Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le Centre Communal d'Action Sociale (CCAS) de Coulonges-sur-l'Autize à lui verser la somme globale de 50 836,96 euros en réparation des préjudices causés par la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois qui lui a été infligée par un arrêté de son directeur du 24 mars 2017.
Par un jugement n° 1901198 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 5 juillet 2021 et le 3 novembre 2022, M. A... C..., représenté par la SCP inter-barreaux Drouineau Veyrier Le Lain Barroux Verger, agissant par Me Drouineau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 mai 2021 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge du CCAS de Coulonges-sur-l'Autize une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sauf urgence vitale et impossibilité du médecin traitant de se déplacer, il n'a jamais délivré aucune prescription médicale à l'égard des résidents, mais uniquement des observations médicales destinées à éclairer les soignants de l'établissement, ainsi que des plans de soins, sur la base de l'examen clinique réalisé à l'entrée des résidents, en accord avec le médecin traitant ; cette action s'inscrit dans ses missions de contribution à la qualité de la prise en charge gérontologique, de coordination avec les médecins traitants et de tenue du dossier médical ; des prescriptions médicamenteuses et des prescriptions médicales ont également été faites par les infirmières à de multiples reprises ; les prescriptions d'antalgiques ont lieu dans le cadre du protocole de prise en charge de la douleur conclu avec les médecins traitants et avec leur accord ;
- le directeur de l'EHPAD ne pouvait, sans méconnaître le secret médical et les articles R. 1110-2 et R. 1110-3 du code de la santé publique, avoir accès à ces observations figurant dans le dossier médical des résidents ; la sanction disciplinaire repose sur un recueil de preuve illicite ;
- il a mis à jour régulièrement le logiciel Pathos, en effectuant le suivi des plans de soins, lesquels ne devaient être validés que s'ils étaient entièrement exécutés ; aucune mauvaise gestion de ce logiciel ne peut lui être reprochée et l'établissement n'a subi aucun préjudice ; les discordances entre les outils Aggir et Pathos sont justifiées par leurs différences de fonction ;
- il n'a pu être convenu de la réunion de la commission de coordination gériatrique avec le nouveau directeur de l'établissement ;
- le président de l'EHPAD a accepté sa demande d'effectuer des heures de travail en dehors de l'établissement en juin 2016 et lui a octroyé des jours de récupération afin de compenser le travail effectué ; sa quotité de travail de 50% d'un temps complet méconnaissait le décret du 2 septembre 2011 ;
- les relevés journaliers, les bulletins de salaire comme le décompte des jours de congés payés sont erronés ;
- il a alerté la direction du cas de maltraitance dont il a eu connaissance ;
- il ne peut lui être reproché une mauvaise gestion des entrées dans l'établissement alors qu'il ne donne qu'un avis à la direction ; il n'était récemment même plus consulté ;
- lors de l'épidémie de grippe de 2016, il était en arrêt de travail ;
- il a été écarté par la direction, qui l'a empêché de rencontrer les nouveaux infirmiers cadre et coordonnateur ; son lien décisionnel avec cette dernière infirmière a été supprimé sur l'organigramme ; il ne lui a jamais manqué de respect, entretenant de bonnes relations avec elle ;
- il a contacté l'optométriste afin que celle-ci intervienne de nouveau au sein de l'EHPAD ;
- l'utilisation à des fins privées de son ordinateur professionnel n'est pas établie, ou à tout le moins son caractère déraisonnable, alors que les modalités de surveillance de l'activité des agents durant le temps de travail n'ont été précisées par aucun règlement ou charte ;
- aucun manquement déontologique n'a été relevé par le conseil de l'ordre des médecins ;
- contrairement à ce qui est mentionné dans le rapport disciplinaire, il a animé l'équipe de soins, entretenu des rapports avec des partenaires extérieurs tels le centre hospitalier de Niort et le SESSAD T21 de Niort, il a mis en place des protocoles de soins, tels les suivis hydriques et alimentaires, parfaitement réalisables, exigés ou recommandés par les autorités de santé et respectés même après son éviction de l'EHPAD ; la construction partenariale de ces protocoles s'est heurtée à l'instabilité des conditions de fonctionnement de l'établissement ;
- la sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée de six mois est disproportionnée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 septembre et 21 novembre 2022, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Coulonges-sur-l'Autize, représenté par la SCP d'avocats Ten France, agissant par Me Leeman, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions tendant à l'annulation de la sanction sont irrecevables car nouvelles en appel et se heurtent à l'autorité de chose jugée ;
- il n'existe pas de lien de causalité entre l'insuffisance de motivation de la sanction et les préjudices dont M. C... demande l'indemnisation ;
- les manquements commis par M. C... sont établis et justifient son exclusion pendant une durée de six mois.
