Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
Les sociétés Innov'Atlantique Constructions et Innofoncia ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, statuant sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner une expertise pour déterminer l'origine des inondations subies par le lotissement situé 14 route de Saintes à Saint-Georges-des-Coteaux.
Par ordonnance du 9 avril 2025, le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2025, les sociétés Innov'Atlantique Constructions et Innofoncia demandent au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à leur demande d'expertise et de " statuer ce que de droit quant aux dépens ".
Elles soutiennent que :
- une expertise a été ordonnée par le tribunal judiciaire de Saintes sur l'assignation de Mme C..., propriétaire d'une parcelle voisine du lotissement sur laquelle des inondations étaient constatées, contre Mme B..., propriétaire du lot n°5, laquelle a attrait à la cause la société Innofoncia qui a aménagé le lotissement et la société Innov-Atlantique Constructions à laquelle les travaux d'aménagement ont été confiés ; après dépôt le 27 avril 2021 du rapport, Mme B..., également attraite devant le juge du fond par Mme C..., a demandé en incident au juge de la mise en état un complément d'expertise au motif que le terrain de Mme C... recueille désormais les eaux pluviales d'un autre lotissement récemment créé en amont, ce qui pourrait modifier les travaux à faire réaliser ; l'expertise complémentaire a été ordonnée le 28 août 2024 ;
- devant la difficulté de déterminer l'origine des inondations, la société Innofoncia s'interroge sur la légalité du permis d'aménager qui lui a été délivré, alors que la situation au point bas d'un vallon aurait pu conduire à l'inconstructibilité du terrain ;
- l'expertise n'ayant pas été ordonnée par le juge judiciaire des référés, mais par le juge du fond, les requérantes se verraient opposer l'incompétence de la juridiction judiciaire pour attraire la commune et la communauté d'agglomération " Saintes Grandes Rives-L'agglo " ;
- il convient de donner à l'expert mission de procéder à la constatation et au relevé précis et détaillé des désordres allégués par les sociétés Innofoncia et Innov'Atlantique Constructions, décrire la configuration des lieux, décrire les éventuelles dispositifs de récupération des eaux de pluie en provenance du lotissement DIVONA et des lotissements en amont de celui-ci se situant Rue des David, Rue du Clos de Meursac et Impasse des Aubert, décrire les aménagements réalisés sur l'ensemble des lotissements litigieux, rechercher l'origine et les causes des désordres et fournir toutes indications permettant d'en apprécier l'imputabilité, décrire l'historique des inondations de la zone du secteur et du lieu d'implantation du lotissement et ce sur les soixante-dix dernières années, dire si les parcelles en cause auraient dû être en zone non-constructible, comme l'est la propriété jouxtant le lotissement en amont, à savoir celle de Madame C..., indiquer la nature des travaux nécessaires pour remédier à la situation actuelle au regard des désordres allégués et en chiffrer le coût, et fournir plus généralement tous les éléments propres à permettre d'apprécier et de chiffrer les préjudices de toutes natures allégués par les requérantes.
Par un mémoire enregistré le 17 juin 2025, la commune de Saint-Georges-des-Coteaux, représentée par Me Brossier, conclut au rejet de la requête et à la condamnation des sociétés Innov'Atlantique constructions et Innofoncia à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la désignation d'un expert par le juge de la mise en état ne fait pas obstacle à la saisine du juge des référés du même tribunal, si l'objet est différent. C'est donc à bon droit que le premier juge a estimé que les sociétés appelantes n'étaient pas fondées à saisir la juridiction administrative ;
- subsidiairement la première expertise a déjà établi les causes des inondations, qui résident dans la non-réalisation des travaux préconisés par l'étude hydraulique, l'insuffisance des travaux de substitution et la mise en place de dispositifs en travers de la pente qui facilitent la formation d'embâcles.
Par un mémoire enregistré le 19 juin 2025, présenté comme une " requête distincte aux fins de sursis à statuer ", mais versé, en l'absence d'une telle procédure dans le code de justice administrative, au dossier de la présente demande, les sociétés requérantes sollicitent qu'il soit sursis à statuer sur leur demande d'expertise.
Le président de la cour a désigné, par une décision du 6 janvier 2025, Mme Catherine Girault, présidente de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure civile ;
- le code de justice administrative.
