Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au juge des référés, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner Pôle Emploi à lui verser à titre de provision la somme de 32 963,68 euros en réparation de son préjudice matériel ainsi que la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral, y compris la résistance abusive.
Par une ordonnance n° 2202870 du 28 novembre 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 décembre 2023 et 6 mars 2024, M. B... A..., représenté par Me Roncucci, demande au juge des référés de la Cour :
1°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Pau du 28 novembre 2023 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de Pôle Emploi une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- il justifie d'une obligation non sérieusement contestable ;
- à supposer que son contrat de travail ait été signé avant la transmission à Pôle Emploi de la demande d'aide à l'embauche, cet argument n'était pas rédhibitoire et il demeurait éligible à l'aide à l'embauche et conserve le droit de demander la réparation de son préjudice d'autant que son contrat comportait en réalité une condition suspensive et n'est donc jamais entré en vigueur et que ce document n'a jamais été transmis à Pôle Emploi ;
- la circonstance que l'association n'a pas maintenu sa demande est sans incidence, cette renonciation résultant des tracasseries de Pôle Emploi et cette stratégie constitue le fait générateur de son préjudice ;
- France Travail avait l'obligation d'inviter les parties à régulariser la situation avant de prendre la décision de rejet en application de l'article L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le refus illégal de la demande d'aide l'a privé de l'espérance d'obtenir la somme de 832,07 euros par mois pendant deux ans minimums, outre 70 % de cette somme au titre des droits au chômage enfin de contrat
Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 février 2024 et 23 avril 2024, Pôle Emploi devenu France Travail, représenté par le cabinet Vacarie et Duverneuil, agissant par Me Duverneuil, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 200 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le requérant ne justifie pas d'une obligation non sérieusement contestable dès lors que le contrat de travail a été signé préalablement à la demande d'aide à l'insertion professionnelle, qu'il n'est justifié ni d'une demande de maintien de la demande initiale ni d'une nouvelle demande par l'AFAJ, qu'il lui revenait alors qu'il est le secrétaire de l'association de produire les documents actualisés nécessaires au réexamen de la demande et ne peut donc se prévaloir de sa propre défaillance pour soulever un prétendu préjudice de perte de chance
- le moyen tiré de ce que l'illégalité de la décision du 30 décembre 2015 lui a causé une perte de chance d'être embauché est inopérant en l'absence de renouvellement de la demande d'aide à l'insertion professionnelle par l'AFAJ ou du maintien de sa demande initiale ;
- le préjudice subi n'est pas justifié.
Par une ordonnance du 29 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mai 2024.
Vu le mémoire, enregistré le 24 juillet 2024, présenté par M. A... après la clôture d'instruction.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 15 février 2024, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. ". Il ne résulte d'aucune disposition du code de justice administrative ni d'aucun principe que le juge des référés, lorsqu'il statue en application de ces dispositions, ait l'obligation de tenir une audience publique.
2. Il résulte des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.
3. L'association française d'assistance juridique aux précaires (AFAJ) ayant envisagé d'embaucher M. A... dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi a sollicité de Pôle Emploi une aide à l'embauche. Par une décision du 30 décembre 2015, le directeur de l'agence Pôle Emploi de Tarbes a rejeté sa demande au motif que la circulaire DGEFP n° 2005-12 du 21 mars 2005 excluait de son bénéfice les associations dont le siège et/ou le lieu d'activité est un domicile privé. Par un jugement du 20 octobre 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Pau a annulé cette décision et a enjoint à Pôle Emploi de réexaminer la demande de l'AFAJ. Par courrier reçu le 21 octobre 2022, M. A... a présenté auprès de Pôle Emploi devenu France Travail, une demande indemnitaire à raison de la perte de chance d'accéder à un emploi auprès de l'AFAJ en décembre 2015. Cette demande a été rejetée par un courrier du 9 novembre 2022. M. A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner Pôle Emploi à lui verser, à titre de provision, la somme de 32 963,68 euros en réparation du préjudice matériel et la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subis. Il relève appel de l'ordonnance du 28 novembre 2023, par laquelle la juge des référés a rejeté sa demande.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
4. M. A... ayant été admis le 15 février 2024 au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur l'existence d'une obligation non sérieusement contestable :
5. Si les aides à l'insertion professionnelle au titre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi peuvent être accordées aux employeurs énumérés à l'article L. 5134-21 du code du travail, ces derniers ne peuvent se prévaloir, non plus que les personnes susceptibles d'occuper des emplois aidés, d'aucun droit à la conclusion ou au renouvellement des contrats ni, plus généralement, au maintien du dispositif d'aide.
