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29/06/2023 | FRANCE | N°21BX00620

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 29 juin 2023, 21BX00620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Clinique Franciscéas a demandé au tribunal administratif de la Réunion, d'une part, d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de l'Océan Indien lui a refusé une autorisation d'activité de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) adultes, en hospitalisation complète et en hospitalisation à temps partiel, sur le territoire Sud pour les prises en charge polyvalentes et spécialisées des affections liées aux conduites addicti

ves, ainsi que le rejet implicite, né le 9 août 2018, du silence gardé par le mi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Clinique Franciscéas a demandé au tribunal administratif de la Réunion, d'une part, d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de l'Océan Indien lui a refusé une autorisation d'activité de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) adultes, en hospitalisation complète et en hospitalisation à temps partiel, sur le territoire Sud pour les prises en charge polyvalentes et spécialisées des affections liées aux conduites addictives, ainsi que le rejet implicite, né le 9 août 2018, du silence gardé par le ministre en charge de la santé sur son recours hiérarchique, et, d'autre part, d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le directeur général de l'ARS a accordé à la SAS CRF Jeanne d'Arc, pour sa clinique des Eucalyptus, une telle autorisation d'activité ainsi que le rejet implicite, né le 9 août 2018, du silence gardé par le ministre en charge de la santé sur son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1800857, 1800858 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de la Réunion, après avoir joint les deux demandes, les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 16 février 2021, 16 septembre 2022 et 11 novembre 2022, la SARL Clinique Franciscéas, représentée par la société d'avocats Fidal, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Réunion du 17 décembre 2020 ;

2°) d'annuler les deux décisions du directeur général de l'ARS de l'Océan indien du 12 décembre 2017, ainsi que les deux décisions implicites rejetant ses recours hiérarchiques ;

3°) d'enjoindre à l'ARS de la Réunion de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'ARS de la Réunion la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision lui refusant la délivrance d'une autorisation d'activités :

- l'ARS n'a pas respecté le délai franc de quinze jours, prévu par l'article R. 6122-30 du code de la santé publique, entre la publication du bilan quantifié de l'offre de soins et l'ouverture de la période de recevabilité des dossiers déposés par les candidats, ce qui l'a privée de la possibilité de déposer un dossier dans les conditions optimales, notamment quant aux conventions et partenariats nécessaires ;

- la décision du 12 décembre 2017 et la décision rejetant son recours hiérarchique sont insuffisamment motivées ; la décision du 12 décembre 2017 n'explique pas les précisions et les éléments de preuve qui étaient attendus, alors que la société disposait de ceux-ci sur les deux thématiques évoquées dans la décision et que la société concurrente n'a apporté aucun élément de preuve ;

- l'ARS n'a pas procédé à un examen comparatif des mérites des deux dossiers concurrents, dès lors que les points forts du dossier retenu ne correspondent pas aux points faibles du dossier écarté ; son projet est le seul à répondre aux besoins de santé identifiés dans le schéma d'organisation des soins ; certains éléments retenus au bénéfice du projet de la SAS CRF Jeanne d'Arc sont en contradiction avec les affirmations contenues dans le rapport d'instruction rendu sur la demande que cette société avait déposée quelques mois auparavant, notamment s'agissant du besoin en SSR polyvalents, qui a disparu ; seul le groupe Les Flamboyants auquel appartient la clinique Franciscéas fait partie de la filière addictologie du territoire, et la société concurrente n'a pas prévu de partenariat avec le secteur de la psychiatrie ;

- elle est la seule à avoir proposé une complémentarité avec le secteur de la psychiatrie, alors qu'il s'agissait d'un objectif du schéma d'organisation des soins ; le projet concurrent, centré sur l'alcoologie, comporte très peu d'éléments sur le sevrage psychologique des patients ; il ne pouvait lui être reproché de mettre en exergue la complémentarité avec d'autres activités SSR exercées par des établissements du même groupe ;

