Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 19 mars 2019 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de sa pathologie apparue le 23 avril 2018 comme une rechute de son accident de travail du 24 juin 2014 reconnu imputable au service, et d'enjoindre au CHU de Bordeaux de reconnaître l'imputabilité au service de la rechute de son accident de travail.
Par un jugement n° 1903147 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire enregistrée le 5 mars 2021, un mémoire ampliatif enregistré le 18 mai 2021 et un mémoire, enregistré le 9 janvier 2023, Mme F..., représentée par Me Crécent, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la décision du 19 mars 2019 par laquelle le directeur général du CHU de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de sa pathologie apparue le 23 avril 2018 comme une rechute de son accident de travail du 24 juin 2014 ;
3°) d'ordonner une expertise contradictoire destinée à établir l'existence d'une rechute de son accident de service ;
4°) d'enjoindre au CHU de Bordeaux de reconnaître l'imputabilité au service de la rechute de son accident de travail ;
5°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
-le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas statué sur l'ensemble des moyens soulevés ; en particulier, il n'a ni visé sa demande d'expertise, ni répondu à celle-ci ;
- en outre, la minute du jugement n'est pas signée ;
-la décision litigieuse est entachée d'incompétence, faute d'une délégation de signature régulièrement édictée et publiée, celle produite ne couvrant pas la nature de la décision attaquée ;
-elle est également entachée d'une insuffisance de motivation, dès lors que les motifs qui ont permis de ne pas retenir l'avis de la commission de réforme ne sont pas exposés ;
-elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article 41 de la loi du
9 janvier 1986, ainsi que d'une erreur d'appréciation, comme le montre l'avis favorable à l'unanimité de la commission de réforme ; le Dr D..., qui prétend qu'il existait un état antérieur, n'est pas chirurgien orthopédique, non plus que le Dr C... ; en tout état de cause, elle n'est toujours pas déclarée consolidée ;
-elle entend reprendre tous ses moyens de première instance ;
-au regard des avis contradictoires des médecins, elle sollicite une expertise judiciaire contradictoire destinée à établir l'absence d'état antérieur et l'existence d'une rechute de son accident de service.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 septembre 2021 et le
14 février 2023, le CHU de Bordeaux, représenté par Me Coussy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme F... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
-les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés ;
-une nouvelle expertise n'apparait pas utile, car les avis des seuls médecins qui se sont prononcés, avant comme après l'avis de la commission de réforme, sont concordants.
Par une ordonnance du 15 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 mars 2023.
Mme F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du
25 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dumet, représentant le CHU de Bordeaux.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... F... exerce ses fonctions d'aide-soignante au sein du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux. Le 24 juin 2014, à la suite d'une chute après glissade sur une flaque d'eau, elle a été victime d'une entorse à la cheville. Cet accident a été reconnu imputable au service, et la date de consolidation a été fixée au 22 juillet 2015 par décision du directeur du CHU du 30 juin 2016. Le 26 avril 2018, elle a sollicité la reconnaissance de troubles de santé constatés le 23 avril 2018 comme une rechute de son accident de service. Le 8 novembre 2018, la commission départementale de réforme a émis un avis favorable à cette reconnaissance. Toutefois, par décision du 19 mars 2019, le directeur général du CHU de Bordeaux a rejeté sa demande. Mme F... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 décembre 2020, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Dans un mémoire en réplique, enregistré le 22 novembre 2020, qui n'a pas été communiqué, Mme F... a présenté une demande tendant à ce que soit ordonnée une expertise contradictoire. Le tribunal n'a pas visé ni analysé cette conclusion et n'y a pas répondu. Dans ces conditions, Mme F... est fondée à soutenir qu'en raison de cette omission à statuer, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, ce jugement doit être annulé. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme F....
Sur la légalité de la décision contestée:
3. En premier lieu, aux termes de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature ".
4. La décision en litige est signée par Mme E... A..., responsable de la cellule maintien dans l'emploi du CHU de Bordeaux, qui bénéficiait d'une délégation de signature en date du 6 mars 2015, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la Gironde, l'habilitant à signer notamment, en l'absence ou en cas d'empêchement du directeur du département des ressources humaines, tous les documents relatifs aux positions statutaires des agents. Contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que cette délégation ne visait pas expressément la reconnaissance de l'imputabilité au service de maladies ou accidents n'est pas de nature à permettre d'écarter la compétence de Mme A..., dès lors qu'une telle reconnaissance a une incidence sur la position, de congé maladie ordinaire ou imputable au service, qu'il y a lieu d'assigner à l'agent. Par ailleurs, il n'est pas établi ni même allégué que le directeur du département des ressources humaines n'aurait pas été absent ou empêché à la date d'édiction de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la décision contestée vise les textes applicables, notamment la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ainsi que la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et en particulier son article 41. Elle vise ensuite les conclusions de l'expertise médicale du Dr C... du 22 juin 2018, l'avis de la commission départementale de réforme du
8 novembre 2018, puis les conclusions de la " contre-expertise " du Dr D... du
23 janvier 2019. Enfin, elle indique que la demande de Mme F... est rejetée au motif que " les troubles et les lésions qui motivent le certificat médical de rechute ne sont pas en lien direct et exclusif avec l'accident de service du 24 juin 2014 ; ils sont en lien avec une pathologie non imputable au service ", motif qui cite la conclusion de la dernière expertise rendue après l'avis de la commission de réforme. Ce faisant, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision expose suffisamment les raisons pour lesquelles le CHU n'a pas suivi l'avis de la commission de réforme, par lequel il n'était au demeurant pas lié. Dans ces conditions, la décision du 19 mars 2019 est suffisamment motivée en droit comme en fait.
6. En troisième lieu, aux termes du deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable : " (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". Lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice de ces dispositions est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de la pathologie du fonctionnaire, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain, mais non nécessairement exclusif, avec l'accident de service.
7. Il ressort des pièces du dossier que, le 26 avril 2018, Mme F... a communiqué au CHU de Bordeaux un certificat médical en sollicitant la reconnaissance de troubles de santé constatés le 23 avril précédent comme une rechute de son accident reconnu imputable au service, l'entorse dont elle avait été victime le 24 juin 2014. Si, comme le fait valoir la requérante, la commission de réforme, a, le 8 novembre 2018, rendu un avis favorable à l'unanimité au rattachement des troubles invoqués en avril 2018 à l'accident du 24 juin 2014, au motif que " Les lésions décrites lors de la rechute du 23 avril 2018 sont consécutives aux lésions décrites sur le certificat initial du 24 juin 2014 et sur le rapport du Dr D... le 27 janvier 2018 - concordance entre les lésions - imputabilité - état non consolidé ", le rapport d'expertise de ce même Dr D..., rhumatologue et médecin agréé, en date du 23 janvier 2019, indique lui, que " Les troubles et lésions qui motivent le certificat médical de rechute du 23 avril 2018 ne sont pas en lien direct exclusif et certain avec l'accident de service du 24 juin 2014, ils sont imputables à une pathologie non imputable au service ", motivation qui a été reprise par la décision attaquée. Dans une autre expertise en date du 22 janvier 2016, le Dr D... avait par ailleurs estimé qu'il existait un état antérieur à l'entorse de 2014 pour refuser de reconnaître un lien entre une rechute alors alléguée et l'accident, ce qui avait donné lieu à un refus de reconnaissance d'imputabilité au service alors non contesté.
8. Mme F... conteste tant les conclusions du Dr D... que la motivation retenue par la décision attaquée, et sollicite une expertise. Toutefois, la circonstance que le Dr D... soit rhumatologue et non chirurgien orthopédique ne le rendait pas incompétent pour se prononcer sur les lésions dont souffre Mme F.... Par ailleurs, la requérante ne produit pas le certificat médical du 26 avril 2018, n'indique pas la nature des " troubles de santé " dont elle se plaint au titre de la rechute alléguée, et elle n'avait produit en première instance que deux certificats, l'un en date du 13 mai 2015, émanant d'un médecin généraliste, exposant que son accident de juin 2014 a entraîné une entorse de la cheville droite, mais aussi " une fissure du tendon tibial postérieur qui n'avait pas été diagnostiquée à ce moment-là " et qui lui génère toujours des douleurs importantes à la date du certificat, l'autre en date du 10 janvier 2019, émanant d'un autre médecin généraliste, affirmant qu'elle ne présentait pas d'état antérieur pathologique sur sa cheville droite, sans aucun historique de consultations permettant d'apprécier si ce médecin suivait cette patiente depuis longtemps. Dans ces conditions, Mme F... n'apporte pas d'éléments suffisants justifiant qu'une expertise soit ordonnée aux fins de vérifier l'existence d'un lien avec son accident que deux médecins successifs ont dénié, et c'est à bon droit et sans erreur d'appréciation que le directeur du CHU de Bordeaux a refusé de considérer les troubles et lésions invoqués au mois d'avril 2018 comme présentant un lien avec son accident de service du 24 juin 2014.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 19 mars 2019.
Sur les frais liés au litige :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1903147 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions du CHU de Bordeaux présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... et au centre hospitalier universitaire de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2023.
La rapporteure,
Florence Rey-Gabriac
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX01009