du Conseil d'État qui a entendu faire respecter rigoureusement cette procédure.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2025, la société Smartyk Sud-Ouest, représentée par Me Montfort, conclut au rejet de la requête, à ce que l'ordonnance du 6 mars 2025 soit réformée en ce qu'elle n'a pas intégralement faits droit à ses demandes, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du syndicat mixte ouvert Périgord numérique en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant de la demande de paiement direct d'un sous-traitant, la jurisprudence administrative fait preuve de souplesse ; la déclaration de créance au mandataire et la communication au titulaire du marché, placée en procédure collective, des factures impayées suffit ; dès lors que le titulaire du marché, qui n'a pas formellement refusé la demande de paiement, n'a pas procédé au paiement, le maître de l'ouvrage est tenu de régler directement le sous-traitant ;

- en l'occurrence, en l'absence d'opposition, le syndicat, qui a reçu la copie des factures, de la déclaration de créance et de la preuve de leur envoi, aurait dû faire droit à la demande de paiement direct ; le refus du syndicat, reçu plus de trois mois après la demande en paiement de la société Smartyk, n'est donc pas fondé ;

- la société Smartyk a, sans aucune contestation du maitre de l'ouvrage, réalisé diverses prestations sur le chantier public comprenant le calcul des charges FT et HT, l'étude EXE MCD GRACE THD ainsi que des études PM (BAJI-08 et BAKU-06) ; en contrepartie de ces prestations, elle dispose d'une créance, en principal, d'un montant de 144 883,77 euros hors taxe, soit 173 860,52 euros toutes taxes comprises ; cette créance a été intégralement admise au passif de Scopelec Aquitaine de sorte qu'elle n'est pas soumise à contestation ;

- les prestations étaient toutes indispensables à la bonne exécution du marché puisqu'il s'agissait des premières études lancées pour la réalisation de l'ensemble des prestations ; elles ont été validées par le maître d'œuvre, et tous les livrables ont été systématiquement envoyés à la société Scopelec ; rien ne s'oppose au paiement de l'intégralité de sa créance.

Le président de la cour a désigné M. B... A... comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat mixte ouvert Périgord Numérique a passé un accord-cadre de travaux relatif au déploiement de réseaux publics de type FttX. Le lot n° 5 du marché a été attribué à un groupement d'opérateurs dont faisait partie notamment la société Scopelec Aquitaine, agissant comme mandataire de ce groupement. La société Smartyk Sud-Ouest a été présentée au syndicat en qualité de sous-traitant de la société Scopelec Aquitaine. Par signature de la déclaration de sous-traitance en date du 19 juillet 2021, le syndicat a accepté ce sous-traitant et agréé ses conditions de paiement pour des prestations d'études FttH d'un montant total de 200 000 euros hors taxes (HT). La société Scopelec Aquitaine a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 4 janvier 2023 et la société Smartyk Sud-Ouest a procédé, le 8 mars 2023, à une déclaration de sa créance auprès du liquidateur pour un montant total de 173 860,52 euros toutes taxes comprises (TTC) correspondant aux prestations réalisées en sa qualité de sous-traitante. Par une lettre du 29 mai 2024, le syndicat a refusé de régler cette somme à la société Smartyk Sud-Ouest. Par une ordonnance du 6 mars 2025, dont tant le syndicat Périgord Numérique que la société Smartyk Sud-Ouest relèvent appel, cette dernière de manière incidente, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a condamné le syndicat mixte à verser à la société Smartyk Sud-Ouest une indemnité provisionnelle de 51 251 euros TTC.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

