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27/11/2024 | FRANCE | N°24BX02197

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre (juge unique), 27 novembre 2024, 24BX02197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



L'association Les amis de la terre - groupe du Gers, a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision par laquelle le préfet du Gers a implicitement refusé de mettre en demeure la société Cap Vert Energie EI40 P1 de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces et des habitats protégés, dans le cadre de la construction d'une centrale photovoltaïque au sol au lieu-dit Clarac et Besparo sur le territoire de la commune

de Haget,

d'enjoindre à la société de déposer cette demande sous astreinte de 500 euros par jour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Les amis de la terre - groupe du Gers, a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision par laquelle le préfet du Gers a implicitement refusé de mettre en demeure la société Cap Vert Energie EI40 P1 de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces et des habitats protégés, dans le cadre de la construction d'une centrale photovoltaïque au sol au lieu-dit Clarac et Besparo sur le territoire de la commune

de Haget, d'enjoindre à la société de déposer cette demande sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de suspendre les travaux de construction du projet jusqu'à la délivrance de l'autorisation.

Par un jugement n° 2302564 du 3 juillet 2024, le tribunal administratif de Pau a prononcé l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Gers a refusé de mettre en demeure la société Cap Vert Energie EI40 P1 de déposer une demande de dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, a enjoint au préfet du Gers de mettre en demeure la société Cap Vert Energie EI40 P1, dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, de déposer un dossier de demande de dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement concernant les amphibiens, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à l'association Les amis de la terre - groupe du Gers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête enregistrée le 5 septembre 2024 et un mémoire enregistré le 19 novembre 2024, la société Cap Vert Energie (CVE) EI40 P1, représentée par la SELARL HK legal, demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Pau du 3 juillet 2024 ;

2°) de mettre à la charge de l'association Les amis de la terre - groupe du Gers le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions sont fondées sur les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative ;

- le tribunal a omis de statuer sur de nombreux moyens opposés en défense concernant la fiabilité du rapport Melotopic qui a fondé le jugement sans aucune justification ; le jugement n'est donc pas motivé ;

- les premiers juges ont méconnu leur office de juges de l'excès de pouvoir ; la présence d'amphibiens et d'une mare en eau n'a été mise en évidence que postérieurement à la décision contestée ; le préfet était donc fondé à écarter la nécessité d'une dérogation et le tribunal ne pouvait prendre en compte la synthèse d'inventaires postérieure à la décision ; à supposer que la jurisprudence sur l'effet utile des annulations soit transposable, l'étude Melotopic ne peut conduire à constater une insuffisance de l'étude d'impact ; en s'abstenant d'expliquer qu'il se fondait sur un changement des circonstances de fait, le tribunal a méconnu son office ; l'association requérante ne peut se prévaloir d'une étude complémentaire postérieure au jugement attaqué ;

- la décision du préfet est fondée ; en effet, la présence d'une mare en eau et d'amphibiens n'est pas établie ; elle ne résulte que d'une étude dont la méthodologie n'est pas conforme à celle du guide des études d'impact et qui comporte des contradictions ; l'inventaire mené selon les règles de l'art a au contraire permis de conclure à une absence de mare et d'amphibiens ; de plus, à supposer cette présence établie, il n'existe pas de risque suffisamment caractérisé ; l'étude produite par l'association ne dit rien sur le projet ni sur l'existence d'un tel risque ; le tribunal a commis une erreur de droit en retenant que le projet était susceptible d'affecter la conservation d'espèces protégées et de leurs habitats, ce critère n'étant pas requis pour apprécier la nécessité d'une dérogation mais seulement pour apprécier la légalité de sa délivrance ; la mare identifiée n'a pas un caractère intermittent mais un caractère exceptionnel ; de plus, le tribunal n'a pas raisonné en prenant en compte l'impact résiduel, dès lors qu'il a omis de prendre en considération les mesures environnementales les plus importantes et notamment celles consistant à supprimer les panneaux photovoltaïques localisés sur la mare et à assurer sa restauration pour lui assurer une fonction écologique qu'elle n'a pas actuellement et celle consistant à réaliser les travaux pendant la période la moins sensible pour les amphibiens ; le tribunal n'a pas non plus tenu compte de l'extension prévue à la mare de l'assistance environnementale, du suivi écologique sur 20 ans et du suivi de la recolonisation du site par la faune ; il a été constaté le 19 novembre que la mare était asséchée ; elle produit la mise à jour de l'étude d'impact, comportant notamment l'évitement de la période de reproduction des amphibiens durant la phase de chantier et concluant à un risque très faible pour les amphibiens ;

