La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2024 | FRANCE | N°24BX00566

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre (juge unique), 27 mai 2024, 24BX00566


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



La société BioBéarn, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2023 par lequel le maire de la commune de Géus-d'Arzacq a rejeté sa demande de permis de construire en vue de l'édification de deux silos en béton.



Par un jugement n° 2300757 du 26 décembre 2023, le tribunal administratif de Pau a prononcé l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2023 et a enjoint au maire de Géus-d'Arzacq de d

élivrer à la société BioBéarn le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois à compter d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BioBéarn, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2023 par lequel le maire de la commune de Géus-d'Arzacq a rejeté sa demande de permis de construire en vue de l'édification de deux silos en béton.

Par un jugement n° 2300757 du 26 décembre 2023, le tribunal administratif de Pau a prononcé l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2023 et a enjoint au maire de Géus-d'Arzacq de délivrer à la société BioBéarn le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête enregistrée le 6 mars 2024 et un mémoire enregistré le 13 mai 2024, la commune de Géus-d'Arzacq, représentée par Me Dunyach, demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Pau du 26 décembre 2023 ;

2°) de mettre à la charge de la société BioBéarn une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions sont fondées à titre principal sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, sur l'article R. 811-17 du même code ;

- le jugement est irrégulier ; les premiers juges ont statué ultra petita en se prononçant sur deux motifs de refus invoqués dans le cadre d'une substitution de motif uniquement à titre subsidiaire, pour le cas où le projet devrait être qualifié d'équipement d'intérêt collectif, ce qui n'a pas été le cas ; ils ont également requalifié le motif de refus qu'elle avait invoqué ; elle invoquait l'absence d'une étude d'impact actualisée et le tribunal a répondu sur le motif tiré de l'absence d'une nouvelle étude d'impact ;

- les silos de stockage de digestats en projet ne peuvent pas être considérés comme nécessaires à l'activité agricole et sont donc interdits en zone inconstructible de la carte communale ; en effet, l'unité de méthanisation dont les digestats doivent être stockés est un projet industriel porté par le groupe Total, auquel appartient la société BioBéarn et les deux silos de 5 000 m3 sont des constructions liées à une activité industrielle comme l'a indiqué la CDPENAF dans un courrier du 1er décembre 2022 ; contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, le maire pouvait se référer aux définitions de l'activité agricole prévue aux articles L. 311-1 et D. 311-18 du code rural et de la pêche maritime, ainsi qu'en a jugé récemment le Conseil d'Etat ; au vu de ces dispositions, il est impossible de considérer que les silos en cause sont nécessaires à l'activité agricole, l'unité de méthanisation n'étant pas portée par des exploitants agricoles ; même en ne se référant pas à ces textes, le simple fait que le digestat résultant du processus de méthanisation soit valorisé comme engrais par épandage sur des terres agricoles ne peut suffire pour qualifier les silos de constructions nécessaires à l'activité agricole alors qu'il s'agit de stocker un produit issu d'une activité industrielle destiné à être commercialisé auprès d'exploitants agricoles ; le digestat n'est pas le prolongement de l'acte de production d'un exploitant agricole ; on ne peut admettre qu'un industriel stocke en zone inconstructible du digestat issu d'un processus industriel en vue de le commercialiser au seul prétexte que ce produit est utile aux exploitations ; la circonstance, retenue par le tribunal, que la société a obtenu une autorisation environnementale pour son projet et que le site de Géus-d'Arzacq figure sur la liste des sites annexée à l'autorisation est sans incidence sur la qualification des silos au regard de leur caractère nécessaire à l'activité agricole ; les silos n'entrent donc pas dans les catégories de constructions qui peuvent être admises en application de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire pouvait de plus être légalement refusé pour le motif tiré de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme ; le tribunal ne pouvait pas considérer que l'installation pouvait fonctionner en l'absence de tout raccordement au réseau public d'électricité ; la société a en effet admis que l'installation ne pouvait fonctionner sans recours à une prise de force ou à des groupes électrogènes ; la société n'a pas indiqué dans son dossier de demande que l'activité, et notamment l'agitation se ferait sans qu'il soit nécessaire d'être raccordé au réseau électrique ; Enedis a considéré que le raccordement était nécessaire et qu'une extension du réseau de 870 m devrait intervenir sous maîtrise d'ouvrage de la commune ; or, la commune n'envisage pas une extension du réseau dans ce secteur inconstructible ;

