Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, la décision du 15 mai 2022 par laquelle le directeur de l'office public de l'habitat de la Creuse Creusalis lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle et la décision du 17 août 2022 portant rejet de son recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le directeur de l'office Creusalis a refusé de reconnaitre les faits survenus le 12 janvier 2022 comme un accident de service.
Par un jugement n° 2201336, 2201337 du 2 juillet 2024, le tribunal administratif de Limoges a prononcé l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2022, a enjoint au directeur de l'office Creusalis de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 12 janvier 2022 dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions des demandes.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête enregistrée le 19 juillet 2024 et un mémoire enregistré le 10 octobre 2024, l'office Creusalis, représentée par Me Monpion, demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Limoges du 2 juillet 2024 en tant qu'il porte annulation de l'arrêté du 13 juillet 2022 et injonction de connaissance de l'imputabilité au service ;
2°) de rejeter la demande de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ses conclusions sont fondées sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a été rendu sans qu'ait été communiqué le mémoire en défense du 28 mai 2024 qui comportait la production d'une pièce nouvelle, en méconnaissance de l'article R. 611-1 alinéa 3 du code de justice administrative ;
- le tribunal, qui a retenu l'imputabilité au service, s'est fondé sur le rapport du docteur C... et sur l'avis du conseil médical départemental qui ne liaient pas le directeur, sans indiquer les raisons pour lesquelles il a écarté l'avis du comité médical supérieur ; il n'a pas tenu compte du fait que M. B... n'a été placé en congé maladie que le 7 mars 2022 ;
- le tribunal a retenu les griefs mentionnés dans le courrier de l'inspecteur du travail du 17 février 2022 alors que ce courrier ne fait état que de manquements au droit syndical qui, à les supposer établis, ne font pas obstacle à l'exercice par le directeur de l'office de son pouvoir hiérarchique ; le tribunal n'a pas tenu compte des faits de désinformation imputables à M. B... qui ont suscité une grande incompréhension de la part des agents, appelant une réaction de la part du directeur ; dans ces circonstances, la lecture par M. B... de la note du 12 janvier 2022 adressée par le directeur au personnel pour expliquer les raisons de l'échec de la négociation annuelle obligatoire avant signature d'un procès-verbal de désaccord ne pouvait s'analyser comme un événement soudain et violent constitutif d'un accident de service car elle traduisait l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;
- en tout état de cause, la communication avant la négociation par M. B... d'informations erronées au personnel sur les intentions de la direction a constitué une faute personnelle ou, à tout le moins, une circonstance particulière de nature à détacher l'accident du service ;
- l'autre moyen qui était invoqué par M. B... à l'encontre de l'arrêté annulé n'est pas fondé ; le directeur n'avait pas à justifier d'une délégation pour prendre la décision qui relève de ses compétences en application de l'article R. 421-18 du code de la construction et de l'habitation et de l'article 37-9 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987.
Par un mémoire enregistré le 17 septembre 2024, M. A... B..., représenté par le cabinet d'avocats Athon-Perez, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'office Creusalis le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- aucune irrégularité ne peut être retenue du fait de l'absence de communication d'un mémoire de l'office, dès lors que cette absence n'a pas pu préjudicier aux droits de Creusalis qui connaissait nécessairement le contenu de cette production ; au surplus, la pièce produite ne concernait pas la demande de reconnaissance de l'accident de service en litige et ne pouvait avoir aucun impact sur l'affaire ;
- cet avis du comité médical supérieur du 23 mai 2023 était sans incidence sur le jugement de l'affaire et, au surplus, le tribunal a bien pris ce document en considération ;
- l'inspecteur du travail a émis un avis qui n'est pas favorable à Creusalis mais cela ne remet pas en question sa probité et son indépendance ; en tout état de cause, il ne peut être soutenu que le juge aurait retenu des griefs adressés par l'inspecteur du travail à Creusalis puisqu'il ne se réfère pas à ces griefs ;
- il conteste la matérialité des faits que lui impute Creusalis ; la note du 12 janvier 2022, qui a été rendue publique et qui le rend responsable de l'échec de la négociation annuelle, ne pouvait donc que dépasser l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;
- aucune faute personnelle ni circonstance particulière de nature à détacher l'accident du service ne peut être retenue ;
- son accident correspond en tous points à la définition de l'accident de service au sens des textes applicables ; il est précisément daté et l'a frappé de manière soudaine ; au regard de son grand investissement syndical depuis plusieurs années, il a subi un choc immense, sur son lieu de travail et pendant son temps de travail même si son état n'a été diagnostiqué que plus tard ;
- il ne peut être déduit des témoignages produits qu'il aurait commis une faute ; ces témoignages ne sont pas suffisamment précis, émanent de personnes qui n'ont pas personnellement vécu les faits ou émanent de responsables d'équipe, favorisés par les augmentations décidées par la direction ; à supposer qu'il ait pu se méprendre sur les avancées salariales au cours de la négociation, il n'avait aucun intérêt à faire état d'augmentations alors qu'il savait que ces augmentations ne seraient pas accordées ; à supposer que certaines personnes se soient plaintes de ses déclarations, le directeur n'avait pas à adresser la note du 12 janvier 2022 sans avoir recueilli ses observations ; aucune poursuite disciplinaire n'a été engagée à son encontre ; à supposer même qu'il ait transmis des informations erronées aux salariés en amont de la réunion du 15 décembre 2021, cela ne justifiait pas un dénigrement à son encontre sans vérification des faits ;
- les moyens de l'office Creusalis ne sont donc pas sérieux.