Considérant :
1. Par arrêté du 18 juillet 2017, le maire de Saint-Georges-des-Coteaux a accordé un permis d'aménager un lotissement de six lots dénommé " Divona " sur la route de Saintes, ultérieurement transféré en 2018 à la société Innofoncia et modifié le 24 septembre 2018 à la suite d'une étude hydraulique préconisant notamment l'aménagement d'une noue au bas des lots 5 et 6, à discuter avec la parcelle voisine hors lotissement n°194-AO. Mme B..., acquéreuse du lot n°5 où elle a fait construire deux maisons d'habitation pour elle-même et sa mère, a subi des inondations à compter de 2020, tout comme sa voisine Mme C..., propriétaire de la parcelle n° 194-AO qui avait refusé tout aménagement hydraulique sur son terrain. Mme C... a assigné en référé Mme B... devant le tribunal judiciaire de Saintes afin d'obtenir une expertise sur les eaux s'écoulant chez elle depuis la parcelle de Mme B.... Le rapport déposé le 27 avril 2021 a conclu à la nécessité d'approfondir la noue existante et indiqué que des ouvrages réalisés par Mme B... constituent une cause aggravante des inondations. Dans le cadre du recours au fond exercé par Mme C... pour faire retirer ces ouvrages, Mme B... a mis en cause les sociétés Innov'Atlantique, qui a construit ses maisons, et Innofoncia, qui a aménagé le lotissement, et sollicité du juge de la mise en état un complément d'expertise au motif que des eaux pluviales de parcelles situées en amont sur lesquelles ont été construits de nouveaux lotissements aggravaient le dommage. Par ordonnance du 3 décembre 2024, le tribunal judiciaire a désigné en dernier lieu M. A... pour procéder à ce complément d'expertise en recherchant des solutions réparatoires autres que la réalisation d'une noue sur le terrain de Mme C... et la démolition/reconstruction des maisons de Mme B....
2. Les sociétés Innov'Atlantique et Innofoncia, qui s'interrogent désormais sur la légalité du permis d'aménager consenti sur un terrain en fond de talweg, ont sollicité du tribunal administratif de Poitiers la désignation du même M. A... pour un complément d'expertise au contradictoire de la commune de Saint-Georges-des-Coteaux et de la communauté d'agglomération " Saintes Grandes Rives- L'agglo ". Elles relèvent appel de l'ordonnance du 9 avril 2025 par laquelle le président du tribunal a rejeté leur demande.
3. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L 'article R. 532-3 du même code précise que " le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées. " Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est saisi d'une demande d'expertise le juge des référés ne peut l'ordonner qu'à la condition qu'elle présente un caractère utile. Cette utilité doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.
4. Pour rejeter la demande des sociétés requérantes, le premier juge a rappelé que le juge judiciaire comme le juge administratif peuvent étendre une expertise à l'ensemble des personnes privées et publiques impliquées, et estimé que la compétence du tribunal judiciaire de Saintes pour rendre opposable à la commune de Saint-Georges-des-Coteaux l'expertise ordonnée le 28 août 2024 prive d'utilité le prononcé d'une nouvelle expertise ayant le même objet par le juge administratif des référés.
5. Pour contester cette conclusion, les sociétés requérantes, qui ont sollicité de la cour que le juge des référés sursoie à statuer sur leur propre demande au motif qu'elles ont finalement saisi le président du tribunal judiciaire de Saintes d'une demande d'extension de l'expertise aux collectivités publiques, se bornent à indiquer que faute d'avoir mis en cause la commune et la communauté d'agglomération dans l'instance au fond opposant Mme C... et Mme B..., elles risquent de se voir opposer une incompétence par le juge de la mise en état.
6. A supposer même que ce raisonnement soit exact, les sociétés requérantes, qui ne peuvent sérieusement ignorer ni que le terrain où elles sont intervenues est situé au fond d'un talweg, ni qu'elles n'ont pas réalisé les travaux qui avaient été préconisés par l'étude hydraulique pour assurer le bon écoulement des eaux faute d'avoir anticipé la discussion avec la propriétaire riveraine, ne peuvent se borner à suggérer qu'elles " s'interrogent " sur la légalité du permis d'aménager délivré il y plus de huit ans, sur la base d'évènements intervenus postérieurement, ni demander qu'il soit donné pour mission à l'expert de dire si les parcelles en cause auraient dû être en zone non-constructible, ce qui est une question de droit n'entrant pas dans les missions pouvant être dévolues à un expert. Pour le surplus, elles sollicitent les mêmes missions déjà dévolues à l'expert, y ajoutant seulement une description des lotissements créés ultérieurement, qu'elles peuvent obtenir en sollicitant les permis d'aménager ou un constat effectué par un commissaire de justice. La circonstance que l'expertise judiciaire, qui devrait être prochainement rendue si l'expert respecte le délai qui lui a été imparti, ne sera pas contradictoire avec les collectivités publiques n'empêchera pas qu'elle soit soumise à discussion lors d'une éventuelle instance devant la juridiction administrative, laquelle pourra toujours ordonner une expertise sur les points pour lesquels elle s'estimerait insuffisamment éclairée.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'attendre une décision du tribunal judiciaire de Saintes sur la demande qui lui aurait été présentée en référé, que les sociétés requérantes ne sont en tout état de cause pas fondées à se plaindre que le premier juge a estimé que l'expertise demandée ne présentait pas le caractère d'utilité requis.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Saint-Georges-des-Coteaux présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : La requête des sociétés Innov'Atlantique Constructions et Innofoncia est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Georges-des-Coteaux au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Innov'Atlantique Constructions, à la société Innofoncia, à la commune de Saint-Georges-des-Coteaux, et à la communauté d'agglomération " Saintes Grandes Rives-L 'agglo ".
Copie en sera adressée pour information à M. D... A..., expert, et au tribunal judiciaire de Saintes.
Fait à Bordeaux, le 11 juillet 2025.
La juge d'appel des référés,
Catherine Girault,
La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N° 25BX01031 2