La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2024 | FRANCE | N°24BX00217

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 04 juin 2024, 24BX00217


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... et Mme F... B... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Biscarrosse à leur verser une provision de 400 704,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2022 en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme du 15 juillet 2021 et de la délibération du 6 mars 2017 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune.



Par une ordonnance n° 2301312 du 15 janvier 2024, la juge des référés du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme F... B... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Biscarrosse à leur verser une provision de 400 704,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2022 en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme du 15 juillet 2021 et de la délibération du 6 mars 2017 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune.

Par une ordonnance n° 2301312 du 15 janvier 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2024 et un mémoire enregistré le 7 mai 2024, M. D... et Mme B..., représentés par Me Jean-Meire, demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 15 janvier 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Pau ;

2°) de faire droit à leurs conclusions tendant à la condamnation de la commune de Biscarrosse à leur verser la provision de 400 704,40 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2022 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Biscarrosse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont acquis le 3 septembre 2021 la parcelle CY 664 ; alors qu'un certificat d'urbanisme du 15 juillet 2021 déclarait réalisable la construction d'une maison d'habitation, la cour a annulé, le 14 décembre 2021, le classement du secteur en zone UCg au motif qu'il méconnaissait l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; leur demande de permis de construire a en conséquence été rejetée, par décision du 13 septembre 2022 ;

- ils ont conditionné l'achat à un certificat d'urbanisme positif ; il ne peut leur être reproché aucune imprudence du fait qu'ils n'ont pas assorti l'acquisition d'une condition suspensive tenant à l'obtention d'un permis de construire dès lors qu'ils ne sont pas des professionnels de l'immobilier et qu'aucun élément sérieux ne permettait de douter de la constructibilité du terrain ; alors que la commune ne soulevait pas cet aspect, le premier juge a relevé que la délibération approuvant le plan local d'urbanisme avait déjà en partie été annulée par le tribunal administratif et qu'un appel avait été formé contre le jugement ; ils n'avaient pas connaissance de ces circonstances au moment de l'acquisition ; de plus, le jugement n'avait pas annulé le classement de leur parcelle ; même s'ils avaient eu connaissance de l'appel, ils n'auraient pas été pas en capacité de mesurer les éventuelles conséquences de cet appel ; la commune n'a jamais émis aucun doute sur la constructibilité de la parcelle ; au contraire, elle a délivré plusieurs permis de construire dans le lotissement concerné, autorisé le 21 juillet 2008, et ils ont pu constater que plusieurs chantiers étaient en cours ; leur acte d'acquisition mentionnent l'appartenance de la parcelle à des lotissements ; au moment du compromis de vente, ils avaient été informés qu'un certificat d'urbanisme opérationnel positif avait été délivré le 1er octobre 2019 ; aucun des professionnels intervenus dans l'opération d'achat n'a émis la moindre alerte sur un risque de remise en cause de la constructibilité du terrain ; l'acte ne comporte que les mentions stéréotypées relatives aux certificats d'urbanisme informatifs ; en tout état de cause, quand bien même ils auraient prévu une condition suspensive d'obtention d'un permis de construire, cela n'aurait rien changé à leur préjudice car leur permis de construire aurait été contraire à la loi Littoral ;

- toute illégalité est fautive ; en l'espèce, la délibération du 6 mars 2017 est illégale dès lors qu'elle méconnaît l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; en application de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et d'administration, la commune était tenue d'abroger cette délibération en tant qu'elle approuve des dispositions illégales ; le certificat d'urbanisme du 15 juillet 2021 était également illégal en tant qu'il déclare la parcelle constructible et reproduit son classement en zone UCg ; ce certificat est encore illégal pour ne comporter aucune réserve quant à l'éventuelle remise en cause de la constructibilité par l'application de la loi Littoral ;

- ces illégalités ne sont susceptibles d'aucune régularisation ; le terrain est situé dans un espace proche du rivage et le secteur ne présente pas les caractéristiques d'un secteur déjà urbanisé ;