Vu :
- la requête au fond enregistrée sous le n° 24BX01798 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général de la fonction publique ;
- le code du travail ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat ;
- les observations de :
* Me Monpion, représentant l'office Creusalis, qui rappelle les moyens de sa requête ; elle insiste sur le déroulement des faits et notamment sur le fait que M. B... a rencontré les agents de Creusalis après le début de la négociation et leur a diffusé de fausses informations avant de leur affirmer que la direction avait changé d'avis sur le montant de l'augmentation dont ils pourraient bénéficier, ce qui est démontré par les attestations produites ; elle expose que l'incompréhension qui s'en est suivi a justifié une réunion le 17 décembre 2021 ; elle souligne que Creusalis n'avait aucun intérêt à faire échouer la négociation mais devait faire face aux mouvements de mécontentements générés par les fausses informations diffusées par M. B... ; elle confirme que la direction n'a fait qu'exercer son pouvoir hiérarchique sans l'outrepasser, le droit syndical devant se concilier avec les nécessités du service et la direction ayant le pouvoir d'adresser des reproches à un agent ; elle expose que la note du 12 janvier 2022 ne fait que mettre en lumière le manque de loyauté de M. B..., qu'elle est signée par les membres du conseil d'administration et qu'elle traduit la nécessité dans laquelle se trouvait la direction de s'adresser aux agents ; elle reprend également ses écritures s'agissant des imprécisions sur les circonstances de l'accident invoqué par M. B... et du temps qui s'est écoulé entre la date invoquée de l'accident et l'arrêt maladie de l'agent, pendant lequel il a travaillé normalement ; elle souligne enfin que le manque de loyauté est une faute de la part de M. B... qui fait obstacle à la reconnaissance de l'accident de service invoqué ;
* Me Achard, représentant M. B..., qui reprend également ses écritures ; elle souligne une contradiction de l'office Creusalis à nier l'application de la protection fonctionnelle au motif que les faits imputés à M. B... relèvent de ses fonctions syndicales tout en niant une certaine liberté de parole à M. B... en tant que représentant syndical, s'agissant du litige sur l'imputabilité de son accident au service ; elle s'interroge sur une obligation de loyauté qui s'imposerait à un représentant syndical ; elle expose qu'en tout état de cause, M. B... nie totalement avoir diffusé de fausses informations et se réfère aux attestations produites en ce sens devant les premiers juges ; elle indique que le mécontentement des agents n'était pas dû à de fausses informations, mais à la seule annonce des intentions de la direction quant à des augmentations limitées de rémunération ; elle conteste les attestations produites par Creusalis en tant qu'elle comportent des incertitudes de dates et reprennent les termes de la note du 12 janvier 2022 ; elle souligne qu'aucun élément ne permet de déterminer la date à laquelle M. B... aurait rencontré les agents pour leur diffuser de fausses informations ; elle insiste sur le lien entre la diffusion de la note du 12 janvier 2022 et son accident, établi par un certificat médical ; elle souligne, enfin, qu'à supposer établie la diffusion de fausses informations, Creusalis disposait de multiples moyens de réagir au mécontentement des agents, notamment sans porter de jugement de valeur sur le comportement de M. B... et sans rendre public une imputation de responsabilité de M. B... dans l'échec des négociations, alors qu'aucun échec n'avait été encore acté.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
2. Le 10 novembre 2021, la négociation annuelle obligatoire prévue par l'article L. 2242-1 du code du travail a débuté au sein de l'office public de l'habitat de la Creuse Creusalis. La direction affirmant avoir appris que certains salariés auraient eu communication par M. B..., représentant du personnel, d'informations fausses sur des augmentations de salaire envisagées avant que M. B..., après établissement du projet d'accord, ne leur indique que la direction avait changé d'avis et que les augmentations seraient finalement de 4% seulement, le directeur de l'office Creusalis a adressé, le 12 janvier 2022, à l'ensemble du personnel, une note d'explication, signée des membres du comité de direction, annonçant un prochain procès-verbal de désaccord du fait de la diffusion des informations présentés comme fausses et imputées au représentant syndical. Le 22 janvier suivant, M. B... a adressé au directeur général de l'office un courrier dans lequel il rappelle qu'un accord était sur le point d'être conclu, notamment sur une augmentation de 4 % des salaires des ouvriers de la régie proposée par la direction au début des négociations, et dans lequel il critique la note du 12 janvier 2022 au regard des textes et de la jurisprudence relatifs au discrédit porté sur des organisations syndicales, annonçant une action devant le tribunal judiciaire sur ce fondement. Le 10 février suivant, le directeur général de l'office a adressé une réponse à M. B... dans laquelle il indique que la rupture des négociations ne peut être imputée à la direction mais doit l'être à la communication d'informations erronées et prématurées par M. B... et dans laquelle il assure M. B... de la volonté du comité de direction de renforcer et de pérenniser le dialogue social en évitant que les difficultés rencontrées ne se reproduisent. Le 7 mars suivant, M. B... a été placé en congé pour maladie et le 18 mars suivant, a établi une déclaration d'accident du travail.
