Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 septembre 2022 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n°2206291 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2023, Mme E... A... épouse C..., représentée par Me Dje, demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 mars 2023 ;
3°) de faire droit à sa demande de première instance ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité, ou de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de séjour n'a pas fait l'objet d'une réponse suffisamment motivée de la part des premiers juges, dont le jugement est irrégulier ;
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni à celui tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet de la Gironde n'a pas procédé à un examen de sa demande au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;
- le préfet de la Gironde a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation dans l'application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée du fait de l'illégalité, par la voie de l'exception, de la décision de refus de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée du fait de l'illégalité, par la voie de l'exception, de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2023 par une ordonnance du 4 septembre 2023.
Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à Mme A... épouse C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapporteur public a été dispensé, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Au cours de l'audience publique, a été entendu le rapport de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... A... épouse C..., ressortissante ivoirienne née le 25 novembre 1990, est entrée en France, selon ses déclarations, en juillet 2016. Elle s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en exécution d'un arrêt du 15 septembre 2020 par lequel la Cour a annulé pour excès de pouvoir le refus de séjour qui lui avait été opposé par le préfet de la Gironde, au motif d'une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard à sa vie commune avec un ressortissant français et au pacte civil de solidarité qu'elle avait conclu avec ce dernier le 26 juillet 2018. Mme A..., qui a épousé le 13 mai 2022 un compatriote, M. F... C..., a sollicité le renouvellement de ce titre expirant le 3 novembre 2021. Par un arrêté du 8 septembre 2022, le préfet de la Gironde lui a opposé un refus, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... épouse C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 mars 2023 rejetant sa demande.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 20 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à Mme A... épouse C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions de celle-ci tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont dépourvues d'objet.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, les premiers juges ont considéré, par une motivation suffisante, que la préfète de la Gironde avait mentionné dans l'arrêté en litige les éléments principaux de la situation personnelle et familiale de la requérante, en réponse au moyen invoqué et tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en cause.
4. En deuxième lieu, si Mme C... a invoqué devant le tribunal le défaut d'examen de sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris désormais à L. 435-1 de ce code, et la méconnaissance de ces dispositions, les premiers juges ont écarté ces moyens au motif que la requérante n'établissait pas avoir fait valoir des circonstances exceptionnelles ou humanitaires à l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour. Ils ont également écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressée et précisé que l'existence de risques dans le pays d'origine était sans incidence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal n'aurait pas répondu à son argumentation doit être écarté.
5. En troisième lieu, en invoquant l'erreur de fait et l'erreur d'appréciation commises par les premiers juges sur les risques encourus en cas de retour dans le pays d'origine, Mme C... ne critique pas la régularité du jugement mais son bien-fondé.
6. Il résulte de ce qui précède aux points 3 à 5 que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement du 9 mars 2023 doivent être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de séjour :
7. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211 5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'arrêté contesté, après avoir exposé que Mme C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cite ces dispositions, et mentionne notamment que le pacte civil de solidarité (Pacs) conclu avec M. D... a été dissous depuis le 28 mai 2021, que la requérante a déclaré un début de grossesse présumée le 26 novembre 2020, vingt-deux jours après le début de validité son titre de séjour, et que son enfant a été reconnu par M. C..., ressortissant ivoirien séjournant en France sous couvert d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 10 novembre 2022, qu'elle ne justifie pas d'une durée de séjour significative en France, étant en situation régulière depuis moins de deux ans, qu'elle ne justifie pas être isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où réside une partie de sa fratrie et son fils mineur âgé de 14 ans, que sa mère et l'une de ses sœurs résident à l'étranger, qu'elle ne justifie pas d'une situation professionnelle et est démunie de ressources personnelles et que son époux n'a pas vocation à s'installer durablement sur le territoire. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette motivation n'est pas stéréotypée et reprend, ainsi que l'ont constaté les premiers juges, les éléments principaux de sa situation personnelle et familiale. L'autorité préfectorale n'était pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments invoqués par Mme C... dans sa demande, relatifs à son état de grossesse, sa recherche d'emploi ou encore le décès de son père. Si elle conteste certaines des appréciations portées par le Préfet sur sa situation, cette critique est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité en la forme de la motivation de la décision attaquée. Par suite, le moyen doit être écarté.
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du formulaire de demande de titre de séjour produit en défense, que Mme C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Elle n'établit pas avoir sollicité, au soutien de sa demande, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni même s'être prévalue de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels. Ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde n'a pas examiné l'opportunité de lui attribuerun titre de séjour sur le fondement de ces dispositions doit être écarté.
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Mme C... soutient qu'elle réside en France depuis plus de cinq ans, qu'elle justifie d'une activité salariée entre le 4 janvier et le 3 juillet 2021 puis entre décembre 2021 et février 2022, qu'elle est mariée à un ressortissant ivoirien résidant régulièrement sur le territoire, dont elle a eu un enfant, né le 15 août 2021. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de refus de séjour attaqué, Mme C... n'était mariée que depuis quatre mois, et aucune pièce n'atteste d'une communauté de vie antérieure entre les deux compatriotes. En outre, ainsi que le mentionne l'arrêté contesté, M. C... est seulement titulaire d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ", valable jusqu'au 10 novembre 2022, ne lui donnant pas vocation à s'installer durablement sur le territoire, la requérante ne pouvant se prévaloir de faits postérieurs à l'arrêté. Mme C... n'a pas davantage d'activité professionnelle stable. Enfin, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où réside notamment son fils âgé de 14 ans. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour n'a pas porté à la vie privée et familiale de Mme C..., garanti par les stipulations précitées, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'est entachée, ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation.
11. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ce qui précède que la décision contestée n'a pas pour objet et ni pour effet de séparer durablement l'enfant de Mme C... d'un de ses parents. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
12. Mme C..., qui entre dans les catégories d'étrangers qui ouvrent droit au regroupement familial, ne peut se prévaloir utilement de la méconnaissance des stipulations de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
13. Si Mme C... invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de séjour, il résulte de ce qui précède que le moyen ne peut être qu'écarté.
14. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points 10 et 11 du présent arrêt.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant la Côte d'Ivoire comme pays de renvoi :
15. Si Mme C... invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, il résulte de ce qui précède que le moyen ne peut être qu'écarté.
16. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". La requérante n'apporte aucune précision ni commencement de preuve au soutien des risques pour sa sécurité auxquels elle allègue être confrontée en cas de retour en Côte d'Ivoire.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
18. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... épouse C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme E... A... épouse C....
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Julien Dufour, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2023.
Le rapporteur,
Julien B...
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX01007