- le refus de permis est également justifié dès lors que le projet est incompatible avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière ; en effet, l'emprise du projet est de 8 740 m² soit près de 52,5 % de la surface de l'unité foncière et les silos sont destinés à s'implanter au milieu du terrain ; un massif boisé est situé au sud de la parcelle ; la réalisation du projet, qui implique une aire de manœuvre pour les véhicules et des clôtures, empêcherait d'exercer sur les parties non occupées du terrain une activité agricole, pastorale ou forestière significative ; le tribunal ne pouvait justifier la compatibilité du projet avec le maintien d'une telle activité en se fondant sur le fait qu'une importante superficie agricole bénéficiera du digestat stocké ;

- les motifs de refus relatifs à l'étude d'impact et à la participation du public n'ont été invoqués par elle que pour le cas où le projet serait considéré comme présentant un lien fonctionnel avec l'unité de méthanisation ou comme ayant le caractère d'un équipement d'intérêt collectif ; le tribunal a, à juste titre, écarté l'argumentation de la société sur ces points et ces motifs n'avaient donc pas à être examinés ;

- la société a critiqué la motivation de l'arrêté contesté mais a en réalité entendu invoquer l'absence de bien-fondé de cette motivation ; aucun moyen de légalité externe n'a donc été invoqué dans le délai de recours contentieux ; en tout état de cause, l'arrêté est suffisamment motivé ;

- les silos, qui ne contribuent pas à la satisfaction d'un besoin collectif, ne peuvent être qualifiés d'équipement d'intérêt collectif, contrairement à l'unité de méthanisation qui contribue à la production d'électricité ; il n'existe pas davantage de liens fonctionnels entre les silos et l'unité de méthanisation de Mourenx ; les silos ne sont pas mentionnés dans le résumé non technique ni dans le dossier technique de l'étude d'impact, ils sont situés à plusieurs dizaines de kilomètres de l'unité et l'unité fonctionne depuis le 12 janvier 2023 sans que les silos hors site n'aient été autorisés ; l'article 9 de l'arrêté du 9 novembre 2009, qui est relatif à une législation distincte de l'urbanisme, n'implique pas un tel lien fonctionnel ; si un tel lien était admis, la société aurait dû joindre à son dossier de demande de permis de construire l'étude d'impact, le cas échéant actualisée, relative à l'unité de méthanisation, en application de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme dans sa version applicable et une procédure de participation du public aurait dû être organisée ;

- subsidiairement, les conditions de l'article L. 811-17 du code de justice administrative sont remplies ; la réalisation des constructions entraînerait des conséquences difficilement réparables ; l'exécution du jugement conduirait par ailleurs la commune à prendre une décision illégale en délivrant le permis de construire sollicité.

Par des mémoires enregistrés le 12 avril 2024 et le 17 mai 2024, la société BioBéarn, représentée par Me Babin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'appelante le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal n'a pas statué ultra petita ; il s'est uniquement prononcé sur les moyens soulevés par les parties ; les premiers juges n'ont en effet pas exclu un lien fonctionnel entre l'unité de méthanisation et les installations de stockage du digestat ; la référence, dans le jugement, à une " nouvelle étude d'impact " est sans incidence sur la régularité de ce jugement ;