- elle a dûment justifié des démarches engagées auprès de partenaires pour répondre aux besoins de santé, à la différence de son concurrent dont le rapport d'instruction de la précédente demande mentionnait seulement trois partenariats sans pièce justificative à l'appui ; elle a apporté davantage de précisions que sa concurrente sur la consolidation du sevrage en aval, comme le démontre le rapport d'instruction de la précédente demande de la SAS ; son offre reposait notamment sur une équipe de praticiens et professionnels de santé comptant cinq psychiatres libéraux au sein du groupe ou à proximité immédiate de la clinique ;

S'agissant de la décision accordant une autorisation d'activités à la SAS CRF Jeanne d'Arc :

- la décision est insuffisamment motivée, pour les mêmes raisons que celles précédemment énoncées ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ainsi qu'il a été démontré pour l'autre décision ; l'ARS ne pouvait délivrer à la SAS une autorisation d'implantation de SSR polyvalents, alors que le schéma d'organisation des soins précise que les patients doivent être pris en charge par des établissements exerçant une activité SSR spécialisée et pas par des SSR polyvalents ne disposant pas de plateaux techniques ; en outre, le besoin de SSR polyvalents n'existait plus, ainsi que l'a relevé le rapporteur chargé d'instruire la précédente demande de la SAS, du fait de l'ouverture de la clinique Bethesda en 2016 ; la Clinique Jeanne d'Arc ne se prévaut que de partenariats envisagés.

Par deux mémoires, enregistrés les 7 janvier 2022 et 18 octobre 2022, la SAS CRF Jeanne d'Arc, représentée par la SELARL W et S, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Clinique Franciscéas de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- contrairement à ce qui a été jugé, l'arrêté fixant le bilan quantitatif de l'offre de soins a été publié quinze jours au moins avant l'ouverture de la période de dépôt des demandes ; en toute hypothèse, l'éventuel non-respect du délai de quinze jours n'a pas exercé d'influence sur le sens de la décision, ni privé l'intéressée d'une garantie ;

- la motivation développée dans la décision refusant l'autorisation est suffisante pour apprécier les motifs ayant conduit à choisir son offre, notamment en précisant les conventions et partenariats, ce qui a d'ailleurs permis à la société requérante de les contester dans son recours hiérarchique ;

- les points forts ayant justifié le choix de son offre correspondent aux points faibles de l'offre de la société Franciscéas, ainsi que cela ressort des deux décisions ; la différence s'est faite sur la consolidation du sevrage en aval du sevrage hospitalier et les partenariats noués avec les autres acteurs du territoire sud ;

- la complémentarité entre l'addictologie et la psychiatrie, que le plan d'action 2012-2016 cite aux côtés de nombreux autres objectifs, ne pouvait être regardée comme un critère prépondérant pour le choix des offres ; son projet prévoyait le recrutement d'un psychiatre à mi-temps, ce que ne prévoyait pas l'offre concurrente ;

- l'ARS n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; à la suite du rejet de sa précédente demande, la SAS a retravaillé son dossier en rencontrant tous les acteurs impliqués dans l'addictologie, à l'inverse de la société requérante dont le travail partenarial était peu avancé à la date du dépôt de la demande, ce que n'ont pas manqué de relever, tant le rapporteur des deux projets que les décisions prises à l'issue de l'instruction ; certaines des pièces que la requérante produit sont postérieures à la période de dépôt des demandes et ne font que révéler le caractère incomplet de son dossier ; elle a justifié de son intention de consolider les sevrages en aval des sevrages hospitaliers et de favoriser la réinsertion des patients, et la société requérante n'établit pas que les mesures proposées seraient moins précises que celles qu'elle a elle-même mises en avant ; elle a sollicité une autorisation pour exercer une activité de SSR polyvalents et une activité spécialisée, ce qui n'est pas le cas de la demande adverse ; les pièces produites démontrent le besoin d'une nouvelle implantation de prises en charge SSR polyvalentes, ce que n'a jamais contesté auparavant la société Franciscéas ; la position du rapporteur devant le CSOS qui a estimé que les besoins avaient évolué depuis l'adoption du projet de santé du fait de la création de la clinique Bethesda et de ses 90 lits, est entachée d'une erreur matérielle, dès lors que cet établissement avait déjà été pris en compte lors de la formulation des besoins dans le projet de santé ; son dossier de candidature répondait au besoin identifié et ne pouvait être écarté pour le motif qu'elle ne disposait pas de plateau technique préexistant, la société ayant déposé un dossier de création d'un nouvel établissement.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2022, l'ARS de la Réunion conclut au rejet de la requête en toutes ses conclusions.

