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31/07/2024 | FRANCE | N°24BX00345

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, Juge des référés, 31 juillet 2024, 24BX00345


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au juge des référés, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de prescrire une expertise aux fins de démontrer que sa pathologie anxiodépressive est liée au service, qu'elle réunit les conditions d'octroi d'une allocation temporaire d'invalidité et d'évaluer les éventuels préjudices qu'elle subit en lien direct avec cette maladie.



Par une ordonnance n° 2304413 du 24 janvier 2024, le président d

u tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au juge des référés, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de prescrire une expertise aux fins de démontrer que sa pathologie anxiodépressive est liée au service, qu'elle réunit les conditions d'octroi d'une allocation temporaire d'invalidité et d'évaluer les éventuels préjudices qu'elle subit en lien direct avec cette maladie.

Par une ordonnance n° 2304413 du 24 janvier 2024, le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2024, Mme B... A..., représentée par Me Bach, demande au juge des référés de la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2304413 du 24 janvier 2024 ;

2°) de faire droit à sa demande et de désigner un expert en vue notamment de déterminer l'ensemble des séquelles dont elle souffre en raison de ses difficultés professionnelles, de dire de quel type de pathologie elle est victime et si celle-ci appartient à la catégorie des maladies mentales visées à l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, de fixer la date de consolidation de ses pathologies, de dire s'il en résulte une incapacité permanente, de dire si sa situation atteint le taux de 25 % fixé par le barème de la sécurité sociale, de dégager des éléments propres à justifier une indemnisation au titre des douleurs, éventuellement des préjudices esthétique et d'agrément, de déterminer l'ensemble des postes de préjudices supplémentaires en résultant et de les chiffrer, d'indiquer si elle peut prétendre au bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité, de dire si ces pathologies présentent un caractère invalidant et de gravité confirmée, de dire si ces pathologies justifient l'octroi d'un congé pour invalidité imputable au service, de dire si les arrêts de travail du 29 octobre 2022 jusqu'à la reprise du service sont imputables au service et si elle était éligible à un congé de longue maladie ou à un congé longue durée , de dire si son état nécessite un poste aménagé.

Elle soutient que :

- l'expertise présente une utilité certaine :

- dans la mesure où le contexte particulier d'une affaire, évoqué dans l'ordonnance attaquée, n'est pas une notion juridique et le degré d'utilité suffisant, également retenu, n'est pas prévu par les textes ;

- dès lors que les expertises dont fait état l'ordonnance attaquée ne sont pas des expertises judiciaires mais seulement des entretiens qu'elle a eus avec des médecins agréés par l'administration ;

- dès lors qu'aucun jugement ne s'est prononcé sur le caractère professionnel de sa maladie et la circonstance que les juges du fond disposent d'un pouvoir d'instruction ne prive pas la demande d'expertise de son utilité ;

- et alors que la demande d'expertise présentée par son collègue a elle en revanche été accueillie ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2024, la commune de Saint-Antoine-sur-L'Isle, représentée par Me Meillon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- certains chefs de mission sont de nature à conduire l'expert à se prononcer sur des questions de droit, notamment à procéder à la qualification juridique des faits ou à tirer les conséquences juridiques de constatations de fait ; il en va ainsi du chef de mission conduisant à dire si les pathologies en cause justifient l'octroi d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service, de celui tendant à dire si les arrêts de travail du 29 octobre 2022 jusqu'à la reprise sont imputables au service et de dire si la requérante était éligible à un congé de longue maladie ou à un congé de longue durée sur cette même période ;

- en outre, il n'existe aucune circonstance particulière pour conférer à la mesure d'expertise sollicitée portant sur la question de l'imputabilité au service de la maladie déclarée le 29 octobre 2021 un caractère utile alors que le juge du fond, saisi d'un recours dirigé contre l'arrêté du 22 février 2023, a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle ; il en va de même s'agissant du placement en disponibilité d'office ;

- le juge du fond comme Mme A... dispose de nombreux éléments d'appréciation ;

- la mesure d'expertise est privée d'utilité, comme prématurée ou dépourvue d'objet en l'état, lorsque l'employeur public rejette l'imputabilité au service de la maladie déclarée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la fonction publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;

- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ".

2. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste, en l'état de l'instruction, de fait générateur, de préjudice ou de lien de causalité entre celui-ci et le fait générateur.

