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29/06/2023 | FRANCE | N°21BX01304

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 29 juin 2023, 21BX01304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner le centre hospitalier de Brive à lui verser la somme de 74 316,48 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1900124 du 4 mars 2021, le tribunal administratif de Limoges a condamné le centre hospitalier de Brive à verser à Mme B... une indemnité de 3 650 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2018, et mis à la charge de l'établissement les frais d'expertise pour un montant de 1 500 e

uros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner le centre hospitalier de Brive à lui verser la somme de 74 316,48 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1900124 du 4 mars 2021, le tribunal administratif de Limoges a condamné le centre hospitalier de Brive à verser à Mme B... une indemnité de 3 650 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2018, et mis à la charge de l'établissement les frais d'expertise pour un montant de 1 500 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mars 2021 et 2 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Renaudie, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 mars 2021 en tant qu'il a limité le taux de perte de chance à 20 %, ainsi que le montant de l'indemnisation allouée ;

2°) de porter le montant de l'indemnisation allouée, compte tenu d'un taux de perte de chance de 50 %, à 47 447,80 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Brive la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les " entiers dépens ".

Elle soutient que :

- ainsi que l'a reconnu le tribunal, la responsabilité de l'établissement est engagée en raison d'un défaut d'information sur les risques encourus, qui l'a privée de la possibilité de renoncer à l'intervention chirurgicale, non vitale et non urgente ; son dossier ne comporte pas de document faisant état de son consentement éclairé, ce que confirme le dire de l'hôpital annexé au rapport d'expertise ; le schéma contenu dans le dossier ne permet pas d'établir qu'elle a été informée des risques de l'opération ; le dossier médical ne comporte pas davantage le devis détaillé de l'opération, en méconnaissance de l'article L. 6322-2 du code de la santé publique ;

- le taux de perte de chance retenu par le tribunal à hauteur de 20 % est sous-évalué et doit être porté à 50 % ; eu égard aux conséquences subies et à l'absence d'amélioration après l'opération, elle aurait sans doute renoncé à l'opération ;

- avant application du taux de perte de chance, les préjudices doivent être évalués à 395,60 euros pour le déficit fonctionnel temporaire, sur la base de 23 euros par jour d'incapacité totale et à 6 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent évalué à 5 %, à 6 000 euros pour les souffrances endurées et à 2 500 euros pour le préjudice esthétique ; le préjudice sexuel, dont l'existence ne peut être niée eu égard à sa rupture conjugale, aux conséquences psychologiques des complications de l'opération et aux infections vaginales à répétition dont elle souffre, peut être évalué à 15 000 euros ; le préjudice d'établissement, constitué par l'impossibilité psychologique de reprendre une vie sexuelle alors qu'elle était en couple avant l'opération, avec le désir de fonder une famille, peut être fixé à 50 000 euros ; les complications post-opératoires, le retentissement psychologique, l'abandon de son projet de vie familiale et la peur d'être davantage exposée aux maladies sexuellement transmissibles lui causent un préjudice psychologique, distinct du déficit fonctionnel permanent, qui peut être fixé à 10 000 euros ;

- elle a également subi un préjudice d'impréparation eu égard au choc psychologique consécutif aux conséquences désastreuses de l'opération ; il peut être évalué à 5 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 2 novembre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SELARL Birot-Ravaut et associés, conclut à sa mise hors de cause.

Il fait valoir que :

- l'intervention chirurgicale qu'a subie Mme B... n'entre pas dans le champ d'application des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, en l'absence de finalité préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructive ;

- les seuils de gravité prévus pour l'engagement de la solidarité nationale sur le fondement de ces dispositions ne sont, en tout état de cause, pas atteints.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Rochelle, agissant pour le compte de celle de Tulle, a indiqué le 8 novembre 2021 n'avoir pas de créance à faire valoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2023, le centre hospitalier de Brive, représenté par le cabinet Le Prado - Gilbert, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation ou, à défaut, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 mars 2021.

Il fait valoir que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le défaut d'information sur les risques encourus n'a pas privé Mme B... d'une chance de se soustraire à la réalisation du dommage, dès lors que l'intervention chirurgicale a eu lieu à la demande expresse de l'intéressée en raison des troubles fonctionnels et esthétiques qu'elle subissait, notamment des infections locales à répétition et des douleurs au moment du rapport sexuel ; même dûment informée, elle n'aurait pas renoncé à l'opération ; au demeurant, même si aucune information écrite et signée par la patiente ne figure au dossier, il lui a été délivré oralement, à l'occasion de la consultation du 24 avril 2016, toutes les informations relatives à l'intervention, et elle a disposé d'un délai de réflexion de 38 jours ;

- le taux de perte de chance ne saurait être supérieur à 20 % pour ces mêmes raisons ;

- l'indemnisation allouée par le tribunal au titre du déficit fonctionnel temporaire est supérieure à ce que demandait Mme B... ; en outre, ce préjudice doit être évalué sur la base de 13 euros par jour d'incapacité totale ;

- les souffrances endurées ont été correctement évaluées par les premiers juges ;