Elle fait valoir que :

- l'arrêté fixant le bilan quantitatif de l'offre de soins a été publié le 17 mai 2017, soit quinze jours avant le début de la période de dépôt des offres ; en tout état de cause, il n'est pas démontré qu'un éventuel non-respect du délai de quinze jours aurait exercé une influence sur le sens de la décision ou aurait privé l'intéressée d'une garantie ;

- l'arrêté refusant l'autorisation d'activités est suffisamment motivé, puisqu'il souligne notamment le fait que l'offre concurrente est plus précise sur plusieurs points et répond davantage à l'exigence de travail partenarial avec les autres acteurs ;

- contrairement à ce qui est soutenu, les motifs de la décision sont cohérents avec ceux de la décision accordant une autorisation à la SAS CRF Jeanne d'Arc ;

- le besoin en SSR polyvalents est déterminé par l'arrêté fixant le bilan quantitatif de l'offre de soins, et une éventuelle disparition du besoin ne peut être actée que par une révision du projet de santé, ce qui n'a pas été le cas ;

- elle n'avait aucune obligation, dans sa prise de décision, d'exiger d'un candidat une complémentarité entre l'activité de SSR liés aux conduites addictives et un service de psychiatrie, dès lors qu'une telle nécessité n'est définie ni par le code de la santé publique, ni par les circulaires des 16 mai 2007 et 26 septembre 2008 relatives aux soins en addictologie ;

- la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; la société requérante n'a pas estimé opportun d'accompagner sa demande d'autorisation de pièces justificatives permettant d'apprécier la mission de consolidation de sevrage en aval des sevrages hospitaliers d'addictologie et de réinsertion du patient, et s'est prévalue d'engagements à venir sans apporter la preuve de leur réalité ; certaines conventions produites dans le cadre de l'instance sont postérieures à la période de dépôt des offres ; alors que l'offre concurrente a développé une synergie avec les acteurs du territoire et les structures d'aval, conformément au plan d'action 2012-2016 du schéma d'organisation des soins, qu'elle a été réalisée en étroite collaboration avec le site Sud du CHU et qu'elle permet d'accroître l'offre de prises en charge SSR polyvalentes, l'offre de la société requérante apparaît davantage centrée sur les patients des services de rééducation fonctionnelle, en complémentarité avec les autres spécialités du SSR et les patients du service de la psychiatrie ;