- leur préjudice est en lien direct avec ces illégalités dès lors qu'ils ne se sont portés acquéreurs qu'en raison de la certitude qu'ils avaient que les règles d'urbanisme permettaient la réalisation de leur projet ;

- la valeur de leur terrain peut être estimée à 15 000 euros ; leur préjudice financier résultant de la perte de valeur vénale de la parcelle est donc de 325 000 euros ; ils ont effectivement payés les frais dûs au notaire pour un montant de 25 090 euros ; compte tenu de la valeur du terrain, la somme qu'ils auraient dû payer est de 2 800 euros ; leur perte sur ce point est en conséquence de 22 290 euros ; ils ont également subi une perte du fait des honoraires de négociation qu'ils ont versés de 13 600 euros ; s'ils avaient tenu compte de la véritable valeur du terrain, ils n'auraient pas eu recours à une agence immobilière ; subsidiairement, le préjudice ce de chef ne saurait être inférieur à 13 000 euros ; eu égard à leur situation professionnelle et familiale, la remise en cause de leur projet et l'impossibilité d'assumer financièrement le lancement d'un nouveau projet influe sur leur état de santé ; ils peuvent prétendre à ce titre à la réparation de leur préjudice moral à hauteur de 10 000 euros chacun, soit 20 000 euros au total ; ils ont également subi un préjudice du fait des frais d'architecte qu'ils ont engagés en vain, d'un montant de 19 814,40 euros.

Par des mémoires enregistrés le 29 avril 2024 et le 16 mai 2024, la commune de Biscarrosse, représentée par Me Dubois, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les requérants ne peuvent prétendre avoir eu la garantie de délivrance d'une autorisation d'urbanisme à réception du certificat d'urbanisme qui n'est qu'un simple avis ; pour offrir une garantie aux acquéreurs, l'acte de vente aurait dû comporter une condition suspensive d'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours ;

- à la date de signature du compromis et de l'acte authentique, la délibération portant approbation du plan local d'urbanisme avait déjà été partiellement annulée par le jugement du 2 septembre 2020 du tribunal administratif de Pau ; un appel a été présenté contre ce jugement plus de 6 mois avant la signature du compromis ;

- les requérants ont commis une imprudence en faisant fi des recommandations du notaire et en indiquant, lors de la signature du compromis, ne pas vouloir recourir à une condition suspensive d'obtention d'un permis de construire et avoir reçu tous renseignements utiles au sujet des conditions de constructibilité ;

- aucune des jurisprudences invoquées par les requérants n'est transposable à la présente affaire ;

- le certificat d'urbanisme n'est pas fautif dès lors qu'il indiquait les dispositions d'urbanisme applicables à la date de la demande et soulignait expressément l'application au terrain des dispositions de la loi Littoral ;

- les requérants ne produisent aucun élément permettant de considérer qu'un terrain inconstructible aurait une valeur environ vingt fois inférieure à son prix en tant que terrain constructible ; ils n'établissent pas que cette valeur serait réduite à 15 000 euros ; l'évaluation à laquelle la commune a fait procéder est de 72 916 euros ; la perte de valeur vénale serait donc de seulement 244 000 euros et non de 325 000 euros ; en l'absence d'éléments corroborant la valeur de 15 000 euros, il ne peut être considéré que les requérants ont subi un préjudice à raison de frais de notaire exposés en trop ; le recours à une agence immobilière pour la négociation de la transaction ne peut donner lieu à indemnisation dès lors qu'il n'est pas une obligation ; les troubles invoqués par M. D... au titre de son préjudice moral semblent être en lien avec des choix de vie personnelle et non avec la délivrance du certificat d'urbanisme erroné ; si Mme B... invoque un préjudice moral lié à l'acquisition d'un appartement à proximité de son lieu de travail, cette acquisition aurait été nécessaire quand bien même les intéressés auraient pu concrétiser leur projet à Biscarrosse ; l'impossibilité pour les intéressés de se lancer dans un nouveau projet immobilier résulte de leurs choix de vie personnelle et n'est pas en lien de causalité avec les faits de l'espèce ; le préjudice moral lié à l'impossibilité de réaliser leur projet est surévalué ; il ne saurait être supérieur à une somme comprise entre 1 000 et 3 000 euros ; les factures produites ne correspondent pas à la somme demandée au titre des frais d'architecte ;

- la créance est donc sérieusement contestable tant dans son principe que dans son montant.