- le jugement contesté est contradictoire avec le jugement avant-dire droit du 3 juillet 2024 relatif au permis de construire ; le juge ne peut imposer une dérogation espèces protégées avant même de disposer du complément de l'étude d'impact pour lequel un sursis à statuer a été prononcé, alors que le risque n'est pas suffisamment caractérisé ;

- ainsi, elle fait état de moyens sérieux justifiant le sursis à exécution sur le fondement de l'article R. 811-15 ;

- pour l'application de l'article R. 811-17, elle fait également état de conséquences difficilement réparables ; le préfet lui a déjà fait obligation de déposer un dossier au plus tard le 30 septembre 2024 alors que la préparation d'un tel dossier se heurte à des difficultés insurmontables, la mare étant asséchée et aucune espèce protégée n'étant présente sur le site ; de plus, en l'absence de risque caractérisé, une dérogation serait nécessairement illégale, les conditions de sa délivrance n'étant pas remplies ; une annulation de la dérogation retarderait le projet qui perdrait toute chance d'aboutir ; le surcoût lié au retard qui serait d'un à deux ans, peut être estimé entre 625 000 et 1 240 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 13 novembre 2024, l'association Les amis de la terre - groupe du Gers, représentée par la SELARL Terrasse-Rover, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la partie adverse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des parties et a suffisamment motivé son jugement ;

- les premiers juges n'ont pas méconnu leur office dès lors qu'ils pouvaient tenir compte du rapport Melotopic, certes postérieur à la décision contestée, mais qui démontre une carence à la date de la décision contestée ; au surplus, compte tenu de l'effet utile qui s'attache à un recours ayant pour objet le prononcé d'une injonction, le juge statue en fonction des circonstances existant à la date à laquelle il se prononce ;

- la notion de risque suffisamment caractérisé dégagé par la jurisprudence du Conseil d'Etat doit s'interpréter à la lumière des principes du droit européen en vertu duquel le principe de protection s'applique espèce par espèce, à chaque spécimen et sans condition que l'activité considérée risque d'avoir une incidence négative sur l'état de conservation de l'espèce concernée ;

- le tribunal n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit en estimant que le projet était susceptible d'affecter la conservation des espèces protégées ;