Par une ordonnance du 21 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la fonction publique ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- l'arrêté du 5 septembre 2011 relatif à la commission de coordination gériatrique mentionnée au 3° de l'article D. 312-158 du code de l'action sociale et des familles et modifiant l'arrêté du 30 décembre 2010 fixant les modèles de contrats types devant être signés par les professionnels de santé exerçant à titre libéral et intervenant au même titre dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, ont été entendus :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,
- les observations de Me Porchet, substituant Me Drouineau, pour M. C...,
- et les observations de Me Levrey, substituant Me Leeman, pour le CCAS de Coulonges-sur-l'Autize.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... a été recruté le 1er octobre 2012 par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Coulonges-sur-l'Autize en qualité de médecin coordonnateur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Aliénor d'Aquitaine, par un contrat à durée déterminée d'un an, renouvelé jusqu'au 30 septembre 2017. Par un arrêté du 24 mars 2017, le président du CCAS a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois. Cet arrêté a été annulé au motif de son insuffisante motivation par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 juin 2019, devenu définitif à la suite de l'arrêt de la Cour en date du 7 mars 2022 rejetant l'appel formé par le CCAS. M. C... a également demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le CCAS de Coulonges-sur-l'Autize de lui verser la somme globale de 50 836,96 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité fautive de l'arrêté du 24 mars 2017, après rejet implicite de sa demande préalable reçue le 29 janvier 2019. Par un jugement du 4 mai 2021 dont M. C... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Le CCAS de Coulonges-sur-l'Autize fait valoir que les conclusions tendant à l'annulation de la sanction du 24 mars 2017 sont irrecevables dès lors qu'elles sont nouvelles en appel. Toutefois, la requête de M. C..., qui a le caractère d'un recours de plein contentieux comme en première instance, ne comporte pas de telles conclusions et la fin de non-recevoir doit par suite être rejetée.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité :
3. Si la sanction infligée à M. C... a été annulée par le juge de l'excès de pouvoir pour un motif de légalité externe, l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 juin 2019 et à l'arrêt de la Cour du 7 mars 2022 ne fait pas obstacle à ce que M. C... critique, au soutien de ses conclusions indemnitaires, la réalité des manquements qui lui sont reprochés et la proportionnalité de la sanction.