- le préjudice esthétique ne saurait dépasser 1 000 euros, avant application du taux de perte de chance, et l'indemnisation de 500 euros allouée par le tribunal à ce titre doit être revue à la baisse ;

- la demande d'indemnisation d'un préjudice sexuel ne peut être qu'être rejetée, la réalité de ce préjudice n'étant pas établie, pas plus que le lien de causalité entre celui-ci et les séquelles de l'intervention ; alors que la patiente subissait auparavant une perturbation de sa vie intime, il n'est pas établi que sa rupture conjugale soit en lien direct avec les séquelles de l'intervention ; par ailleurs, l'expert a estimé qu'aucune lésion n'empêchait un retour à une vie sexuelle normale ; il n'est pas davantage établi que les infections vaginales dont elle est victime soient la conséquence de l'intervention ;

- le préjudice psychologique est déjà réparé au titre du préjudice fonctionnel permanent ;

- les séquelles de l'opération ne compromettant pas ses chances de fonder une famille, la demande au titre du préjudice d'établissement doit être rejetée ;

- la requérante n'est pas fondée à demander que le préjudice d'impréparation, évalué à 1 000 euros par le tribunal, soit porté à 5 000 euros, faute de démontrer des troubles plus importants que ceux ayant donné lieu à réparation.

Par décision du 27 mai 2021, Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., alors âgée de 25 ans, a subi une intervention chirurgicale au centre hospitalier de Brive le 3 juin 2016, afin de corriger une hypertrophie vulvaire bilatérale et de retirer, par la même occasion, un kyste sébacé de la petite lèvre gauche. Lors d'une consultation post-opératoire le 20 juin, le chirurgien ayant pratiqué l'opération de résection par lambeau triangulaire a constaté une complication par lâchage des sutures et l'a adressée à un chirurgien plastique. Ce dernier, après avoir également constaté une dévascularisation de la grande lèvre gauche, a réalisé, le 28 juin 2016, une exérèse et une symétrisation des lèvres donnant lieu à une quasi-vulvectomie. L'état de santé de Mme B... a été considéré comme consolidé le 1er septembre 2016.

2. Mme B... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Limoges afin que soit ordonnée une expertise médicale. Au vu du rapport déposé le 31 mars 2018, elle a sollicité la condamnation du centre hospitalier de Brive à lui verser la somme de 74 316,48 euros en réparation des préjudices subis du fait du défaut d'information sur les risques encourus. Par un jugement du 4 mars 2021, le tribunal administratif de Limoges a condamné le centre hospitalier de Brive à verser à Mme B... une indemnité de 3 650 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2018, et mis à la charge de l'établissement les frais d'expertise pour un montant de 1 500 euros. Par la présente requête, Mme B... demande la réformation du jugement en tant qu'il a retenu un taux de perte de chance à hauteur de 20 % et refusé l'indemnisation des préjudices sexuel, d'établissement et psychologique, et sollicite que l'indemnisation soit portée, après application d'un taux de perte de chance de 50 %, à la somme de 47 447,80 euros. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier de Brive demande l'annulation du jugement ou, à tout le moins, sa réformation afin de limiter le montant des sommes allouées.

Sur le droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale :

3. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". Aux termes de l'article D. 1142-1 de ce code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; / 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. "

4. Il résulte de l'instruction que, si Mme B... demeure atteinte d'un déficit fonctionnel permanent à la suite de la nymphoplastie qu'elle a subie le 3 juin 2016, cette incapacité a été évaluée, par l'expert, à 5 %. En outre, elle n'a subi ni déficit fonctionnel temporaire supérieur à 50 % pendant six mois, ni répercussion professionnelle, ni troubles particulièrement graves dans les conditions d'existence. Par suite, l'ONIAM, à l'encontre duquel Mme B... ne présente d'ailleurs aucune conclusion, est fondé à demander sa mise hors de cause.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Brive :

5. Aux termes des dispositions du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ". Aux termes de l'article L. 1111-2 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. (...) ". Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.

6. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.

7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'au cours de la consultation pré-opératoire du 25 avril 2016, le gynécologue obstétricien a donné quelques informations à Mme B... sur l'intervention envisagée en recourant à un schéma explicatif. La nature de ce document, au demeurant non produit, pas plus que le courrier adressé par le praticien au gynécologue habituel de Mme B... et établi au cours de la consultation, ne sont de nature à établir que Mme B... aurait reçu l'ensemble des informations prévues par les dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, lui permettant de donner son consentement éclairé sur l'intervention, et notamment celles relatives aux risques fréquents ou graves normalement prévisibles que cet acte de nymphoplastie comportait. Dans ces conditions, alors qu'aucune urgence n'était caractérisée et que le praticien n'était pas dans l'impossibilité de délivrer cette information, et qu'il n'est ni établi ni même allégué par le centre hospitalier que ces risques ne seraient ni graves, ni fréquents, ce défaut d'information, qui a privé Mme B... de la possibilité de se soustraire au risque qui s'est réalisé, est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement.