- la société requérante ne peut contester l'étude Melotopic en invoquant le guide sur les études d'impact dès lors que cette étude n'a pas pour ambition de répondre aux critères règlementaires d'une étude d'impact ; les observations qui y ont été faites n'auraient pu être au minimum que confirmées par une étude qui se serait déroulée sur quatre saisons ; les données de l'étude sur les observations qui ont été conduites démontrent le sérieux de ces observations tandis que les observations faites dans l'étude d'impact ont été insuffisantes ; l'existence de la mare résulte clairement du dossier de demande et des conclusions du commissaire enquêteur ; les éléments produits par la société ne sont pas de nature à infirmer le caractère intermittent de la mare ; une nouvelle note est produite venant confirmer l'étude Melotopic ; la mare est d'intérêt patrimonial dès lors qu'elle est restée en eau au printemps 2022, année de référence en terme de sécheresse ; la note précise qu'une mare intermittente est encore plus riche écologiquement d'une mare permanente car elle évite la colonisation d'espèces invasives ; cette mare constitue un habitat de reproduction du triton marbré, du triton palmé et de la salamandre tachetée ; tant la mare que les haies et boisements situés à proximité constituent des habitats de reproduction, d'hivernage et de repos nécessaires à l'accomplissement du cycle biologique de ces trois espèces protégées d'amphibiens ; les mesures d'évitement et de réduction ne permettent pas de diminuer le risque au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé ; l'évitement de la mare proposé par le pétitionnaire conduit à une fragmentation des habitats dès lors que les habitats d'hivernage et de repos situés autour vont être détruits ; la mesure de restauration de la mare est une mesure de compensation qui ne peut être prise en compte pour apprécier la nécessité d'une dérogation ; l'étude d'impact prévoit que les travaux pourront se dérouler sur la période hivernale ; ainsi, les opérations de débroussaillage ou de terrassement au droit des habitats de repos des amphibiens vont se dérouler en pleine période d'hivernage ; en toute hypothèse, des travaux en septembre et octobre ne permettent pas d'éviter la destruction de salamandres tachetées qui s'accouplent dans les haies et boisements ; le CNPN a d'ailleurs rendu un avis le 19 juin 2024 sur les effets des parcs photovoltaïques sur les amphibiens ;

- subsidiairement, les autres moyens qu'elle avait invoqués en première instance sont fondés ;

- la société ne justifie pas de conséquences difficilement réparables ; les délais de réalisation d'une étude en vue d'une demande de dérogation ne sont pas insurmontables et la réalisation de son projet n'aurait pas été retardé si elle avait présenté une telle demande dès le stade de sa demande de permis de construire ; si elle invoque la perspective d'un recours contre une éventuelle dérogation, cela démontre le peu de crédit de la société dans son propre projet.

Un mémoire a été enregistré le 24 novembre 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction, pour l'association Les amis de la terre - groupe du Gers, par Me Terrasse.

Vu :

- la requête au fond enregistrée sous le n° 24BX02196 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage ;

- l'arrêté du 8 janvier 2021 de la ministre de la transition écologique et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, fixant la liste des amphibiens et des reptiles représentés sur le territoire métropolitain protégés sur l'ensemble du territoire national et les modalités de leur protection ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat ;

- les observations de :

v Me Harada, représentant la société Cap Vert Energie EI40 P1 qui se réfère à ses écrits ; il indique que le site du projet est un terrain en jachère propriété de la commune, sans bois ni forêts, non couvert par une protection juridique, alors que le projet, qui pourra couvrir la consommation d'environ 2 000 foyers, est d'intérêt général ; il fait référence à des constatations faites par l'OFB en 2022 sur l'assèchement de la mare invoquée par l'association et rappelle les mesures d'évitement et de réduction prévues, et notamment l'évitement et la renaturation de la mare ; il insiste sur la bonne foi du pétitionnaire qui, à l'époque de l'étude d'impact, ne disposait d'aucun élément sur la présence d'amphibiens et sur la régularité de l'étude d'impact ; il souligne que l'année 2024 a été une année très pluvieuse, ce qui explique la formation de la mare qui n'est pas intermittente comme le montre la photo prise par la maire de la commune ; il ajoute que même si le juge faisait une appréciation dynamique de la légalité de l'acte, le dernier rapport produit par l'association ne fait état que d'une seule espèce et la connexion entre milieux terrestres et aquatiques ne ressort pas des pièces ; il confirme que l'exécution du jugement aura des conséquences difficilement réparables dès lors que la société ne peut demander une dérogation sans avoir observé la présence d'espèces ou d'habitats protégés et que le retard lié à la présentation d'une telle demande risque d'entrainer des surcoûts importants ; il précise qu'il ne sera pas nécessaire de faire des observations sur quatre saisons pour compléter l'étude d'impact en vue de la régularisation du permis de construire car les observations les plus pertinentes seront faites en hiver ;

