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17/10/2023 | FRANCE | N°23BX01233

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 17 octobre 2023, 23BX01233


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 juillet 2020 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ainsi que la décision du 19 août 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n°2001430 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2023, Mme B... C..., représentée par

la SELARL Aegis, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lim...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 juillet 2020 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ainsi que la décision du 19 août 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n°2001430 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2023, Mme B... C..., représentée par la SELARL Aegis, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 mars 2023 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions des 10 juillet et 19 août 2020.

Elle soutient que :

- la décision contestée méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6 5) de l'accord franco-algérien ;

- le préfet de la Haute-Vienne a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- le préfet de la Haute-Vienne a commis une erreur d'appréciation en estimant qu'elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2023, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 2 août 2023 par une ordonnance en date du 14 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante algérienne née le 16 janvier 1963, est entrée en France le 5 août 2016, sous couvert d'un visa de court séjour, et s'est maintenue sur le territoire après son expiration. Elle a sollicité du préfet de la Haute-Vienne, à deux reprises, la régularisation de sa situation, et a fait l'objet de deux arrêtés portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, les 24 avril 2018 et 3 février 2020. Le 10 juillet 2020, le préfet de la Haute-Vienne a opposé à Mme C... un nouveau refus à sa demande de délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé et de ses attaches familiales, puis a rejeté le 19 août 2020 le recours gracieux formé par l'intéressée. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Limoges l'annulation de ces deux décisions. Elle relève appel du jugement du 9 mars 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

3. Pour rejeter la demande de titre de séjour déposée par Mme C... en raison de son état de santé, le préfet de la Haute-Vienne s'est fondé sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu L. 425-9 de ce code. Or, ces dispositions ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France sont régies de manière complète par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Toutefois, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord, qui peuvent être substituées, comme le demande le préfet de la Haute-Vienne, qui les invoque en défense, à celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors, en premier lieu, que la demande de Mme C... relève de leur champ d'application, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie, le collège des médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant notamment été consulté le 11 juin 2020 et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui se prévaut des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En l'espèce, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays.

5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne n'a pas exclu de son appréciation les circonstances invoquées par Mme C... tenant à ce qu'elle ne pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie en raison de sa situation personnelle. Ainsi, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

6. La requérante se borne à faire valoir qu'elle n'aura pas accès en Algérie aux soins en raison de l'éloignement géographique des services de santé, d'un manque de qualité des soins et d'une insuffisance de revenus, sans apporter aucune précision sur la nature des soins dont elle bénéficie, leur coût et leurs modalités de prise en charge. Par suite, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant, au vu de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII, que Mme C... pourrait effectivement bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 53 ans, et que notamment deux de ses enfants y résident. Si elle est prise en charge en France par deux autres de ses filles, ressortissantes françaises, chez qui elle demeure, elle n'établit pas que sa présence à leurs côtés serait nécessaire et avoir pour autant transféré en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Si elle a, en outre, deux autres enfants de nationalité française, elle ne démontre pas, par les seuls témoignages qu'elle produit, l'intensité de leurs liens. Compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée sur le territoire, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise la décision de refus de séjour.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.

Le rapporteur,

Julien A...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX01233 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01233
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Julien DUFOUR
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : SELARL PREGUIMBEAU GREZE AEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-17;23bx01233 ?
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