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20/03/2025 | FRANCE | N°24BX02871

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, Juge des référés, 20 mars 2025, 24BX02871


Vu la procédure suivante :



Procédure antérieure :



M. D... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner

une expertise pour apprécier la qualité de sa prise en charge par le centre hospitalier de

Mont-de-Marsan à compter du 21 novembre 2018.



Par ordonnance n° 2301630 en date du 21 novembre 2024, le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.



Pro

cédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 3 décembre 2024 et un mémoire enregistré

le 6 janvier...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. D... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner

une expertise pour apprécier la qualité de sa prise en charge par le centre hospitalier de

Mont-de-Marsan à compter du 21 novembre 2018.

Par ordonnance n° 2301630 en date du 21 novembre 2024, le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 décembre 2024 et un mémoire enregistré

le 6 janvier 2025, M. C..., représenté par Me Kediry-Bonny, demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande d'expertise ;

3°) de " statuer ce que de droit quant aux dépens ".

Il soutient que :

- il n'était pas assisté d'un médecin lors de l'expertise ordonnée par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) ; la note technique qu'il produit apporte des éléments nouveaux qui n'ont pas été soumis aux experts, lesquels n'ont pas examiné la prise en charge entre l'apparition de l'infection et l'amputation de sa jambe droite le 1er décembre 2018 ; au regard des nouvelles questions posées, sa demande ne porte pas sur une contre-expertise mais sur une nouvelle expertise ;

- il aurait dû être suspecté une infection nosocomiale au vu du tableau clinique suite à l'intervention par coloscopie, et la prescription de corticoïdes au lieu d'une antibiothérapie n'était peut-être pas adaptée ; la tardiveté du traitement par antibiothérapie à 9 jours des premiers symptômes interroge, de même que l'absence d'anticipation d'une vascularite cryoglobulinémique alors qu'il était porteur connu du VHC, non traité ; les experts ont tenté de comprendre l'origine de l' infection mais ne se sont pas prononcés sur sa prise en charge ;

- il serait opportun de rendre l'expertise contradictoire à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Par un mémoire enregistré le 16 décembre 2024, l'ONIAM, représenté par Me Ravaut, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que l'expertise est inutile, les dommages présentés étant en lien avec la pathologie initiale, selon les conclusions catégoriques des experts désignés par la CCI ;

- subsidiairement il devrait être mis hors de cause car les fautes médicales alléguées de diagnostic et de traitement engageraient la responsabilité exclusive du centre hospitalier de Mont-de-Marsan.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Pau, agissant pour la CPAM des Landes, a indiqué le 16 décembre 2024 qu'elle ne s'oppose pas à l'expertise.

Par un mémoire enregistré le 8 janvier 2025, le centre hospitalier de Mont-de-Marsan, représenté par la SARL Le Prado-Gilbert, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que l'expertise est inutile, les experts de la CCI s'étant déjà prononcés sur l'origine de la diffusion du germe Escherichia coli, sur le mécanisme d'infection et sur la prise en charge de celle-ci, qu'ils ont estimée conforme aux règles de l'art ; en réalité, M. C... demande bien une contre-expertise, qu'il n'appartient pas au juge des référés d'ordonner.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., alors âgé de 53 ans, a bénéficié le 21 novembre 2018 au centre hospitalier de Mont-de-Marsan de l'ablation de deux polypes par coloscopie, à la suite d'un test d'hémoculture positif. Il s'est présenté aux urgences le 27 novembre suivant, où a été diagnostiquée une crise d'asthme, résolutive sous traitement. Le médecin qui lui dispensait de la méthadone dans le cadre d'un sevrage de toxicomanie l'a ensuite adressé aux urgences le 30 novembre pour un œdème du membre inférieur droit, avec des douleurs violentes à type de brûlure. Le service suspectant une vascularite a introduit une corticothérapie. Il a également identifié alors un purpura ecchymotique violacé de la cuisse gauche et de la partie interne du coude gauche. Les hémocultures réalisées ont permis de révéler la présence d'un germe Escherichia coli. Une nécrose s'étendant à la jambe droite et au bras gauche a ensuite conduit à un choc septique et à une admission en réanimation, où une triple antibiothérapie a été instaurée. L'extension de la dermohypodermite nécrosante a justifié le 1er décembre 2018 une amputation au tiers supérieur de la jambe droite. Le patient a ensuite été transféré au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, où ont notamment été réalisées plusieurs greffes de peau et un suivi de rechutes virologiques, puis au centre de rééducation de la Tour de Gassies.

