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16/10/2024 | FRANCE | N°23BX03037

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, Juge des référés, 16 octobre 2024, 23BX03037


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane de condamner la chambre d'agriculture de Guyane à lui verser une provision de 152 041,35 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 30 janvier 2022, avec capitalisation des intérêts, à valoir sur les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, le salaire du mois de janvier et l'indemnité de licenciement qui lui sont dus.



Par une ordonnance n° 23

00274 du 29 novembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane de condamner la chambre d'agriculture de Guyane à lui verser une provision de 152 041,35 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 30 janvier 2022, avec capitalisation des intérêts, à valoir sur les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, le salaire du mois de janvier et l'indemnité de licenciement qui lui sont dus.

Par une ordonnance n° 2300274 du 29 novembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2023 et des mémoires enregistrés les 29 août 2024 et 11 octobre 2024, Mme C..., représentée par l'AARPI Bréon Ducloyer Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 29 novembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane ;

2°) de condamner la chambre d'agriculture de Guyane à lui verser une provision de 95 805,85 euros majorée des intérêts de droit à compter du 30 janvier 2022, avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette date ;

3°) de mettre à la charge de la chambre d'agriculture de Guyane une somme fixée à 3 000 euros dans le dernier état des écritures, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'elle a qualité pour faire appel et qu'elle a respecté le délai d'appel ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, elle a bien présenté une demande préalable à la chambre d'agriculture ; ses courriels des 30 et 31 janvier 2023 constituent des demandes préalables ; sa demande a été réitérée le 13 mars 2023 ; elle n'a reçu aucune réponse de la part de la chambre d'agriculture ;

- le tribunal aurait dû lui adresser une demande de régularisation avant de rejeter sa demande comme irrecevable faute de réclamation préalable ;

- l'obligation de lui verser les sommes réclamées n'est pas sérieusement contestable ; elle a été licenciée pour inaptitude physique ; elle a droit à ces sommes en application de l'article 39 du statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, concernant l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement, et en application de l'article 18 de ce statut, concernant l'indemnité compensatrice des congés payés ;

- le montant des sommes auxquelles elle a droit est déterminé par l'article 49 du statut et par l'avis du 13 décembre 2022 de la commission paritaire des présidents et directeurs ; son indemnité de préavis doit être de 85 775,60 euros, son indemnité de licenciement doit être de 42 887,80 euros, son indemnité représentative de congés payés doit être d'au moins 19 147,93 euros, sans compter les jours dus au titre du mois de janvier 2023 et son salaire dû au titre du mois de janvier 2023 est de 4 230,02 euros ; elle pouvait donc prétendre au jour de son licenciement a minima à 152 041,35 euros ; la chambre d'agriculture lui ayant versé 56 235,50 euros, elle reste à lui devoir 95 805,85 euros.

Par des mémoires enregistrés les 23 juillet 2024 et 19 septembre 2024, la chambre d'agriculture de la Guyane, représentée par la SELAS Insolidum Avocats Associés, conclut au rejet de la requête pour irrecevabilité, subsidiairement à ce qu'il soit constaté qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au paiement d'une somme au titre du salaire du mois de janvier 2023 et d'une indemnité de licenciement et au rejet du surplus des conclusions de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme C... le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- comme l'a estimé le premier juge, la demande de première instance était irrecevable faute de liaison du contentieux ; les mails dont fait état la requérante ne comportent aucune demande préalable et il n'est pas établi qu'ils aient été reçus par la chambre d'agriculture ; le courrier du 13 mars 2023 relatif à la contestation de son licenciement, dont elle fait également état, n'a pas été produit en première instance et concerne la légalité du licenciement, qui n'est pas en cause dans le présent litige ; en tout état de cause, le paiement d'une somme pour solde de tout compte rend sans objet la demande de paiement de sommes au titre de l'illégalité du licenciement ;

- le juge des référés n'avait aucune obligation d'inviter la requérante à régulariser son recours dès lors qu'il n'a pas relevé d'office l'irrecevabilité qui était soulevée en défense ;

- subsidiairement, l'obligation dont se prévaut la requérante est sérieusement contestable ; les demandes tendant au paiement d'une indemnité de licenciement et du salaire du mois de janvier 2023 sont sans objet dès lors que la chambre d'agriculture a payé les sommes dues à ces titres ; en ce qui concerne le salaire, la requérante ne peut se prévaloir des dispositions du code du travail pour prétendre au paiement du salaire jusqu'au 18 janvier 2023 ; de plus, elle effectue un calcul sur la base d'une rémunération annuelle y compris le 13ème mois ; à supposer qu'elle puisse prétendre à son salaire jusqu'au 18 janvier 2023, le montant dû n'est pas supérieur à 3 936,68 euros ; s'agissant des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, l'avis de la commission paritaire des présidents et directeurs de chambres d'agriculture est erroné et est purement consultatif ; l'indemnité compensatrice de préavis n'était pas due dès lors que Mme C..., déclarée inapte par le médecin du travail était dans l'impossibilité d'effectuer son préavis ; s'agissant de l'indemnité compensatrice de congés payés, elle est subordonnée, aux termes de l'article 18 des statuts, à un accord de l'employeur qui n'a pas été donné en l'espèce ; la chambre d'agriculture a toutefois décidé de verser une somme de 13 022,77 euros à ce titre ; le surplus demandé par Mme C... n'est pas justifié ;