4. En premier lieu, le CCAS de Coulonges-sur-l'Autize faisait grief à M. C... d'avoir effectué une partie de ses heures de travail à son domicile sans autorisation, et de ne pas justifier du respect de son temps de travail. Toutefois, il résulte de l'instruction que le requérant a été recruté par contrats successifs à temps partiel à 50 % correspondant à un temps d'activité de 17h30 par semaine. Si un courrier qui lui a été adressé par le président du CCAS le 5 janvier 2015 évoque 910 heures annuelles portées à 959 heures hors journée de solidarité, les contrats conclus les 30 septembre 2015 et 28 septembre 2016 rappellent la durée hebdomadaire d'activité de 17h30 ou la quotité de 50 % de la durée légale du travail. Or, M. C... produit plusieurs documents, notamment ses plannings, qui tendent à démontrer que celui-ci a respecté ce temps de présence dans l'établissement durant l'année 2016 et les trois premiers mois de l'année 2017. Dès lors qu'il a respecté son temps de travail, la circonstance que l'intéressé a également indiqué, dans un courrier du 13 décembre 2016 à l'attention de la direction de l'EHPAD, avoir effectué 61 heures de travail depuis son domicile personnel, sans établir avoir obtenu une autorisation en ce sens ni démontrer la réalité de ces heures, ne saurait justifier que lui soit infligée une sanction disciplinaire. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction qu'un quelconque reproche relatif à son temps de présence lui aurait été fait antérieurement. Par ailleurs, si à partir du 1er janvier 2017, M. C... a exercé ses fonctions sur deux jours, les mardis et mercredis, le dernier contrat de travail de l'intéressé ne détaille plus de planning de présence et stipule qu'il sera convenu entre le médecin coordonnateur et le responsable de l'établissement. M. C... produit le témoignage d'une secrétaire de l'établissement selon lequel il aurait obtenu du président du CCAS un accord verbal pour modifier ses horaires, qui n'est contredit par aucun élément probant produit en défense. Ainsi ce grief n'est pas établi.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles : " (...) V.-Le personnel des établissements mentionnés au I et au IV bis comprend un médecin coordonnateur. Le médecin coordonnateur contribue, auprès des professionnels de santé exerçant dans l'établissement, à la bonne adaptation aux impératifs gériatriques des prescriptions de médicaments et des produits et prestations inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, qu'il peut lui-même réaliser, en cette qualité et en articulation avec le médecin traitant, dans des conditions prévues par décret. (...) ". Et aux termes de l'article D. 312-158 de ce code : " Sous la responsabilité et l'autorité administratives du responsable de l'établissement, le médecin coordonnateur qui assure l'encadrement médical de l'équipe soignante : / (...) 13° Réalise des prescriptions médicales pour les résidents de l'établissement au sein duquel il exerce ses fonctions de coordonnateur en cas de situation d'urgence ou de risques vitaux ainsi que lors de la survenue de risques exceptionnels ou collectifs nécessitant une organisation adaptée des soins. Les médecins traitants des résidents concernés sont dans tous les cas informés des prescriptions réalisées ". Aux termes de l'article R. 4127-58 du code de la santé publique : " Le médecin consulté par un malade soigné par un de ses confrères doit respecter : / - l'intérêt du malade en traitant notamment toute situation d'urgence ; / - le libre choix du malade qui désire s'adresser à un autre médecin ". Enfin, les contrats de travail de M. C... stipulent qu'en aucun cas, le médecin coordonnateur ne peut porter atteinte à la liberté de prescription du médecin traitant, et lui font obligation, en dehors d'une urgence, de décliner toute demande ponctuelle de soins d'un résident suivi par un médecin traitant.
6. L'autorité disciplinaire reproche au docteur C..., en se basant sur les indications figurant dans le dossier médical dématérialisé géré par le logiciel Cedi Acte, d'avoir réalisé quatre prescriptions pour des résidents de l'établissement dont il n'était pas le médecin traitant, les 10 janvier, 25 janvier et 7 février 2017. Le requérant fait valoir, sans être sérieusement contredit, que l'une des mentions du 7 février 2017 ne constitue que la transcription par ses soins dans le logiciel de la prescription d'un autre professionnel de santé, psychogériatre du résident. En revanche, les trois autres constituent des prescriptions, et non de simples observations médicales ainsi que le soutient le docteur C..., pour des résidents qui avaient par ailleurs un médecin traitant, sans qu'une situation d'urgence ou de risques vitaux ne soit établie. Ainsi, M. C... a manqué aux dispositions et stipulations précitées. Néanmoins, il résulte également de l'instruction que celui-ci a systématiquement prévu une information des médecins traitants, qui n'ont formulé aucune plainte auprès de l'établissement. Par ailleurs, deux des prescriptions concernent des antalgiques, qui ont fait l'objet d'un protocole d'accord avec l'EHPAD afin de faciliter le renouvellement des traitements et l'augmentation des dosages. Au demeurant, le conseil départemental de l'ordre des médecins, saisi par le CCAS de Coulonges-sur-l'Autize, n'a retenu aucun manquement au devoir de confraternité de la part de M. C....