3. Aux termes de l'article L. 2193-11 du Code de la commande publique : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par l'acheteur est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution (...) ". L'article L. 2193-12 du même code précise que " Le paiement direct est obligatoire même si le titulaire du marché est en état de liquidation judiciaire, de redressement judiciaire ou de procédure de sauvegarde. " L'article R. 2193-11 de ce code prévoit que : " Le sous-traitant admis au paiement direct adresse sa demande de paiement au titulaire du marché, par tout moyen permettant d'en assurer la réception et d'en déterminer la date, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. " Enfin, en application des articles R. 2193-12, R. 2193-13 et R. 2193-14, " le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la date de réception ou du récépissé mentionnés à l'article R. 2193-11 pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, à l'acheteur " et " Lorsque le sous-traitant a obtenu la preuve ou le récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande de paiement dans les conditions fixées à l'article R. 2193-11 ou qu'il dispose de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé par le titulaire, le sous-traitant adresse sa demande de paiement à l'acheteur accompagnée de cette preuve, du récépissé ou de l'avis postal. ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s'il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l'issue de cette procédure, le maître d'ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s'il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement.

5. Le syndicat mixte Périgord Numérique fait valoir que, par acte d'engagement du 10 novembre 2020, il avait confié à la société Semiper un mandat de maîtrise d'ouvrage. Pour autant, en vertu de ce qui précède, c'est bien à l'entrepreneur principal titulaire du marché, soit à la société Scopelec Aquitaine, que la société Smartyk Sud-Ouest devait adresser ses demandes de paiement direct de ses prestations. A cet égard, les factures qu'elle a adressées à la société Scopelec Aquitaine par courriel des 27 décembre 2022, 2 janvier 2023 et 5 janvier 2023 pour un montant total de 51 251 euros TTC, accompagnées d'un relevé d'identité du compte bancaire sur lequel virer les sommes dues, constituent bien de telles demandes.

6. Toutefois, ainsi que le relève le syndicat mixte, ces simples courriels sans accusé de réception ne peuvent être regardés comme ayant permis d'assurer la réception des demandes de paiement et d'en déterminer la date, pour l'application de l'article R. 2193-11 du code de la commande publique. De même, la demande de paiement adressée le 20 février 2024 au syndicat Périgord Numérique n'était pas accompagnée de la preuve attestant que le titulaire avait bien reçu les demandes de paiement dans les conditions fixées à l'article R. 2193-11. Dans ces conditions, à défaut d'avoir respecté la procédure prévue par les dispositions précitées du code de la commande publique, la société Smartyk Sud-Ouest ne peut se prévaloir sans contestation sérieuse d'un droit au paiement direct auprès du syndicat mixte Périgord Numérique.

7. La société Smartyk Sud-Ouest ne conteste pas que, pour le surplus, ses prestations n'ont pas fait l'objet de facturations et de demandes de paiement direct auprès de la société Scopelec Aquitaine dans les conditions prévues par les dispositions citées au point 3. Dans ces conditions, quand bien même ces prestations étaient indispensables à la bonne exécution du marché et alors même que la créance correspondante a été admise au passif de la société Scopelec Aquitaine par son liquidateur judiciaire, la société Smartyk Sud-Ouest ne détient à cet égard aucune créance non sérieusement contestable sur le syndicat mixte Périgord Numérique.

8. Il résulte de ce qui précède que le syndicat mixte Périgord Numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser à la société Smartyk Sud-Ouest une somme de 51 251 euros à titre d'indemnité provisionnelle. Par ailleurs, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est tort que, par la même ordonnance, le premier juge a rejeté le surplus de sa demande.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Smartyk Sud-Ouest la somme de 1 500 euros à verser au syndicat mixte Périgord Numérique en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise sur leur fondement à la charge du syndicat mixte Périgord Numérique, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance du 6 mars 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est annulée en tant qu'elle condamne le syndicat mixte Périgord Numérique à verser à la société Smartyk Sud-Ouest une indemnité provisionnelle de 51 251 euros.

Article 2 : La société Smartyk Sud-Ouest versera une somme de 1 500 euros au syndicat mixte Périgord Numérique en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat mixte Périgord Numérique et à la société Smartyk Sud-Ouest.

Fait à Bordeaux, le 23 juillet 2025.

Le juge d'appel des référés,

B... A...

La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

N° 25BX00714


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 25BX00714
Date de la décision : 23/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CAYSE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-23;25bx00714 ?
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