- la demande au titre des frais n'est pas justifiée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Beauthier de Montalembert, représentant la Sarl Clinique Franciscéas et celles de Me Lefranc Barthe, représentant la SAS CRF Jeanne d'Arc.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 février 2017, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de l'Océan indien a fixé, en application des articles L. 6122-9 et R. 6122-29 du code de la santé publique, les périodes de l'année 2017 au cours desquelles pouvaient être reçues les demandes d'autorisation ou de renouvellement d'autorisation portant sur des activités de soins ou équipements matériels lourds. Puis, en application de l'article R. 6122-30 du même code, il a arrêté, le 16 mai 2017, le bilan quantifié de l'offre de soins en prévoyant que, compte tenu des besoins identifiés par le schéma régional d'organisation des soins (SROS) non couverts par les autorisations existantes, une nouvelle autorisation d'activité de Soins de Suite et de réadaptation (SSR) adultes en hospitalisation complète et en hospitalisation à temps partiel pourrait être accordée sur le territoire Sud de la Réunion pour la première période de dépôt, avec la possibilité d'autoriser des prises en charge spécialisées pour les affections " conduites addictives ". Deux sociétés, la SARL Franciscéas et la SAS CRF Jeanne d'Arc, ont déposé une demande dans le délai imparti. Par deux décisions du 12 décembre 2017, le directeur général de l'ARS de l'Océan indien a, d'une part, délivré une autorisation d'activité à la SAS CRF Jeanne d'Arc pour son site du centre " Les Eucalyptus " et, d'autre part, rejeté la demande de la société Franciscéas pour son site de la Clinique Franciscéas. Cette dernière a formé des recours hiérarchiques contre ces deux décisions en application de l'article L. 6122-10-1 du code de la santé publique, qui ont été implicitement rejetés en raison du silence gardé pendant six mois par le ministre en charge de la santé. La SARL Clinique Franciscéas a saisi le tribunal administratif de la Réunion afin de demander l'annulation de ces décisions. Par jugement du 17 décembre 2020 dont la société relève appel, le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur la légalité de la décision refusant l'autorisation à la SARL Franciscéas :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Aux termes de l'article L. 6122-9 du code de la santé publique : " L'autorisation d'activités ou d'équipements relevant d'un schéma régional est donnée ou renouvelée par l'agence régionale de santé après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire. / (...) le directeur général de l'agence régionale de santé publie un bilan quantitatif de l'offre de soins faisant apparaître les zones mentionnées au a du 2° de l'article L. 1434-9 dans lesquelles cette offre est insuffisante au regard du schéma régional ou interrégional de santé. (...) La décision de l'agence régionale de santé (...) est motivée. (...) ". Aux termes de l'article R. 6122-30 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Le bilan quantifié de l'offre de soins prévu par le quatrième alinéa de l'article L. 6122-9 est arrêté par le directeur général de l'agence régionale de santé et publié quinze jours au moins avant l'ouverture de chacune des périodes mentionnées à l'article R. 6122-29. / (...) / Il est publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région et demeure affiché au siège de l'agence régionale de santé concernée tant que la période de réception des dossiers n'est pas close. (...) ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 16 mai 2017 fixant le bilan quantifié de l'offre de soins a été publié le 17 mai 2017, soit quatorze jours avant l'ouverture, le 1er juin 2017, de la période de deux mois au cours de laquelle les demandes pouvaient être déposées. Alors que la SARL Franciscéas a transmis sa demande le 31 juillet 2017, date limite de dépôt des offres, elle n'établit pas en quoi cette méconnaissance du délai de quinze jours de publication du bilan quantifié de l'offre de soins l'aurait empêchée de déposer une demande plus étayée, et notamment de faire état de conventions ou partenariats qu'elle s'est abstenue de produire. Dans ces conditions, cette circonstance est demeurée sans incidence sur le sens de la décision, et n'a privé l'intéressée d'aucune garantie.

4. En second lieu, la décision en litige vise, notamment, les arrêtés du directeur général de l'ARS de l'Océan indien du 29 juin 2012 portant adoption du projet de santé de la Réunion et de Mayotte, du 6 février 2017 fixant les périodes de dépôt des demandes d'autorisation pour l'année 2017, et du 16 mai 2017 fixant pour la Réunion le bilan quantifié de l'offre de soins. Après avoir rappelé l'objet de la demande déposée par la Sarl Franciscéas et indiqué que, deux offres concurrentes ayant été présentées pour une seule implantation avec spécialisations, il convenait d'examiner leurs mérites respectifs, elle précise les éléments du diagnostic territorial du schéma d'organisation des soins dans son volet SSR et expose les objectifs du plan d'action du SROS pour la période 2012-2016. La décision présente, ensuite, les éléments qui caractérisent l'offre de la SARL Franciscéas, notamment en termes de dimensionnement en précisant les données relatives à l'hospitalisation complète et à l'hospitalisation de jour, avant d'énoncer les raisons qui conduisent l'ARS à l'écarter. L'ARS estime que, si l'offre de la SARL Franciscéas est conforme aux attentes, cette offre ne développe pas suffisamment le travail à effectuer sur la consolidation du sevrage en aval des sevrages hospitaliers d'addictologie, la complémentarité avec les services hospitaliers, l'accompagnement spécifique des patients dans la réinsertion sociale, familiale et professionnelle. Elle l'estime non prioritaire par rapport à la demande du promoteur concurrent qui apporte une meilleure réponse sur ce point, ainsi que sur la démarche engagée auprès des partenaires pour répondre aux spécificités du territoire sud. Ces motifs sont suffisants pour permettre au destinataire de la décision de comprendre les raisons qui ont conduit à écarter sa demande et, le cas échéant, de les contester, ce que la société a d'ailleurs fait dans son recours hiérarchique reçu par le ministre de la santé le 9 février 2018. Ainsi la décision, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Aux termes de l'article L. 6122-2 du code de la santé publique : " L'autorisation est accordée lorsque le projet : / 1° Répond aux besoins de santé de la population identifiés par les schémas mentionnés aux articles L. 1434-2 et L. 1434-6 ; / 2° Est compatible avec les objectifs fixés par ce schéma ; / 3° Satisfait à des conditions d'implantation et à des conditions techniques de fonctionnement. (...) ". Aux termes de l'article R. 6122-34 de ce code : " Une décision de refus d'autorisation (...) ne peut être prise que pour l'un ou plusieurs des motifs suivants : (...) 2° Lorsque les besoins de santé définis par le schéma d'organisation des soins sont satisfaits ; (...) 4° Lorsque le projet n'est pas conforme aux conditions d'implantation des activités de soins (...) ".