7. En troisième lieu, le 4° de l'article D. 312-158 du code de l'action sociale et des familles confie au médecin coordonnateur le soin d'évaluer et valider l'état de dépendance des résidents et leurs besoins en soins requis à l'aide d'un référentiel dénommé, en ce qui concerne les besoins en soins, " Pathos ". L'article R. 314-170 du même code précise que " L'évaluation de la perte d'autonomie des personnes hébergées dans l'établissement et l'évaluation de leurs besoins en soins sont réalisées par l'établissement, sous la responsabilité du médecin coordonnateur. / Ces évaluations sont réalisées lors de la conclusion ou du renouvellement de la convention pluriannuelle mentionnée au I de l'article L. 313-12 ou du contrat pluriannuel mentionné à l'article L. 313-11. / Elles sont renouvelées une fois et de façon simultanée en cours de convention ou de contrat. Elles sont utilisées pour le calcul de la dotation globale ou du forfait global relatif à la dépendance et de la dotation globale ou du forfait global relatif aux soins à compter de l'exercice budgétaire de l'année de leur réalisation ". S'il est reproché à M. C... de ne pas avoir anticipé la mise en place de cette " coupe Pathos " et de ne pas avoir réalisé cette coupe de manière rigoureuse et professionnelle, il n'est pas allégué que les évaluations effectuées par M. C... n'auraient pas été validées ou auraient été contestées par les autorités tarifaires dans les conditions prévues par l'article L. 314-9 du code de l'action sociale et des familles, qu'elles auraient été transmises tardivement ou auraient été erronées. En outre, il n'est établi par aucune pièce que M. C... n'aurait pas associé l'ensemble des professionnels concernés.
8. En quatrième lieu, selon le 3° de l'article D. 312-158 du code de l'action sociale et des familles, le médecin coordonnateur préside la commission de coordination gériatrique chargée d'organiser l'intervention de l'ensemble des professionnels salariés et libéraux au sein de l'établissement, laquelle se réunit au minimum deux fois par an. Le dernier alinéa de l'article 1er de l'arrêté du 5 septembre 2011 relatif à la commission de coordination gériatrique mentionnée au 3° de l'article D. 312-158 du code de l'action sociale et des familles et modifiant l'arrêté du 30 décembre 2010 fixant les modèles de contrats types devant être signés par les professionnels de santé exerçant à titre libéral et intervenant au même titre dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes prévoit que l'ordre du jour de la commission de coordination gériatrique est établi conjointement par le médecin coordonnateur et le directeur de l'établissement. Il résulte de l'instruction que la commission de coordination gériatrique s'est réunie pour la dernière fois au mois de janvier 2015 et ne s'est réunie ni en 2016 ni en 2017 avant l'intervention de la sanction d'exclusion de fonctions de M. C.... Ce dernier, qui n'a pris aucune initiative pour la convoquer, a fait preuve de négligence. Néanmoins, il ne résulte pas de l'instruction que la direction de l'établissement ait effectué un rappel à l'intéressé.
9. En cinquième lieu, il est reproché à M. C... de ne pas avoir informé la direction de l'établissement des accusations de maltraitance formulées auprès de lui par la famille d'une résidente. Toutefois, ce grief ne peut être regardé comme établi par la seule allusion succincte figurant dans le rapport disciplinaire, alors que M. C... soutient avoir relayé la plainte et que, selon le témoignage produit par le requérant, la famille en avait informé " dans le même temps " l'infirmière coordinatrice.