Par une ordonnance du 20 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 octobre 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme D... A... comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée par un contrat à durée indéterminée en qualité de directrice générale de la chambre départementale d'agriculture de Guyane à compter du 29 octobre 2018 et a été titularisée à ce poste le 2 septembre 2019. A compter du 7 novembre 2019, elle a été placée en arrêt pour maladie. Le médecin du travail a sollicité, le 25 mai 2020, la requalification de ses arrêts de maladie en accident de travail. Par un courrier du 25 novembre 2020, la caisse générale de sécurité sociale de Guyane a reconnu le caractère professionnel de l'accident et a procédé à la régularisation de ses indemnités journalières. Le 21 juin 2021, le médecin du travail a déconseillé la reprise du travail par Mme C.... Le 2 novembre 2022, il a émis un avis d'inaptitude de l'intéressée à exercer le poste de directrice générale à la chambre d'agriculture de Guyane et a conclu à son reclassement sur un poste équivalent en dehors de la chambre d'agriculture de Guyane. Par un courrier du 14 décembre 2022, le président de la commission paritaire des présidents et directeurs de chambre d'agriculture a notifié à l'intéressée l'avis de la commission favorable à son licenciement. Par un courrier du 15 décembre 2022, Mme C... a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement. Par un courrier du 3 janvier 2023, l'intéressée a informé la chambre d'agriculture de Guyane de ce qu'elle ne se rendrait pas à l'entretien préalable à son licenciement et a sollicité la production de l'ensemble des documents de fin de contrat ainsi que les paiements dus au titre de son licenciement. Par un courrier du 16 janvier 2023, notifié le 18 janvier 2023, le président de la chambre d'agriculture de Guyane a notifié à Mme C... son licenciement pour inaptitude physique sans possibilité de reclassement. Par la présente requête, Mme C... fait appel de l'ordonnance du 29 novembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane portant rejet de sa demande tendant à la condamnation de la chambre d'agriculture de Guyane à lui verser la somme de 152 041,35 euros à titre de provision à valoir sur les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, sur le salaire du mois de janvier et sur l'indemnité de licenciement auxquels elle soutient avoir droit, majorée des intérêts légaux à compter du 30 janvier 2022, avec capitalisation des intérêts. La chambre d'agriculture lui ayant versé 56 235,50 euros, elle réduit en appel le montant de ses conclusions à 95 805,85 euros en principal.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation est non sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.

3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction résultant du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Il résulte de ces dispositions, qui sont applicables aux demandes de provision présentées sur le fondement de l'article R. 541-1 du même code, qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au paiement d'une somme d'argent est irrecevable. L'intervention d'une telle décision au cours de l'instance en cause régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.

4. Pour rejeter la demande de Mme C..., le juge des référés du tribunal a fait droit à la fin de non-recevoir qui était opposée en défense par la chambre d'agriculture, tirée de l'absence de liaison du contentieux.

5. En premier lieu, aucune disposition du code de justice administratif ne prévoit que le juge des référés, lorsqu'il statue en matière de provision, soit tenu d'inviter le demandeur à régulariser sa demande en produisant la décision de l'administration rejetant sa demande tendant au paiement des sommes d'argent en litige ou en produisant une demande ayant fait naître une décision liant le contentieux lorsque, comme en l'espèce, la fin de non-recevoir est soulevée par la partie adverse et que le mémoire dans lequel cette fin de non-recevoir est soulevée a été communiqué au demandeur, lequel a répliqué en soutenant que les documents produits constituent une réclamation ayant lié le contentieux et que la preuve de leur envoi à l'administration était apportée.

6. En second lieu, devant le premier juge, Mme C... se prévalait de deux courriels qu'elle aurait adressés à la chambre d'agriculture les 30 et 31 janvier 2023. Toutefois, par ces courriels, Mme C... se bornait à faire état de ce qu'à la suite de son licenciement, elle n'avait reçu aucun " solde de tout compte ", ni aucun " virement ", et à interroger la chambre d'agriculture sur sa situation, sans demander le paiement de sommes identifiées. Ces courriels n'ont pu, ainsi que l'a estimé le premier juge, lier le contentieux relatif au paiement des sommes faisant l'objet de la demande de provision. Si en appel Mme C... se prévaut d'un courrier adressé par son conseil à la chambre d'agriculture le 13 mars 2023, ce courrier ne réclame pas davantage le paiement des sommes faisant l'objet de la demande de provision mais sollicite le retrait pour illégalité de la décision de licenciement pour inaptitude physique et son remplacement par une décision de licenciement sur décision du président, le " versement des sommes dues au titre (de ce) licenciement " sur décision du président et le versement d'indemnités en réparation du préjudice subi du fait de la décision illégale du 16 janvier 2023 et se borne à " informe(r) " son destinataire de l'absence de versement du salaire relatif au mois de janvier 2023, des indemnités de licenciement et de préavis dues au titre de la décision de licenciement en date du 16 janvier 2023 et de l'indemnité de congés payés. Ce courrier n'a pu davantage lier le contentieux relatif au paiement de ces sommes. Ainsi, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de provision de Mme C... comme irrecevable faute de demande préalable.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la requérante le versement à la chambre d'agriculture de la somme demandée par l'établissement intimé au titre des frais liés à l'instance et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la chambre d'agriculture de la Guyane tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... C... et à la chambre d'agriculture de Guyane.

Fait à Bordeaux, le 16 octobre 2024

La juge des référés,

D... A...

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

No 23BX03037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 23BX03037
Date de la décision : 16/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET BREON DUCLOYER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-16;23bx03037 ?
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