- le tribunal a retenu, à bon droit, que les installations de stockage du digestat étaient nécessaires à l'activité agricole au sens de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme et qu'elles n'étaient pas incompatibles avec le maintien d'une activité agricole sur le terrain, dont elle est le prolongement ; la construction d'ouvrages de stockage de digestat est nécessaire à l'exploitation de l'unité de méthanisation de Mourenx ; l'exploitant est tenu de disposer des capacités de stockage de digestat suffisantes pour pallier les périodes durant lesquelles l'épandage est interdit, conformément à l'article 9 de l'arrêté du 10 novembre 2009 ; la circonstance que le permis de construire pour les ouvrages de stockage de digestat ait été sollicité postérieurement à la construction de l'unité de méthanisation est sans incidence sur le présent litige ; elle ne disposait pas de la possibilité de construire toutes les installations de stockage nécessaires sur le site de l'unité de méthanisation ; la construction de ces ouvrages en zones agricoles se justifie également par la mise en place de rotation lisier/digestat en partenariat avec les exploitants agricoles dont les parcelles sont comprises dans le plan d'épandage ; compte tenu de la nature de ces ouvrages de stockage, ceux-ci ne peuvent, en toute hypothèse, pas être construits à proximité des zones d'habitation ; le digestat qui sera stocké dans les ouvrages litigieux est issu du processus de méthanisation de matières organiques très majoritairement d'origine agricole ; la mise en place du dispositif " échangeur lisier/digestat " avec les exploitations agricoles associées à l'unité de méthanisation, qui permet à ces exploitants agricoles de recevoir du digestat en échange de l'apport de lisier destiné à être intégré au processus de méthanisation renforce le lien manifeste entre l'ouvrage de stockage de digestat et l'activité agricole ; les installations ne sont pas des points de distribution à caractère industriel ; le droit ne distingue pas entre les unités de méthanisation portées par les exploitants agricoles pour valoriser leurs propres déchets et les unités de méthanisation portées par des sociétés qui n'auraient pas la qualité d'exploitants agricoles ;

- c'est également à bon droit que les premiers juges ont considéré que la commune de Géus-d'Arzacq ne peut fonder son refus de permis de construire sur les articles L. 311-1 et D. 311-18 du code rural et de la pêche maritime qui relèvent d'une autre législation que la législation en matière d'urbanisme ; si la jurisprudence admet une référence à ces règles, c'est pour éclairer le lexique d'un plan local d'urbanisme ; or, la commune est couverte par une carte communale ;

- la question du raccordement au réseau public d'électricité ne peut justifier le refus, comme l'a considéré le tribunal ; aucun raccordement n'est nécessaire au fonctionnement des installations ; l'agitation du digestat peut être assurée au moyen d'une prise de force ou de groupes électrogènes ; au surplus, le délai de réalisation des travaux nécessaires à une extension et un renforcement du réseau était défini, l'avis du Territoire d'énergie des Pyrénées-Atlantiques du 8 novembre 2022 faisant état de délais de six et douze mois ;

- l'attente alléguée au caractère agricole de la zone ne peut davantage justifier un refus ; les premiers juges n'ont commis aucune erreur de droit en prenant en considération l'étendue des surfaces agricoles avoisinantes qui doivent bénéficier du digestat et qui nécessitent, par conséquent, un stockage du digestat à proximité ;

- les motifs de refus tirés de l'absence d'étude d'impact actualisée et de l'absence de participation du public sont également illégaux ;

- la décision de refus est insuffisamment motivée ;

- la commune a refusé à tort de qualifier les installations projetées d'équipement d'intérêt collectif au sens de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme ; elles sont nécessaires voire indispensables à l'exploitation de l'unité de méthanisation de Mourenx dès lors que les dispositions de l'article 9 de l'arrêté du 10 novembre 2009 précité lui imposent d'être en mesure de stocker le digestat produit par l'unité de méthanisation, durant la période d'interdiction de l'épandage ; elles conduisent à utiliser moins de fertilisants chimiques ; à supposer qu'elles ne constituent pas, par elles-mêmes, des équipements d'intérêt collectif, elles sont fonctionnellement liées à l'unité de méthanisation, qui constitue un tel équipement ;

- la demande de sursis sur le fondement de l'article L. 811-15 du code de justice administratif n'est donc pas fondée ;

- la demande présentée en application de l'article L. 811-17 du même code n'est pas davantage fondée ; il n'est pas démontré que la délivrance du permis entraînerait des conséquences difficilement réparables ; le défaut d'exécution du jugement entraîne pour elle des conséquences importantes, l'empêchant d'augmenter sa capacité de traitement des intrants agricoles ; son préjudice économique est conséquent ; cette situation est d'autant plus préjudiciable que la méthanisation est actuellement le procédé le plus efficace pour lutter contre la propagation de la grippe aviaire.