6. Il n'est pas contesté qu'au regard du bilan quantifié de l'offre de soins concernant les activités de soins de suite et de réadaptation, tel qu'il a été arrêté par le directeur de l'ARS le 16 mai 2017, une seule autorisation d'activité de Soins de Suite et de réadaptation (SSR) adultes en hospitalisation complète et en hospitalisation à temps partiel, avec la prise en charge spécialisée pour les affections " conduites addictives ", pouvait être accordée sur le territoire Sud de la Réunion. A cet égard, la société requérante ne peut sérieusement soutenir que le besoin en SSR polyvalents aurait disparu depuis l'adoption du schéma d'organisation des soins et que cela faisait obstacle à la demande de la SAS CRF Jeanne d'Arc qui ne disposait pas d'une telle autorisation. Ce besoin ressort, en effet, de l'arrêté du 16 mai 2017 dont elle ne conteste pas la légalité et sa réalité ne peut être remise en cause au seul vu du rapport d'instruction d'une précédente demande de la société concurrente. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les demandes d'autorisation présentées par la SARL Franciscéas et par la SAS CRF Jeanne d'Arc étaient toutes deux conformes au schéma d'organisation des soins. Dans ces conditions, il appartenait à l'ARS, dans le cadre de son pouvoir général d'appréciation, et après avoir recueilli l'avis de la commission spécialisée d'organisation des soins (CSOS) compétente, d'examiner les mérites respectifs des demandes concurrentes au regard, en particulier, des objectifs fixés par le SROS-PRS.

7. Il ressort des énonciations de la décision en litige que le directeur général de l'ARS a considéré la demande de la SARL Franciscéas non prioritaire au regard de l'offre concurrente, aux motifs qu'elle n'apportait pas suffisamment de précisions sur le travail à effectuer sur la consolidation du sevrage en aval des sevrages hospitaliers d'addictologie, la complémentarité avec ces services et l'accompagnement spécifique des patients dans la réinsertion sociale, familiale et professionnelle, ni sur les démarches engagées auprès des partenaires potentiels pour répondre aux spécificités du territoire sud. Contrairement à ce qui est soutenu, ces motifs sont cohérents avec ceux retenus dans la décision d'autorisation accordée à la SAS CRF Jeanne d'Arc.