10. En sixième lieu, le CCAS de Coulonges-sur-l'Autize accuse M. C... d'un comportement inadapté. Toutefois, les propos désobligeants et irrespectueux rapportés dans le rapport disciplinaire, tant vis-à-vis du personnel que des résidents, ne sont corroborés par aucun témoignage, alors que le requérant produit plusieurs attestations de son savoir vivre et de son comportement professionnel. Par suite, le grief ne peut être regardé comme établi.
11. En septième lieu, le CCAS reproche à M. C... de ne pas se consacrer à l'exercice de ses fonctions, multipliant les temps de pause pour téléphoner, fumer, utiliser son ordinateur à des fins privatives, de ne pas savoir encadrer l'équipe de soins, d'être source de tensions au sein de l'établissement. Il ressort également du rapport disciplinaire qu'il n'effectuerait pas ses missions de prévention des risques sanitaires et de contribution à la qualité des soins, puisqu'aucune fiche d'événements indésirables ne serait établie, qu'il ne ferait preuve d'aucun intérêt pour les outils et les procédures de prise en charge ni les projets de soins, que les dossiers informatiques de soins seraient vides ou inexploitables, qu'aucune liste des médicaments préférentiels ne serait tenue, qu'il ne surveillerait pas les pratiques médicamenteuses et que ses protocoles de soins " calendrier urinaire " et " suivi hydrique " seraient irréalisables. Enfin, il est soutenu que le docteur C... ferait preuve de la même négligence s'agissant de ses missions de formation des professionnels de santé de l'établissement et de coordination avec les établissements extérieurs. Toutefois, l'autorité disciplinaire n'apporte aucun commencement de preuve de ces allégations, et notamment de reproches antérieurs formulés sur tous ces points à l'intéressé, dont le contrat avait été renouvelé quelques mois auparavant. Ainsi, ces griefs ne sauraient être regardés comme établis.
12. Aux termes de l'article 39 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée (...) ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement ". S'il résulte de ce qui précède que M. C... n'a pas respecté les limites de la mission du médecin coordonnateur en matière de prescriptions, et a fait preuve de négligence dans ses fonctions de président de la commission de coordination gériatrique, ces manquements ne justifiaient pas que soit infligée au requérant une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois.
13. Dès lors, le CCAS de Coulonges-sur-l'Autize a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :
14. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.
15. M. C... qui ne justifie pas, ainsi que le fait valoir en défense le CCAS de Coulonges-sur-l'Autize, des rémunérations qu'il s'est procurées pendant la période d'éviction illégale, du 24 mars au 24 septembre 2017, n'établit pas qu'il aurait subi un préjudice financier. Il ne démontre pas davantage une quelconque perte de gains professionnels futurs, ou des troubles dans les conditions d'existence liés à l'éviction de ces fonctions exercées à temps partiel et en contrat à durée déterminée. S'il se prévaut d'un préjudice de notoriété lié au signalement effectué auprès du conseil départemental de l'ordre des médecins, celui-ci n'est, en tout état de cause, pas en lien direct avec l'illégalité fautive. En revanche, M. C... a subi, du fait de la disproportion de la sanction, un préjudice moral qui doit être évalué à 3 000 euros. Néanmoins, compte tenu des manquements commis par l'intéressé rappelés au point 10 du présent arrêt, qui sont de nature à exonérer le CCAS de sa responsabilité dans l'appréciation du préjudice subi par M. C... à hauteur de 20 %, il y a lieu de condamner cet établissement à verser à ce dernier la somme de 2 400 euros.
16. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C... qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le CCAS de Coulonges-sur-l'Autize au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CCAS une somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre des frais de même nature.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : Le CCAS Coulonges-sur-l'Autize est condamné à verser à M. C... la somme de 2 400 euros en réparation des préjudices causés par la sanction du 24 mars 2017.
Article 3 : Le CCAS de Coulonges-sur-l'Autize versera à M. C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au centre communal d'action sociale de Coulonges-sur-l'Autize.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Julien Dufour, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023.
Le rapporteur,
Julien B...
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet des Deux-Sévres en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX02869