Par une ordonnance du 17 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 mai 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme E... A... comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 septembre 2021, M. D... et Mme B... ont acquis pour le prix de 340 000 euros une parcelle de terrain, cadastrée section CY n° 664, d'une superficie de 1 291 m², située sur le territoire de la commune de Biscarrosse, après avoir obtenu, le 15 juillet précédent, un certificat d'urbanisme délivré sur le fondement de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, indiquant notamment que le terrain pouvait être utilisé pour la réalisation d'une maison individuelle d'environ 300 m² et qu'il était situé en secteur UCg au plan local d'urbanisme de la commune. La cour ayant prononcé, par arrêt du 14 décembre 2021, l'annulation des dispositions relatives au zonage UCg du plan local d'urbanisme de la commune, la demande de permis de construire de M. D... a été rejetée par arrêté du maire de la commune du 13 septembre 2022. M. D... et Mme B..., estimant avoir subi un préjudice du fait de l'illégalité du plan local d'urbanisme de la commune et du certificat d'urbanisme qui leur a été délivré, ont présenté à la commune de Biscarrosse, par courrier du 2 novembre 2022 reçu le 4 novembre suivant, une demande indemnitaire qui n'a pas donné lieu à réponse explicite de la collectivité. Ils font appel de l'ordonnance du 15 janvier 2024 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté leur recours tendant à la condamnation de la commune de Biscarrosse à leur verser une provision de 400 704,40 euros assortie des intérêts au taux légal à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation est non sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.

Sur le principe de la responsabilité de la commune :

3. L'illégalité d'une décision administrative est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration à l'égard de son destinataire s'il en est résulté pour lui un préjudice direct et certain.

4. En vertu d'un principe général, il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal. Ce principe trouve à s'appliquer, en l'absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l'annulation ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d'un document d'urbanisme, ou certaines d'entre elles si elles en sont divisibles, sont entachées d'illégalité, sauf si cette illégalité résulte de vices de forme ou de procédure qui ne peuvent plus être invoqués par voie d'exception en vertu de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme. Ces dispositions doivent ainsi être écartées, sous le contrôle du juge, par l'autorité chargée de délivrer des certificats d'urbanisme ou des autorisations d'utilisation ou d'occupation des sols, qui doit alors se fonder, pour statuer sur les demandes dont elle est saisie, sur les dispositions pertinentes du document immédiatement antérieur ou, dans le cas où celles-ci seraient elles-mêmes affectées d'une illégalité dont la nature ferait obstacle à ce qu'il en soit fait application, sur le document encore antérieur ou, à défaut, sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du code de l'urbanisme.

5. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages. Doivent être regardées comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions, l'ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner si le projet qui lui est soumis élargit le périmètre urbanisé ou conduit à une densification sensible des constructions.

6. Pour soutenir que le classement en zone UCg par le plan local d'urbanisme approuvé le 6 mars 2017, de la parcelle qu'ils ont acquise, et, par suite, la mention de ce classement dans le certificat d'urbanisme du 15 juillet 2021 sont illégaux et donc fautifs, M. D... et Mme B... se prévalent de l'arrêt n° 20BX03693 de la cour du 14 décembre 2021 prononçant l'annulation des dispositions du plan local d'urbanisme relatives au secteur UCg. Par cet arrêt, la cour a jugé qu'il ressort du rapport de présentation que la zone UCg concerne les lotissements qui entourent le golf de Biscarrosse sur la rive ouest de l'étang de Cazaux et de Sanguinet, qu'elle est très largement occupée par des résidences secondaires et qu'elle n'est pas encore totalement bâtie. La cour a également relevé que le règlement de cette zone autorise notamment l'implantation d'habitations et de lotissements en îlots et que ces lotissements, séparés des agglomérations de Biscarrosse-bourg et de Biscarrosse-plage par de vastes espaces boisés et naturels dépourvus de toute construction, ne constituent pas une extension de l'urbanisation en continuité avec une agglomération ou un village existant. La cour a aussi estimé que compte tenu de la surface de 60 hectares de ce secteur et du nombre important de constructions prévues, ils ne constituent pas davantage une extension de l'urbanisation sous la forme d'un hameau nouveau intégré à l'environnement au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. La cour a ainsi jugé que le classement de ce secteur en zone UCg méconnaît ces dispositions.