8. Il résulte de l'instruction que Mme B... a souhaité subir une nymphoplastie, afin de remédier à une hypertrophie vulvaire bilatérale et de supprimer un kyste mal placé, occasionnant des douleurs lors des rapports sexuels. La circonstance que l'intéressée soit à l'origine de cette intervention n'est pas de nature, contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier, à remettre en cause l'existence d'une chance perdue, en raison du défaut d'information, d'éviter que le dommage ne survienne. Par ailleurs, cette intervention chirurgicale relevait, selon l'expert, de " critères fonctionnels et esthétiques " et ne présentait aucun caractère d'urgence, ni de nécessité absolue. Dans ces conditions, le défaut d'information sur les risques encourus par cette opération doit être regardé comme ayant fait perdre à Mme B... une chance de se soustraire à la réalisation du dommage, qui peut être évaluée, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, à 20 %.

Sur les préjudices :

9. La consolidation de l'état de santé de Mme B... peut être fixée, ainsi que cela ressort du rapport d'expertise, au 1er septembre 2016.

10. Mme B... a subi une incapacité temporaire totale du 3 au 6 juin, puis du 28 juin au 2 juillet 2016, ainsi qu'une incapacité temporaire partielle de 10 % du 6 au 28 juin puis du 2 juillet au 31 août 2016. Le déficit fonctionnel temporaire peut ainsi être fixé, sur la base de 600 euros par mois pour une incapacité totale, à 348 euros. Il y a lieu d'allouer à Mme B..., après application du taux de perte de chance, la somme de 70 euros à ce titre.

11. Les souffrances endurées avant la date de consolidation ont été évaluées par l'expert à trois sur une échelle de sept, en tenant compte des deux interventions sous anesthésie générale et des douleurs périnéales de cicatrisation aléatoire entre le 6 et le 28 juin. Il y a lieu de fixer ce préjudice à 4 000 euros et d'allouer à Mme B..., compte tenu du taux de perte de chance, la somme de 800 euros.

12. Le déficit fonctionnel permanent a été évalué par l'expert à 5 %. Eu égard à l'âge de Mme B... lors de la consolidation, le préjudice subi doit être fixé à 6 000 euros. La somme imputable au centre hospitalier, compte tenu du taux de perte de chance, s'élève à 1 200 euros.

13. Le préjudice esthétique après consolidation a été évalué par l'expert à un sur une échelle de sept, en raison d'une réduction labiale plus importante qu'attendue. Il ressort en effet de l'expertise que la seconde intervention a consisté en l'exérèse de la quasi-totalité des grandes lèvres. Dans ces conditions, le préjudice subi par Mme B... peut être évalué à 2 500 euros, et la part imputable au centre hospitalier, compte tenu du taux de perte de chance, à 500 euros.

14. Si l'expert a relevé qu'aucune lésion n'interdit le " retour à une sexualité active et satisfaisante ", il a également noté que " les complications chirurgicales aboutissent à un certain déni de l'aspect externe ". Il résulte en outre de l'instruction que le retentissement psychologique des complications subies est important, Mme B... s'estimant incapable d'envisager à nouveau des relations sexuelles, et que les douleurs lors d'une tentative sont également dissuasives. Il n'est, en revanche, pas démontré que les infections vaginales dont Mme B... souffre régulièrement depuis l'intervention seraient la conséquence directe et certaine de l'intervention du 3 juin 2016, alors au demeurant que, d'après le rapport d'expertise, le kyste mal placé qui a été enlevé contribuait à des infections locales régulières. Dans ces conditions, le préjudice sexuel peut être évalué à 10 000 euros et la part imputable au centre hospitalier, compte tenu du taux de perte de chance, peut être fixée à 2 000 euros.

15. Alors même que l'intéressée s'est séparée de son conjoint, il ne ressort d'aucune pièce médicale que les complications qu'elle a connues l'empêcheraient définitivement d'avoir des enfants et de fonder une famille. Dans ces conditions, le préjudice d'établissement ne peut être retenu.

16. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

17. Mme B... a nécessairement subi un préjudice moral, résultant de la découverte des conséquences non anticipées de l'intervention chirurgicale, qui peut être évalué à 1 000 euros.

18. Mme B... n'est en revanche pas fondée à solliciter l'indemnisation d'un préjudice psychologique qui résulterait de la difficulté à envisager à nouveau des relations sexuelles et une vie conjugale et à la peur d'être davantage exposée aux maladies sexuellement transmissibles, dès lors que ce préjudice est nécessairement inclus dans le déficit fonctionnel permanent et dans le préjudice sexuel déjà indemnisés.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la somme que le centre hospitalier de Brive a été condamné à verser à Mme B... par le tribunal administratif de Limoges doit être portée de 3 650 euros à 5 570 euros.

Sur les frais liés au litige :

20. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Brive le versement à Me Renaudie de la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : L'ONIAM est mis hors de cause.

Article 2 : La somme que le centre hospitalier de Brive a été condamné à verser à Mme B... par le tribunal administratif de Limoges est portée de 3 650 euros à 5 570 euros.

Article 3 : Le centre hospitalier de Brive versera à Me Renaudie la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au centre hospitalier de Brive, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime et à Me Renaudie.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2023.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX01304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01304
Date de la décision : 29/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-29;21bx01304 ?
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