La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2023 | FRANCE | N°21BX02476

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 07 novembre 2023, 21BX02476


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée (SAS) Jym Training Sport a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 1er octobre 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Martinique a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... C... pour cause réelle et sérieuse.

Par un jugement n° 2000528 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande pour irre

cevabilité, après avoir refusé d'admettre l'intervention de la

SASU Fitness ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée (SAS) Jym Training Sport a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 1er octobre 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Martinique a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... C... pour cause réelle et sérieuse.

Par un jugement n° 2000528 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande pour irrecevabilité, après avoir refusé d'admettre l'intervention de la

SASU Fitness Park La Galleria Le Robert Cluny.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2021, la SARL Jym Training Sport et la

SASU Fitness Park La Galleria Le Robert Cluny, en qualité d'intervenante volontaire, représentées par la SELARL Agoralex, agissant par Me Ollivier, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 avril 2021 précité ;

2°) d'annuler la décision du 1er octobre 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Martinique a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... C... pour cause réelle et sérieuse et d'autoriser son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la société Jym Training Sport ayant agi en tant que présidente de la SASU Fitness Park La Galleria Le Robert Cluny et son président,

M. B... étant également le président de la SASU précitée, l'intérêt à agir la société Jym Training Sport est démontré, quand bien même elle n'était plus l'employeur de M. C... à la date des faits qui lui sont reprochés ; la DIECCTE n'a émis aucune critique sur ce point au stade du recours gracieux formé par la société Jym Training Sport à l'encontre de la décision de refus de licenciement en litige ;

- sur le fond, la décision contestée méconnaît le principe du contradictoire et les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'employeur n'a jamais été informé par l'inspecteur du travail des risques biologiques, ou de l'absence d'équipements de protection allégués par le salarié ainsi que du refus, par d'autres salariés, d'exercer la mission qui leur a été confiée ;

- le refus par d'autres salariés d'exercer leur mission n'est d'ailleurs pas établi ;

- le refus de M. C... d'exécuter sa mission est exclusivement motivé par la rupture imminente de son contrat de travail ;

- les faits reprochés à M. C..., qui a déjà été sanctionné à plusieurs reprises, justifient son licenciement, tel le refus d'exécuter la mission relevant de ses attributions et ne présentant aucun risque d'insalubrité ou bactériologique et l'utilisation par l'intéressé de son téléphone portable, qui sont établis ;

- en revanche, l'entrave de l'employeur au fonctionnement des institutions représentatives du personnel, son hostilité et les pressions qui lui sont imputées ne sont pas établies.

La requête a été communiquée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à M. A... C... qui n'ont pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 4 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

9 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 25 octobre 2017, M. A... C... a été recruté en tant qu'agent de maintenance et de sécurité par la SAS Jym Training Sport, société exploitant des salles de sport à l'enseigne Fitness Park en Martinique. M. C... détenait par ailleurs un mandat de représentant du personnel au sein du comité social et économique de la société depuis le 3 décembre 2019. Par délibération du 31 mars 2020, l'assemblée générale de la société Jym Training Sport a approuvé le traité d'apport partiel d'actif de sa branche d'activité fitness au profit de la SASU Fitness Park La Galleria Le Robert Cluny du 7 janvier 2020 dont la prise d'effet a été fixée au 1er avril 2019. Cet apport partiel d'actif a entraîné le transfert automatique des contrats de travail liés à la branche d'activité fitness dont celui de M. C....

2. Par un courrier du 6 août 2020, la société Fitness Park a sollicité auprès de l'inspecteur du travail de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Martinique (DIECCTE) l'autorisation de licencier M. C... pour cause réelle et sérieuse. Par une décision du 1er octobre 2020, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser ce licenciement. Un recours gracieux a été présenté le 19 octobre 2020, qui a été rejeté par la DIECCTE le 18 novembre 2020. La SAS Jym Training Sport a demandé au tribunal administratif de la Martinique l'annulation de cette décision du 1er octobre 2020. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté comme irrecevable sa demande d'annulation de la décision de refus de licenciement du 1er octobre 2020 précitée.

Sur l'intervention de la société Fitness Park :

3. L'intervention de la SASU Fitness Park au soutien des conclusions de la société Jym Training Sport, n'a pas été présentée par mémoire distinct mais dans la requête de cette dernière, en méconnaissance de l'article R. 632-1 du code de justice administrative. Elle n'est dès lors pas recevable.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Il ressort des pièces du dossier que la société Jym Training Sport a fait l'objet d'une restructuration, à compter du 1er avril 2019, par apport partiel d'actifs à deux sociétés, dont l'une a été créée sous la dénomination SASU Fitness Park La Galleria Le Robert Cluny, dont la

SAS Jym Training sport, holding et animatrice du groupe, est la seule associée. Il ressort également des pièces du dossier que la société Fitness Park La Galleria Le Robert Cluny s'est substituée à la société apporteuse dans les litiges et parts judiciaires devant toutes juridictions dans la mesure où ils concernent les biens et droits apportés et que les contrats de travail en cours avec les membres du personnel de la société Jym Training Sport affectés à l'exploitation du fonds apporté devaient se poursuivre avec la société bénéficiaire Fitness Park La Galleria

Le Robert Cluny. Tel est le cas du contrat de travail de M. A... C... conclu avec la société Jym Training Sport, qui a été transféré en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à la société Fitness Park.