3. Mme B... A..., adjointe technique, employée par la commune de Saint-Antoine-sur-L'Isle, expose avoir été victime de la part de la maire de la commune et depuis 2010 d'un acharnement qui s'est poursuivi jusqu'au début de l'année 2017, d'où son affectation selon elle au service d'entretien. Elle expose avoir été victime d'un accident survenu le 27 avril 2017 alors qu'elle travaillait avec son collègue à l'entretien des espaces verts. Cet accident a été reconnu imputable au service. Par courrier du 21 octobre 2021, la maire de Saint-Antoine-sur-L'Isle l'a informée de la saisine du conseil de discipline compte tenu de la fausse déclaration de service qu'elle avait faite et Mme A... a fait l'objet de la part du procureur de la République d'un rappel à la loi conformément aux dispositions du 1° de l'article 41-1 du code de procédure pénale. Le 14 mars 2022, le conseil de discipline s'est prononcé en faveur d'une sanction d'exclusion de deux ans, sanction qui a été annulée par un jugement du 1er juin 2023 en raison d'un vice de procédure. Mme A..., qui indique avoir décompensé après avoir été informée de la saisine du conseil de discipline et avoir été placée en arrêt de travail, a demandé le 29 octobre 2021 la reconnaissance de sa pathologie anxio-dépressive comme maladie professionnelle, demande qui a été implicitement rejetée, et a ensuite sollicité une expertise. Par l'ordonnance du 24 janvier 2024 dont Mme A... relève appel, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

4. D'une part, les missions que la requérante entend confier à l'expert désigné par le tribunal et tendant à qualifier les séquelles dont elle est atteinte au regard de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, ou à déterminer si les pathologies en cause justifient l'octroi d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service, si les arrêts de travail du 29 octobre 2022 jusqu'à la reprise sont imputables au service et si la requérante était éligible à un congé de longue maladie ou à un congé de longue durée sur cette même période soulèvent des questions de droit qui ne sont pas au nombre de celles qui peuvent être confiées à un expert.

5. D'autre part, la demande indemnitaire que la requérante a présentée le 25 juillet 2019 tendant à la réparation des préjudices résultant selon elle de faits constitutifs de harcèlement a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 juin 2021 au motif que la commune de Saint-Antoine-sur-L'Isle n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ni sur le fondement de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, ni en s'abstenant de mettre en œuvre la protection fonctionnelle prévues par l'article 11 de cette même loi. Mme A..., qui indique elle-même que son arrêt de travail du 29 octobre 2021 coïncide avec la saisine du conseil de discipline, a ensuite fait l'objet d'une expertise médicale à la demande de la commune. Le praticien qui a examiné la requérante expose dans son rapport établi le 3 septembre 2022 que Mme A... a présenté un stress aigu lorsqu'elle a appris que la maire de la commune avait saisi le conseil de discipline en raison des déclarations mensongères qu'elle a produite pour obtenir une reconnaissance d'accident de service à la suite de l'entorse à la cheville dont elle a été victime en 2017 et conclut que la symptomatologie qu'elle présente n'est pas en lien direct et essentiel avec ses activités professionnelles et ne réalise pas une maladie professionnelle imputable au service. Le 1er février 2022, le conseil médical s'est prononcé de manière défavorable à la reconnaissance d'une maladie professionnelle et, par arrêté du 22 février 2023, la maire de Saint-Antoine-sur-L'Isle a rejeté la demande de Mme A... présentée à ce titre. Le même praticien a, le 23 avril 2023, réitéré ses observations et a conclu à l'inaptitude temporaire de Mme A... à l'exercice de ses fonctions justifiant l'attribution d'une disponibilité d'office à compter du 30 octobre 2022. Après avis du comité médical en date du 5 juillet 2023, la maire de Saint-Antoine-sur-L'Isle a, par un arrêté du 22 juillet 2023, placé Mme A... en position de disponibilité d'office à compter du 29 octobre 2022. Mme A... a contesté ces deux arrêtés des 22 février 2023 et 22 juillet 2023. En l'absence manifeste de lien entre le fait générateur et le préjudice dont se prévaut la requérante, la mesure d'expertise sollicitée ne présente pas un caractère utile. En outre, dès lors que Mme A... ne se prévaut d'aucune autre circonstance particulière conférant à la mesure qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner un caractère d'utilité différent de celui de la mesure que le juge du fond, saisi de sa demande, pourra décider, le cas échéant, dans l'exercice de ses pouvoirs de direction de l'instruction, il ne peut être fait droit à sa demande d'expertise présentée sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande la commune de Saint-Antoine-sur-L'Isle sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Antoine-sur-L'Isle présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la commune de Saint-Antoine-sur-L'Isle.

Fait à Bordeaux, le 31 juillet 2024.

La présidente de la 6ème chambre,

Juge des référés,

Ghislaine Markarian

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24BX0345


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24BX00345
Date de la décision : 31/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : BACH

Origine de la décision
Date de l'import : 01/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-31;24bx00345 ?
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