v Me Rover, représentant l'association Les amis de la terre - groupe du Gers, qui se réfère également à ses écrits ; elle confirme que les conditions du sursis ne sont pas remplies ; elle insiste sur les pouvoirs du juge de l'excès de pouvoir en matière d'appréciation dynamique de la légalité d'un acte ; elle soutient n'avoir pas eu connaissance d'un rapport de l'OFB constatant l'absence de la mare invoquée ; elle observe que sur la photo de la mare prise par la maire de la commune, le fond est noir, ce qui traduit une absence de végétation et par conséquent la présence d'eau une partie de l'année ; elle souligne la nécessaire préservation, s'agissant d'amphibiens, de milieux à la fois aquatiques et terrestres et la nécessité de protéger la connexion entre les deux ; elle en déduit l'inutilité de l'évitement et de la renaturation de la seule mare sans prise en compte de la synergie des habitats ; elle confirme que le calendrier des travaux n'est pas compatible avec la préservation des espèces présentes compte tenu de l'atteinte qui sera portée à leur habitats d'hivernage et compte tenu de la reproduction de la salamandre en milieu terrestre entre septembre et mai ; elle renvoie à une étude du CNPN sur les incidences des parcs photovoltaïques, notamment sur les enjeux de connectivité ; elle précise que les amphibiens ne circulent pas sous les panneaux qui provoquent un réchauffement du sol ; elle ajoute que les conséquences difficilement réparables ne sont pas établies dès lors qu'un complément d'étude d'impact sur quatre saisons sera nécessaire pour régulariser le permis de construire et que les travaux ne pourront donc pas commencer même si le sursis est prononcé ; elle ajoute que le dossier de fond doit être jugé en 10 mois et qu'aucun élément ne permet de considérer comme exacts les chiffres annoncés par la société s'agissant du surcoût ;

v M. D... B..., membre de l'association intimée, qui exerce une activité notamment apicole dans le secteur du projet, et qui expose la configuration des lieux ; il précise qu'il a toujours vu la mare en eau chaque année mais qu'actuellement, elle n'est pas encore remplie ;

v M. C..., membre de l'association intimée et résidant à proximité du projet, qui affirme avoir constaté la présence d'une salamandre écrasée et la présence de tritons dans sa piscine, ce qui confirme l'existence d'un biotope favorable ;

v Mme A... B..., membre de l'association intimée, qui relève que le site abrite de nombreuses espèces protégées autres que des amphibiens, et notamment des oiseaux et neuf espèces de chiroptères qui ont leurs habitats dans les haies destinées à être détruites.

Considérant ce qui suit :

1. La société Cap Vert Energie EI40 P1 a déposé, le 17 mars 2020, une demande de permis de construire en vue de réaliser une centrale photovoltaïque au sol sur le territoire de la commune de Haget (Gers), au lieu-dit Clarac et Besparo. Ce projet comporte l'implantation, sur un terrain de 8,53 hectares, de panneaux photovoltaïques capables de générer une puissance de 6,176 MW-crête, ainsi que la construction de quatre locaux techniques représentant une surface de plancher totale de 60 m2, de clôtures et de voies de circulation internes. L'autorité environnementale a émis un avis le 16 décembre 2020 sur ce projet qui, après observations et compléments du pétitionnaire, a ensuite été soumis à une enquête publique qui s'est déroulée du 11 février au 15 mars 2022. Par un arrêté du 20 mai 2022, le préfet du Gers a délivré le permis de construire cette centrale photovoltaïque. Par une lettre du 1er juin 2023, l'association Les amis de la terre - groupe du Gers a demandé au préfet du Gers de mettre en demeure la société Cap Vert Energie EI40 P1 de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces et des habitats protégés, dans le cadre de la construction de cette centrale. Du silence gardé par le préfet pendant deux mois sur cette demande est née une décision implicite de rejet contestée par l'association. Par jugement du 3 juillet 2024, le tribunal administratif de Pau a annulé le refus implicitement opposé à l'association Les amis de la terre - groupe du Gers et a enjoint au préfet du Gers d'adresser, dans un délai de trois mois à compter du jugement, une mise en demeure à la société. La société Cap Vert Energie EI40 P1, qui a fait appel de ce jugement, demande dans la présente instance qu'il soit sursis à son exécution sur le fondement de l'article L. 811-15 du code de justice administrative ou sur le fondement de l'article R. 811-17 de ce code.

