Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 avril 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2202486 du 17 juin 2022, la magistrate désignée du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 novembre 2022, M. B... C..., représenté par Me Sirol, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2202486 du tribunal administratif ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 avril 2022 en litige ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ; à défaut d'enjoindre au préfet de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) à titre subsidiaire, d'abroger l'arrêté du 13 avril 2022 en litige ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français, que :
- ces décisions ont été signées par une autorité incompétente ;
- elles sont insuffisamment motivées ;
- elles ont été prises en méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 542-1 du même code dès lors qu'il a droit au maintien sur le territoire français tant que la Cour nationale du droit d'asile statuant sur son recours n'a pas rendu une décision lue en audience publique ;
- elles sont entachées d'une erreur de droit dès lors qu'elles ne tiennent pas compte de la demande de reconnaissance de la qualité d'apatride qu'il a déposée en application de l'article L. 424-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; or l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a reconnu cette qualité par une décision du 29 juin 2022 ; il a droit en conséquence à un titre de séjour de plein droit ;
- ces décisions méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il soutient, en ce qui concerne le pays de renvoi, que :
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il soutient, en ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français, que :
- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée et procède d'un examen insuffisant de sa situation personnelle ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à son mémoire de première instance.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., personne d'origine sahraouie et de nationalité indéterminée, né le 10 avril 1984, est entré en France en janvier 2021, selon ses déclarations. Il a présenté une demande d'asile que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejetée par une décision du 30 avril 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 16 mars 2022. Après quoi, la préfète de la Gironde a pris, à l'encontre de M. C..., un arrêté du 13 avril 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, désignation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement rendu le 17 juin 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 avril 2022.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, par un arrêté du 11 février 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 33-2022-028 du même jour, la préfète de la Gironde a délégué à Mme A..., chef du bureau de l'asile et du guichet unique, sa compétence à l'effet de signer tous arrêtés et décisions en matière de refus de séjour, d'obligation de quitter le territoire français, de refus ou d'octroi d'un délai de départ volontaire, de désignation du pays de destination et d'interdiction de retour sur le territoire français. L'exercice de cette délégation, telle que définie à l'article 4 de l'arrêté du 11 février 2022, n'est pas subordonné à l'absence ou à l'empêchement des agents qui précèdent Mme A... dans la hiérarchie administrative de la préfecture de la Gironde. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté.
3. En second lieu, à l'appui de son moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant le premier juge. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents du jugement attaqué.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. Aux termes de l'article L. 424-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a obtenu le statut d'apatride (...) se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " bénéficiaire du statut d'apatride " d'une durée maximale de quatre ans. (...) ". Aux termes de l'article R. 582-1 du même code : " La demande de statut d'apatride est déposée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. (...) ". Aux termes de l'article R. 582-3 de ce code : " La décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est notifiée à l'intéressé dans les conditions prévues à l'article R. 531-17. En cas de décision reconnaissant la qualité d'apatride, le directeur général de l'office en informe le préfet compétent en vue de la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée à l'article L. 424-18. ". Enfin, l'article L. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " Lorsque la qualité (...) d'apatride est reconnue (...) à un étranger ayant antérieurement fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative abroge cette décision. Elle délivre (...) à l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride la carte de séjour pluriannuelle prévue à l'article L. 424-18. "
5. Pour obliger M. C... à quitter le territoire français, la préfète de la Gironde s'est fondée sur les décisions de l'OFPRA et de la CNDA rejetant la demande d'asile présentée par l'intéressé. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a, le 27 juillet 2021, déposé auprès de l'OFPRA une demande de reconnaissance de la qualité d'apatride, laquelle était en cours d'instruction à la date de la décision attaquée. Toutefois, si l'OFPRA a reconnu à M. C... la qualité d'apatride par une décision du 29 juin 2022, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Gironde, à la suite de cette décision, aurait abrogé l'obligation de quitter le territoire français du 13 avril 2022 ainsi que l'article L. 613-6 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui impose de le faire, et alors que l'octroi de la qualité d'apatride revêt un caractère recognitif. Par suite, l'obligation de quitter le territoire en litige, contenue dans l'arrêté du 13 avril 2022, est dépourvue de base légale et doit, dès lors, être annulée.
En ce qui concerne le pays de renvoi et l'interdiction de retour sur le territoire français :
6. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire français en litige entraîne, par voie de conséquence, l'annulation des décisions fixant le pays de renvoi et prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 avril 2022 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixe le pays de renvoi et lui interdit de retourner en France pendant un an. Ce jugement doit, dès lors, être annulé dans cette mesure.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. /La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
9. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la décision de l'OFPRA du 29 juin 2022 lui reconnaissant la qualité d'apatride, M. C... s'est vu délivrer, en novembre 2022, le titre de séjour prévu à l'article L. 414-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ont perdu leur objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les frais de l'instance :
10. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sirol, avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Sirol de la somme de 1 200 euros.
DECIDE
Article 1er : L'arrêté de la préfète de la Gironde du 13 avril 2022 est annulé en tant qu'il fait obligation à M. C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixe le pays de destination et lui interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête à fin d'injonction.
Article 3 : L'Etat versera à Me Sirol une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le jugement n° 2202486 du tribunal administratif de Bordeaux du 17 juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Sirol et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
M. Frédéric Faïck, président,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
M. Anthony Duplan, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023.
L'assesseur le plus ancien,
Caroline Gaillard
Le président-rapporteur,
Frédéric Faïck
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX02794
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