5. Aux termes de l'article L. 227-6 du code du commerce, relatif aux sociétés par actions simplifiées, " La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social (...) ". La société Jym Training Sport, qui ne conteste pas qu'à la date de présentation de sa requête, l'employeur de M. C... était la société Fitness Park La Galleria, s'est prévalue devant le tribunal et avant la clôture de l'instruction, de sa qualité de présidente de la SASU Fitness Park La Galleria dont elle est l'unique associée, et a produit l'extrait Kbis qui justifie de cette qualité. Il s'ensuit qu'en sa qualité de présidente de la SASU Fitness Park, la SAS Jym Training Sport justifiait d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision portant refus d'autorisation de licenciement de M. C....

6. Par suite la société Jym Training Sport est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a accueilli la fin de non-recevoir tirée de son absence d'intérêt pour agir et à en demander pour ce motif l'annulation. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société

Jym Training Sport.

Sur la légalité de la décision portant refus de licenciement de M. C... :

7. Aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...). ".

8. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément à ces dispositions impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. Jimmy Edouard, président de la société Jym Training Sport et M. A... C..., salarié, ont respectivement été reçus par l'inspectrice du travail le 26 août 2020 à 10 heures et 10 heures 30 et que l'inspectrice a effectué des contrôles dans les locaux de la société Fitness Park les 21 et 28 septembre 2020. A l'appui de la décision du 1er octobre 2020, l'inspectrice du travail a rejeté la demande de licenciement de M. C... pour cause réelle et sérieuse au motif que les reproches tirés du refus par l'intéressé de mettre en poubelle des déchets en carton et de l'utilisation intensive de son téléphone personnel durant les heures de travail n'étaient pas fondés. L'inspectrice du travail a ainsi écarté le grief opposé à

M. C... par son employeur tiré de son refus de mettre en poubelle les déchets en carton, qui relevait de ses missions, en indiquant " qu'il ressortait de l'enquête qu'aucune poubelle n'était dédiée aux cartons de l'entreprise Jym Training Sport pour laquelle doivent être entreposés les déchets en carton et qu'il s'agissait d'un espace commun où les clients du centre pouvaient déposer leurs déchets à même le sol sans protection des risques biologiques exposant le salarié aux risques encourus par le Covid 19 et aux risques bactériens ". L'inspectrice du travail a également ajouté que d'autres salariés avaient refusé d'effectuer cette mission pour le même motif. Toutefois la société requérante soutient, sans être contredite, à défaut de toute défense au fond présentée en première instance et en appel, qu'elle n'a pas été informée de ce grief auquel elle n'a ainsi pas pu répondre et conteste ce motif en indiquant que les dirigeants du centre commercial interdisent aux entreprises de déposer des déchets provenant de leur activité sur le parking réservé à la clientèle et que ses employés sont chargés à tour de rôle de ramasser les cartons, de les plier et d'aller les acheminer dans la benne à ordures destinée à récupérer les déchets carton et papier située derrière la salle de sports en produisant plusieurs attestations de salariés indiquant qu'ils effectuent cette mission au moyen de gants et de masques de protection fournis par l'employeur.

10. Dans ces conditions, alors qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que l'inspectrice du travail a mis à même la société Jym Training Sport de prendre connaissance de tous les éléments déterminants recueillis au cours de l'enquête préalable à la décision en litige, à savoir les risques biologiques allégués par le salarié qui n'aurait pas disposé d'équipements de protection, la société Jym Training Sport est fondée à soutenir que le principe du contradictoire a été méconnu.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Jym Training Sport est fondée à demander l'annulation de la décision du 1er octobre 2020 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé de faire droit à sa demande d'autorisation de licenciement de M. A... C....

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

12. Il n'appartient pas au juge administratif d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé. Par suite les conclusions tendant à ce que la cour autorise le licenciement de M. C... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

13. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de M. A... C..., la somme demandée par la requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Fitness Park La Galleria Le Robert Cluny n'est pas admise.

Article 2 : Le jugement du 12 avril 2021 du tribunal administratif de la Martinique et la décision du 1er octobre 2020 de l'inspectrice du travail sont annulés.

Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Jym Training Sport, à la SASU Fitness Park La Galleria Le Robert Cluny, à M. A... C... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023.

La rapporteure,

Caroline D...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX02476 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02476
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : SELARL AGORALEX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-07;21bx02476 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award