2. M. C... a saisi la CCI de Nouvelle Aquitaine, qui a ordonné une expertise confiée à un chirurgien thoracique et cardio-vasculaire, le Dr A..., et à un infectiologue, le Dr B.... Leur rapport déposé le 26 mars 2021 conclut à l'imputabilité de l'infection à une vascularite cryoglobulinémique, maladie auto-immune qui apparaît notamment chez les patients infectés par le virus de l'hépatite C, dont M. C... était porteur connu, mais non traité, depuis 2004. Ils ont reconnu que les diagnostics et les traitements ont été conformes aux règles de l'art, qu'aucun signe infectieux n'était apparu avant le 30 novembre, que l'infection par translocation digestive de la bactérie Escherichia coli sur paroi intestinale fragilisée par la vascularite avait été correctement traitée par adaptation progressive de l'antibiothérapie, et que l'amputation a été rendue nécessaire par l'importance des tissus nécrosés, liée à la vascularite et non pas au processus infectieux. Le traitement de la cryoglobulinémie par corticoïdes a également été reconnu justifié. Les experts étant absolument certains de leurs conclusions quant au lien exclusif du dommage avec l'état pathologique antérieur, ils n'ont pas procédé à une évaluation des préjudices. La CCI a rendu le 30 juin 2021 un avis concluant que le dommage n'est imputable ni à un accident médical, ni à une affection iatrogène, ni à une infection nosocomiale, et que la demande de de M. C... était donc irrecevable.

3. M. C... a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Pau d'une demande d'expertise judiciaire, et relève appel de l'ordonnance du 21 novembre 2024 par laquelle le président du tribunal a rejeté cette demande.

4. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Cette utilité doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en responsabilité du fait des conséquences dommageables d'un acte médical, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier, notamment du rapport de l'expertise prescrite par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux s'il existe, et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, la mesure sollicitée.

5. Pour soutenir que l'expertise ordonnée par la CCI était incomplète, M. C..., qui en conteste principalement les conclusions, soumet une série de questions qui ont pour la plupart déjà été examinées par les experts, lesquels ont notamment écarté l'imputabilité de l'infection au geste de résection endoscopique, alors que la cause en est la vascularite qui a fragilisé les parois intestinales et laissé le germe se répandre, reconnu la justification de la prescription de corticoïdes devant une suspicion de vascularite, et admis que l'antibiothérapie avait été adaptée tant dans la nature des produits que dans le séquençage de leur administration au vu des résultats des examens biologiques. Ainsi les experts ont bien examiné, contrairement à ce que soutient M. C..., si le traitement de l'infection avait été conforme aux règles de l'art. L'avis critique produit par M. C..., émanant d'un " médecin conseil de victimes " dont les qualifications ne sont pas précisées, se borne à affirmer que la corticothérapie aurait aggravé l'état du patient sans expliquer par quel mécanisme, et qu'il existe un lien entre l'intervention chirurgicale et l'état du patient, ce qu'il appartiendrait au juge du fond éventuellement saisi d'apprécier. Dans ces conditions, M. C... n'apporte pas d'éléments de nature à justifier une nouvelle expertise, qui peut en tout état de cause être décidée par un juge du fond s'il s'estimait insuffisamment éclairé.

6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande comme ne remplissant pas les conditions fixées par les dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

7. Il n'appartient pas au juge des référés de statuer sur les dépens. La demande

de M. C... à ce titre, au demeurant sans objet, ne peut qu'être rejetée comme irrecevable.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D... C..., au centre hospitalier de Mont-de-Marsan, à la caisse primaire d'assurance maladie de Pau et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Fait à Bordeaux, le 20 mars 2025.

La juge d'appel des référés,

Catherine Girault,

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N° 24BX02871 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24BX02871
Date de la décision : 20/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-20;24bx02871 ?
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