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11/07/2023 | FRANCE | N°23BX01055

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 11 juillet 2023, 23BX01055


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200748 du 4 avril 2023, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist

rée le 14 avril 2023, le préfet la Guadeloupe demande à la cour d'annuler ce jugement n° 220074...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200748 du 4 avril 2023, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 avril 2023, le préfet la Guadeloupe demande à la cour d'annuler ce jugement n° 2200748 et de rejeter la demande de première instance de M. A....

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté en litige au motif qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la continuité du séjour en France de M. A... depuis 2010 n'est pas établie ; celui-ci s'est maintenu sur le territoire français en dépit de plusieurs mesures d'éloignement prises à son encontre ; il ne justifie d'aucune activité professionnelle et d'aucune ressource ; s'il est parent de deux enfants, qui ne sont pas de nationalité française, il ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de ces derniers.

Par une ordonnance du 21 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant haïtien né le 23 septembre 1979, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 1er juillet 2010, selon ses déclarations. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 avril 2011, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 24 mai 2012. Le 16 octobre 2017, M. A... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, mais celle-ci a été rejetée par l'OFPRA, pour irrecevabilité, le 23 octobre 2017. Par un arrêté du 29 septembre 2017, le préfet de la Guadeloupe a pris à l'encontre de M. A... un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français. Le 17 juin 2022, M. A... a été interpellé par les services de la police aux frontières démuni de tout document l'autorisant à séjourner sur le territoire français. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Guadeloupe a obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. A la demande de M. A..., le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 17 juin 2022 par un jugement rendu le 4 avril 2023 dont le préfet de la Guadeloupe relève appel.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

3. Ainsi qu'il a été dit, M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2010 pour y solliciter l'asile, ce qui lui a permis de séjourner en France durant le temps nécessaire à l'examen de sa demande. Après le rejet définitif de sa demande d'asile, il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français en dépit d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 29 septembre 2017, à l'exécution de laquelle il s'est soustrait. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... est, le 30 mars 2019, devenu père de jumeaux nés en Guadeloupe, il est constant qu'il est séparé de leur mère et que les enfants vivent chez cette dernière. Pour établir qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, M. A... a notamment produit un virement bancaire de 450 euros effectué sur le compte de la mère de ses enfants le 20 mai 2022, une attestation du régisseur de l'école communale dont il ressort que l'intéressé a pris en charge les frais de restauration scolaire de ses enfants entre décembre 2021 et mars 2022, et diverses factures, non nominatives, d'achat de matériels. A supposer que ces éléments soient de nature à établir que M. A... subvient aux besoins de ses enfants, il n'en demeure pas moins que ces derniers n'ont pas la nationalité française, dès lors que leur mère possède la même nationalité que leur père, et qu'ils n'ont donc pas vocation à demeurer sur le territoire français. De plus, il ressort des pièces du dossier que M. A... ne justifie d'aucune activité professionnelle en France et ne maîtrise pas la langue française, ses procès-verbaux d'audition faisant apparaitre qu'il a besoin d'un interprète pour se faire comprendre. Enfin, M. A... conserve de fortes attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents, son frère, ses deux sœurs ainsi que ses trois enfants mineurs, et qu'il a quitté à l'âge de 30 ans en y ayant vécu ainsi l'essentiel de son existence.

4. Dans ces circonstances particulières, le préfet de la Guadeloupe ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... à mener en France une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'ensuit que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé son arrêté du 17 juin 2022 pour un tel motif.

5. Il y a lieu pour la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. A....

6. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait déposé en préfecture une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, l'arrêté en litige ne comporte aucun refus de titre de séjour mais prononce une mesure d'éloignement à l'encontre de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être utilement soulevé.

7. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

8. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé, et la demande de première instance présentée par M. A... doit être rejetée.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 2200748 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 4 avril 2023 est annulé.

Article 2 : La demande première instance présentée par M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A.... Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023.

L'assesseur le plus ancien,

Caroline Gaillard

Le président-rapporteur,

Frédéric FaïckLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX01055

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01055
Date de la décision : 11/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-11;23bx01055 ?
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