Un mémoire en production de pièces a été enregistré le 21 mai 2024, présenté pour la société Bio Béarn postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu :

- la requête au fond enregistrée sous le n° 24BX00404 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat ;

- les observations de :

* Me Abadie de Maupeou, représentant la commune de Géus-d'Arzacq, qui rappelle les principaux éléments développés dans ses écritures ; elle souligne l'absence d'éléments permettant de considérer que l'unité de méthanisation de la société BioBéarn serait une opération menée conjointement avec les agriculteurs et que le digestat ne serait pas vendu aux exploitants agricoles ; elle souligne également qu'il appartenait à la société de dimensionner correctement ses besoins en stockage et que la société ne peut ainsi pas de se prévaloir d'une urgence à réaliser les silos qu'elle aurait dû prévoir dans son projet ; elle indique que la société ne peut pas davantage se prévaloir d'une urgence au regard de préoccupations environnementales, dès lors que les intrants de son installation ne sont pas composés uniquement de déchets agricoles mais également de déchets agro-alimentaires ; sur une interrogation de la juge, elle précise que la commune était au nombre de celles sur le territoire desquelles s'est déroulée l'enquête publique liée à l'unité de méthanisation ;

* Me Thomas, représentant la société BioBéarn, qui rappelle également les principaux éléments de ses écritures ; elle précise que si l'unité de méthanisation de Mourenx est la plus grande unité de France, elle n'a pas pour autant un caractère industriel dès lors qu'elle a été réalisée conjointement avec des exploitants agricoles qui n'ont pas les moyens financiers de réaliser leur propre unité ; elle souligne que le digestat n'est pas vendu aux exploitants pour l'épandage mais que des conventions sont conclues avec eux, prévoyant un échange entre la valorisation de leurs déchets et la fourniture de digestat ; elle souligne également l'intérêt environnemental qui s'attache à ce que les silos soient réalisés, pour valoriser les déchets qui ne le sont actuellement pas, étant précisé que la construction nécessite environ 10 mois de chantier ; elle précise que les déchets agricoles représentent 98 % des intrants de l'unité et la capacité de stockage nécessaire au fonctionnement de l'unité est de 64 000 m3, que 10 000 m3 sont construits et que, compte tenu des autres sites disponibles, notamment ceux pris en location, il reste 30 000 m3 à réaliser ;

* M. B... D..., maire de Géus-d'Arzacq, qui regrette que la commune ait été tardivement informée du projet d'implantation de silos sur son territoire ; il exprime le sentiment de certains habitants de la commune de n'être pas écoutés et indique que tous les agriculteurs de la commune ne sont pas favorables à l'implantation de sites de stockage et à l'utilisation du digestat issu de cette unité de méthanisation ; il souligne le trafic routier qu'entraine le fonctionnement de l'unité et de ses sites de stockage extérieurs ;

* M. A... C..., juriste de la société BioBéarn, qui insiste sur l'absence de vente du digestat aux exploitants agricoles, sur le fait que la société finance un prestataire qui se charge d'organiser les épandages et sur le coût du digestat, bien moindre que celui d'engrais chimiques ; sur une interrogation de la juge, il indique que l'utilisation du digestat pour l'épandage est toutefois à la charge des agriculteurs.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

2. Le 27 octobre 2020, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a délivré à la société BioBéarn une autorisation environnementale en vue de l'exploitation d'une unité de méthanisation à Mourenx puis, le 12 mars 2020, lui a délivré un permis de construire pour la construction de cette unité. Le 17 octobre 2022, la société a demandé par ailleurs la délivrance de permis de construire pour la réalisation, dans d'autres communes, de silos de stockage du digestat issu de cette unité de méthanisation, et notamment pour la construction de deux silos, d'un volume de 5 000 m3 chacun, sur le territoire de la commune de Géus-d'Arzacq, à une vingtaine de kilomètres de Mourenx. Par arrêté du 25 janvier 2023, le maire de la commune de Géus-d'Arzacq a refusé de délivrer le permis de construire demandé motifs pris, d'une part, de ce que le terrain d'assiette du projet était situé en zone inconstructible de la carte communale, sans que le projet ne soit au nombre des constructions et installations pouvant être admises en zone inconstructible, en application de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme et, d'autre part, de ce que la commune n'était pas en mesure d'indiquer dans quel délai pourraient être exécutés les travaux à réaliser sur les réseaux publics pour assurer le raccordement de la construction, ce qui justifie le refus en application de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme. Saisi par la société BioBéarn, le tribunal administratif de Pau a, par jugement du 26 décembre 2023, annulé l'arrêté du 25 janvier 2023 du maire de Géus-d'Arzacq et enjoint à cette autorité de délivrer à la société le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. La commune de Géus-d'Arzacq, qui par ailleurs a fait appel de ce jugement, demande dans la présente instance qu'il soit sursis à son exécution.