7. Le Conseil d'Etat, par décision n° 461418 du 7 novembre 2022, a annulé l'arrêt de la cour du 15 juillet 2021 en tant qu'il prononce l'annulation des dispositions du plan local d'urbanisme relatives à la création de la zone UCg, pour avoir irrégulièrement statué par la voie de l'évocation, sans renvoyer l'affaire à la cour, en l'absence de moyen d'appel dirigé contre la création de cette zone. Toutefois, la commune ne conteste pas que la création de cette zone est illégale car contraire aux dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, comme cela a d'ailleurs été indiqué dans l'arrêté municipal du 13 septembre 2022 portant refus de permis de construire. Il n'est pas davantage contesté qu'ainsi que l'indique également cet arrêté, les dispositions antérieurement applicables du plan d'occupation des sols étaient également contraires à la loi Littoral et il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que des dispositions précédemment applicables auraient pu permettre l'autorisation du projet envisagé par les requérants. Ainsi que l'indique également l'arrêté du 13 septembre 2022 portant refus de permis de construire, la parcelle est située dans un espace proche du rivage où seule une extension limitée de l'urbanisation peut être admise et il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas soutenu par la commune que, compte tenu des caractéristiques du secteur, la réalisation du projet des requérants pourrait ne pas conduire à étendre le périmètre urbanisé.

8. De plus, alors même que le certificat d'urbanisme du 15 juillet 2021 mentionnait que " la commune est soumise à l'application des dispositions particulières au littoral ", le fait que ce certificat, dont l'objet était de fournir une assurance sur la constructibilité du terrain, indiquait que le terrain en cause pouvait être utilisé pour la réalisation de la construction envisagée par M. D... et Mme B..., méconnaissant ainsi les dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Biscarrosse.

9. Il résulte de ce qui précède qu'en approuvant la création dans le plan local d'urbanisme de la zone UCg, en faisant état de ce classement dans le certificat d'urbanisme du 15 juillet 2021 et en déclarant réalisable, dans ce certificat d'urbanisme, l'opération envisagée par M. D... et Mme B..., la commune de Biscarrosse a commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu que M. D... et Mme B... pourraient prétendre à une régularisation de leur projet au regard des règles d'urbanisme applicables, le terrain concerné ne présentant notamment pas les caractéristiques d'un secteur déjà urbanisé au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dans ses dispositions issues de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, le préjudice qu'ils subissent du fait de l'acquisition, le 3 septembre 2021, d'une parcelle sur laquelle leur projet de construction ne peut se réaliser doit être regardé comme étant la conséquence directe et certaine de cette illégalité fautive.

Sur la faute de la victime :

10. Le compromis de vente signé par les requérants stipulait que la vente était conditionnée à l'obtention d'un certificat d'urbanisme pré-opérationnel positif pour la construction d'une maison d'habitation et mentionnait que les intéressés avaient été informés que l'obtention d'un tel certificat ne valait pas permis de construire, qu'ils ne souhaitaient pas soumettre la vente à la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire et qu'ils déclaraient passer outre les recommandations données en ce sens. Cependant, M. D... et Mme B... qui ne sont pas pas des professionnels de l'immobilier et qui n'ont pas eu connaissance des actions engagées contre le plan local d'urbanisme de la commune, n'ont pas commis d'imprudence fautive en se portant acquéreurs de la parcelle sans assortir le contrat d'une condition suspensive d'obtention d'un permis de construire et ont pu légitimement se fier aux assurances contenues dans le certificat d'urbanisme.