3. M. B... a saisi le tribunal administratif de Limoges de demandes tendant, d'une part à l'annulation de la décision du 15 mai 2022 par laquelle le directeur de l'office public de l'habitat de la Creuse Creusalis lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle et de la décision du 17 août 2022 portant rejet de son recours gracieux et, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2022 par laquelle le directeur de l'office Creusalis a refusé de reconnaitre les faits survenus le 12 janvier 2022 comme un accident de service. Par jugement du 2 juillet 2024, le tribunal administratif de Limoges a prononcé l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2022, a enjoint au directeur de l'office Creusalis de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 12 janvier 2022 dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions des demandes. L'office Creusalis, qui a fait appel du jugement en tant qu'il fait droit aux conclusions de M. B..., demande dans cette mesure qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
4. A l'appui de ses conclusions en sursis à exécution, l'office Creusalis soutient que le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a été rendu sans qu'ait été communiqué le mémoire en défense du 28 mai 2024, en méconnaissance de l'article R. 611-1 alinéa 3 du code de justice administrative, que le tribunal s'est fondé sur le rapport du docteur C... et sur l'avis du conseil médical départemental qui ne liaient pas le directeur, sans indiquer les raisons pour lesquelles il a écarté l'avis du comité médical supérieur, que le tribunal n'a pas tenu compte du fait que M. B... n'a été placé en congé maladie que le 7 mars 2022, que le tribunal a retenu les griefs mentionnés dans le courrier de l'inspecteur du travail du 17 février 2022 alors que ce courrier ne fait état que de manquements au droit syndical qui, à les supposer établis, ne font pas obstacle à l'exercice par le directeur de l'office de son pouvoir hiérarchique, que le tribunal n'a pas tenu compte des faits de désinformation imputables à M. B... qui ont suscité une grande incompréhension de la part des agents, appelant une réaction de la part du directeur, que dans ces circonstances, la lecture par M. B... de la note du 12 janvier 2022 adressée par le directeur au personnel pour expliquer les raisons de l'échec de la négociation annuelle obligatoire avant signature d'un procès-verbal de désaccord ne pouvait s'analyser comme un événement soudain et violent constitutif d'un accident de service car elle traduisait l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et qu'en tout état de cause, la communication avant la négociation, par M. B..., d'informations erronées au personnel sur les intentions de la direction a constitué une faute personnelle ou, à tout le moins, une circonstance particulière de nature à détacher l'accident du service. Aucun de ces moyens ne paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier le rejet des conclusions en annulation auxquelles le tribunal a fait droit.
5. Il résulte de ce qui précède que l'office Creusalis n'est pas fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Limoges du 2 juillet 2024 en tant qu'il annule l'arrêté du 13 juillet 2022 et, par suite, en tant qu'il fait injonction à l'office de reconnaître l'imputabilité au service des faits survenus le 12 janvier 2022.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'office Creusalis le versement d'une somme de 1 500 euros à M. B... au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'office Creusalis au titre des frais liés à l'instance et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'office public de l'habitat de la Creuse Creusalis est rejetée.
Article 2 : L'office public de l'habitat de la Creuse Creusalis versera la somme de 1 500 euros à M. B....
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat de la Creuse Creusalis et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2024 à laquelle siégeait Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 octobre 2024.
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet de la Creuse en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01799