2. En premier lieu et aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

3. A l'appui de ses conclusions tendant au sursis à l'exécution du jugement, la société Cap Vert Energie EI40 P1 invoque des moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué qui, à supposer qu'ils présentent un caractère sérieux, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à justifier à eux seuls, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. La société soutient par ailleurs que la décision contestée du préfet est fondée, que la présence d'une mare en eau et d'amphibiens n'est pas établie, que la méthodologie de l'étude produite par l'association n'est pas conforme à celle du guide des études d'impact, qu'elle comporte des contradictions, qu'à supposer cette présence établie, il n'existe pas de risque suffisamment caractérisé, que l'étude d'impact complétée conclut à un risque très faible, que la mare identifiée n'a pas un caractère intermittent mais un caractère exceptionnel, que les mesures environnementales et notamment celles consistant à supprimer les panneaux photovoltaïques localisés sur la mare et à assurer sa restauration pour lui assurer une fonction écologique qu'elle n'a pas actuellement et celle consistant à réaliser les travaux pendant la période la moins sensible pour les amphibiens doivent être prises en compte, ainsi que l'extension prévue à la mare de l'assistance environnementale, du suivi écologique sur 20 ans et du suivi de la recolonisation du site par la faune. Aucun de ces moyens ne paraît sérieux en l'état de l'instruction. Dès lors, la société n'est pas fondée à demander le sursis à exécution du jugement sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

4. En second lieu et aux termes de l'article R. 811-17 du même code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ".

5. Quand bien même le préfet a d'ores-et-déjà mis en demeure la société de déposer une demande de dérogation au plus tard le 30 septembre 2024 alors que les conditions ne permettent pas d'observations pertinentes sur le terrain, ces circonstances, qui ne font pas obstacle à ce que la société sollicite un délai supplémentaire pour réaliser son dossier de demande, ne traduisent pas, par elles-mêmes, des conséquences difficilement réparables justifiant qu'il soit sursis à l'exécution du jugement. Il ne résulte par ailleurs d'aucun élément de l'instruction que le dépôt d'une demande de dérogation aurait pour conséquence de remettre en cause la réalisation du projet même si la société évalue le surcoût lié à un retard dans son démarrage entre 625 000 et 1 240 000 euros. Enfin, à supposer que le jugement au fond de la requête d'appel de la société conduise à constater qu'en l'absence de risque caractérisé, une dérogation était superfétatoire, une telle appréciation ne serait pas en soi de nature à remettre en cause la réalisation du projet pour lequel un permis de construire a été délivré. Dans ces conditions, et dès lors que la condition fixée par l'article R. 811-17 précité du code de justice administrative tenant à des conséquences difficilement réparables de l'exécution du jugement n'est pas remplie, il ne peut être sursis à l'exécution de ce jugement sur le fondement de ces dispositions.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Cap Vert Energie EI40 P1 n'est pas fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Pau du 3 juillet 2024.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante le versement à l'association intimée d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de l'association Les amis de la terre - groupe du Gers, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Cap Vert Energie EI40 P1 de la somme que celle-ci demande au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Cap Vert Energie EI40 P1 est rejetée.

Article 2 : La société Cap Vert Energie EI40 P1 versera la somme de 1 500 euros à l'association Les amis de la terre - groupe du Gers en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cap Vert Energie EI40 P1, à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et à l'association les amis de la terre - groupe du Gers.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Gers.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2024 à laquelle siégeait Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2024.

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX02197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 24BX02197
Date de la décision : 27/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Avocat(s) : CABINET HK LEGAL;SELARL TERRASSE ROVER;CABINET HK LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-27;24bx02197 ?
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