Sur les préjudices :

12. S'agissant, en premier lieu, de la perte de valeur vénale du terrain, il résulte de l'acte notarié du 3 septembre 2021 que M. D... et Mme B... ont acquis la parcelle cadastrée section CY n° 664 pour la somme de 340 000 euros. Les requérants produisent une estimation, émanant de l'agent par l'intermédiaire duquel ils ont acquis le bien, faisant état d'une valeur comprise entre 14 000 et 16 000 euros en tant que terrain non constructible. Ils se prévalent également de la vente, dans le même secteur, en 2018, d'un terrain d'un peu plus de 1 000 m² pour 15 000 euros. La commune fait, quant à elle, état d'une estimation par un expert de 72 916 euros. En l'état de l'instruction et eu égard à ces deux expertises dont se prévalent les parties, il y a lieu de considérer qu'une valeur de 40 000 euros n'apparaît pas sérieusement contestable. Ainsi, la perte de valeur vénale qu'ils ont subie n'apparaît pas sérieusement contestable à hauteur de 300 000 euros.

13. S'agissant, en deuxième lieu, des frais engagés pour l'acquisition du terrain, les requérants font état de frais de 25 000 euros versés au notaire, somme corroborée par la production du relevé de compte émanant du notaire qui a pris en charge l'opération. Dès lors, il y a lieu, au prorata de la valeur du terrain, de faire droit à leur demande de provision sur ce point à hauteur de 20 400 euros. Il y a lieu, également, de faire droit à leur demande de provision s'agissant des honoraires de négociation qu'ils ont exposés en vain, alors même que le recours à un mandataire n'est pas obligatoire pour conclure une transaction immobilière. Les frais qu'ils ont payés s'élevant à 13 600 euros, il y a lieu, au prorata de la valeur du terrain, de mettre à la charge de la commune une provision de 12 000 euros de ce chef.

14. S'agissant, en troisième lieu, des honoraires d'architecte qu'ils ont exposés pour concevoir leur projet et présenter leur demande de permis de construire, le 14 juin 2022, ils justifient du paiement de la somme de 19 814,40 euros par la production de factures et la production d'un courrier du cabinet d'architecture indiquant que les missions exécutées ont été soldées. Il y a lieu, par suite, de faire droit à leur demande de provision sur ce point.

15. S'agissant, enfin, du préjudice moral subi par M. D... et Mme B..., du fait de l'arrêt du projet immobilier dans lequel ils s'étaient investis et de l'impossibilité dans laquelle ils se trouvent de concevoir un nouveau projet du fait de l'endettement lié à l'achat du terrain à Biscarrosse, il y a lieu de considérer, en l'état de l'instruction que leur créance à ce titre n'est pas sérieusement contestable à hauteur de 3 000 euros chacun.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés a rejeté leur demande et que leur créance doit être regardée comme non sérieusement contestable à hauteur de 358 214,40 euros au principal. Il y a lieu, dès lors, de condamner la commune à leur verser cette somme à titre de provision.

Sur les intérêts :

17. M. D... et Mme B... ont droit aux intérêts au taux légal de la somme de 358 214,40 à compter du 4 novembre 2022, date de la réception par la commune de Biscarrosse de leur demande indemnitaire préalable.

Sur les frais d'instance :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Biscarrosse le versement à M. D... et Mme B... de la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La commune de Biscarrosse est condamnée à verser à M. D... et Mme B... une provision de 358 214,40 euros avec intérêt au taux légal à compter du 4 novembre 2022.

Article 2 : La commune de Biscarrosse versera à M. D... et Mme B... la somme de 1 500 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... D... et Mme F... B... et à la commune de Biscarrosse.

Fait à Bordeaux, le 4 juin 2024

La juge des référés,

E... A...

La République mande et ordonne au préfet des Landes, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

No 24BX00217


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Numéro d'arrêt : 24BX00217
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;24bx00217 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award