3. Pour prononcer l'annulation du refus de permis de construire contesté, le tribunal a retenu, d'une part, que les silos projetés avaient le caractère de constructions nécessaires à l'exploitation agricole et pouvaient donc être autorisés en zone inconstructible de la carte communale, en application de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme, et, d'autre part, que les installations en projet ne nécessitaient pas de raccordement au réseau de distribution publique d'électricité et qu'en conséquence, le refus opposé ne pouvait pas se fonder légalement sur l'application de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme. Enfin, le tribunal, après avoir ainsi estimé illégaux les deux motifs de refus exposés dans l'arrêté contesté, a jugé que les silos n'étaient pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole sur le terrain d'assiette et ne méconnaissaient donc pas les dispositions précitées de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme et que le projet n'avait pas à faire l'objet d'une nouvelle étude d'impact et d'une procédure de participation du public, écartant ainsi les motifs invoqués par la commune au titre de la substitution de motifs.

4. A l'appui de ses conclusions en sursis à exécution, la commune de Géus-d'Arzacq soutient que les silos de stockage de digestats en projet ne peuvent pas être considérés comme nécessaires à l'activité agricole, l'unité de méthanisation dont les digestats doivent être stockés étant un projet industriel porté non par des exploitants agricoles mais par le groupe Total et les deux silos de 5 000 m3 étant des constructions liées à une activité industrielle, que le simple fait que le digestat résultant du processus de méthanisation soit valorisé comme engrais par épandage sur des terres agricoles ne peut suffire pour qualifier les silos de constructions nécessaires à l'activité agricole alors qu'il s'agit de stocker un produit issu d'une activité industrielle destiné à être commercialisé auprès d'exploitants agricoles, que le digestat n'est pas le prolongement de l'acte de production d'un exploitant agricole, que la circonstance que la société a obtenu une autorisation environnementale pour son projet et que le site de Géus-d'Arzacq figure sur la liste des sites annexée à l'autorisation est sans incidence sur la qualification des silos au regard de leur caractère nécessaire à l'activité agricole qu'à supposer que les silos contribuent à la satisfaction d'un besoin collectif et puissent être qualifiés d'équipement d'intérêt collectif ou qu'il existe des liens fonctionnels entre les silos et l'unité de méthanisation de Mourenx, leur implantation est incompatible avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain, que les silos n'entrent donc pas dans les catégories de constructions qui peuvent être admises en zone inconstructible de la carte communale en application de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme et que l'arrêté contesté est suffisamment motivé. Dès lors qu'il résulte de l'instruction que le maire de Géus-d'Arzacq aurait pris la même décision en se fondant seulement sur le motif tiré de ce que le projet ne pouvait être légalement autorisé en zone inconstructible de la carte communale, ces moyens paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier le rejet des conclusions en annulation auxquelles le tribunal a fait droit.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les conclusions subsidiaires présentées par la commune sur le fondement de l'article L. 811-17 du code de justice administrative, que la commune de Géus-d'Arzacq est fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Pau du 26 décembre 2023.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société BioBéarn le versement à la commune de Géus-d'Arzacq d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune requérante, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à la société intimée au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel de la commune de Géus-d'Arzacq contre le jugement du tribunal administratif de Pau du 26 décembre 2023, il est sursis à l'exécution de ce jugement.

Article 2 : La société BioBéarn versera à la commune de Géus-d'Arzacq la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société BioBéarn tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Géus-d'Arzacq et à la société BioBéarn.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024 à laquelle siégeait Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2024.

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX00566


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 24BX00566
Date de la décision : 27/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-27;24bx00566 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award