6. Il résulte de l'instruction que M. A... a été recruté par l'AFAJ dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée d'une durée hebdomadaire de 20 heures, qui a été signé le 15 décembre 2015 par l'AFAJ et M. A..., pour une prise de poste le 29 décembre suivant. L'AFAJ souhaitant l'embaucher dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi a déposé une demande d'aide qui a été rejetée le 30 décembre 2015. Cette décision ayant été annulée par un jugement du 20 octobre 2017, devenu définitif, M. A... soutient que l'illégalité de cette décision étant fautive, l'obligation de Pôle Emploi de réparer la faute commise est non sérieusement contestable.
7. D'une part, et en application de l'article R. 5134-26 du code du travail, l'embauche sous CUI-CAE ne peut avoir lieu avant l'attribution de l'aide financière accordée à l'employeur par France Travail pour le compte de l'Etat, de même que le bénéfice de l'exonération applicable au CUI-CAE est lié à la décision d'attribution de l'aide. En l'espèce, et ainsi que l'a jugé à bon droit la juge des référés de première instance, le contrat de travail conclu par l'AFAJ avec M. A... était signé et prenait effet le 29 décembre 2015, alors qu'aucune décision favorable n'avait été prise sur la demande d'aide formulée par l'AFAJ le 18 décembre 2015, laquelle faisait référence à ce contrat de travail fixant une date d'embauche au 29 décembre 2015 et alors que la notice d'information du contrat unique d'insertion mentionne explicitement que l'embauche ne peut avoir lieu avant l'attribution de l'aide. M. A... ne peut ainsi utilement soutenir que ce contrat de travail était un brouillon ou qu'il était affecté d'une condition suspensive ou encore que l'AFAJ aurait dû être invitée à régulariser sa demande en application de l'article L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que le vice n'était pas susceptible d'être régularisé s'agissant d'une condition de fond posée par le législateur, ou que ce contrat était entaché d'un vice du consentement. Il en résulte que l'AFAJ ne pouvait bénéficier d'une aide à l'embauche n'ayant pas respecté les dispositions de l'article R. 5134-26 du code du travail, alors, au surplus, que France Travail fait valoir que cette aide n'aurait pu davantage lui être accordée dès lors que le formulaire qu'elle avait rempli ne prévoyait pas d'actions d'accompagnement et de formation professionnelle du salarié.
8. D'autre part, il était loisible à l'AFAJ de rompre le contrat de travail conclu le 15 décembre 2015 et présenter une nouvelle demande d'aide dans le respect des dispositions du code du travail, alors même que les contrats uniques d'insertion ont été ensuite remplacés par les parcours emplois-compétences dès lors que M. A... était toujours éligible en qualité de demandeur d'emploi de longue durée à l'attribution de l'aide à l'insertion professionnelle. En outre, et alors même que la décision de Pôle Emploi du 30 décembre 2015 a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Pau du 20 octobre 2017, aucune aide n'était pour autant accordée à l'AFAJ pour l'emploi de M. A... et il appartenait à l'AFAJ de présenter une nouvelle demande en présentant de nouvelles pièces, étant souligné qu'elle a d'ailleurs déposé le 30 juillet 2017, auprès de l'URSAFF et conformément aux dispositions de l'article L. 1221-10 du code du travail, une déclaration d'embauche de M. A....
9. Il résulte ainsi de ce qui précède que M. A..., qui ne peut invoquer une attitude abusive de la part de Pôle Emploi, n'est pas fondé à soutenir qu'il a perdu une chance d'être embauché par l'AFAJ du fait de l'illégalité de la décision de Pôle Emploi du 30 décembre 2015 et ne peut se prévaloir, ainsi qu'il est rappelé au point 5, d'aucun droit à la conclusion d'un contrat aidé. Par suite, il ne peut se prévaloir d'une obligation non sérieusement contestable à l'encontre de France Travail au titre d'une prétendue créance indemnitaire résultant de la perte de salaires et d'un préjudice moral.
10. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande de provision.
Sur les frais de l'instance :
11. En l'absence de dépens exposés au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées à ce titre par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.
12. Les dispositions de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de France Travail qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme réclamée au même titre par France Travail.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par France Travail sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à France Travail.
Fait à Bordeaux, le 28 août 2024.
La présidente de la 6ème chambre,
Juge des référés,
Ghislaine Markarian
La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX03091