8. L'offre de la SARL Franciscéas est fondée sur 50 lits et places de SSR spécialisés pour les affections liées aux conduites addictives, soit 30 lits en hospitalisation complète et 20 places d'hospitalisation de jour, tandis que la SAS CRF Jeanne d'Arc, qui ne disposait pas d'autorisation pour une prise en charge en SSR polyvalents, a prévu une offre de 110 lits et places, dont 70 pour les SSR polyvalents (60 lits et 10 places) et 40 pour les SSR spécialisés (30 lits et 10 places). Il ressort de la demande d'autorisation déposée par la SARL Franciscéas que cette dernière propose de s'appuyer sur les compétences des différents établissements du groupe Les Flamboyants auquel elle appartient et de retenir une approche globale des problèmes d'addiction au sein d'une structure de soins polyvalente. Elle n'a en revanche évoqué qu'à titre de projet, et sans joindre aucun document pertinent, les partenariats et conventions qu'elle pourrait nouer avec les acteurs du territoire sud, qui constituent pourtant l'un des objectifs du SROS. La SAS CRF Jeanne d'Arc a en revanche mis en avant les contacts avancés, noués avec plusieurs établissements et structures d'aval du territoire, qui lui ont notamment permis de construire une offre en lien avec le centre hospitalier universitaire (CHU) afin de répondre à ses besoins, aussi bien sur le volet SSR polyvalents que sur les SSR spécialisés, et de compenser son manque d'expérience dans le champ des addictions. Pour dénoncer des insuffisances du projet adverse, la société requérante ne peut utilement se prévaloir du rapport d'instruction établi sur une précédente demande déposée par la SAS CRF Jeanne d'Arc à propos de la même spécialité et ayant conduit, le 10 avril 2017, à une décision de rejet, d'autant, au demeurant, qu'il ressort des pièces du dossier que cette société a retravaillé son projet, notamment s'agissant des partenariats, avant de déposer une nouvelle demande. Si la SARL Franciscéas soutient être la seule à avoir proposé une réelle complémentarité avec la psychiatrie, alors qu'il s'agissait de l'un des objectifs énoncés par le SROS, il ressort des pièces produites que le recours complémentaire à la psychiatrie pour la prise en charge des addictions n'a pas été oublié par le projet concurrent, qui a notamment prévu le recrutement d'un psychiatre par son centre Les Eucalyptus, alors que la société requérante s'appuie principalement sur les compétences de psychiatres en exercice libéral de la clinique Les Flamboyants sud appartenant au même groupe. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le directeur général de l'ARS n'a pas entaché sa décision de refus d'autorisation, opposée à la SARL Franciscéas, d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision accordant l'autorisation à la SAS CRF Jeanne d'Arc :

9. La décision accordant l'autorisation à la SAS CRF Jeanne d'Arc vise, notamment, les arrêtés du directeur général de l'ARS de l'Océan indien du 29 juin 2012 portant adoption du projet de santé de la Réunion et de Mayotte, du 6 février 2017 fixant les périodes de dépôt des demandes d'autorisation pour l'année 2017, et du 16 mai 2017 fixant pour la Réunion le bilan quantifié de l'offre de soins. Après avoir rappelé l'objet de la demande déposée par la SAS CRF Jeanne d'Arc et indiqué que, deux offres concurrentes ayant été présentées pour une seule implantation, il convenait d'examiner leurs mérites respectifs, elle précise les éléments du diagnostic territorial du schéma d'organisation des soins dans son volet SSR et expose les objectifs du plan d'action du SROS pour la période 2012-2016. La décision présente, ensuite, les éléments qui caractérisent l'offre de la SAS CRF Jeanne d'Arc, notamment en termes de dimensionnement en précisant les données relatives à l'hospitalisation complète et à l'hospitalisation de jour, avant d'énoncer les raisons pour lesquelles ce projet répond aux besoins de santé du territoire sud, en termes aussi bien de SSR polyvalents que de SSR spécialisés. L'ARS souligne que la société a retravaillé son projet après le rejet d'une précédente demande, et apporte davantage de précision sur la consolidation du sevrage en aval de sevrages hospitaliers d'addictologie, la complémentarité avec ces services et l'accompagnement spécifique des patients dans la réinsertion sociale, familiale et professionnelle et sur les démarches engagées auprès des partenaires potentiels pour répondre aux spécificités du territoire. Ainsi, la décision qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée.

10. Ainsi qu'il a été précisé au point 6, le besoin en SSR polyvalents n'avait pas disparu à la date à laquelle l'ARS a arrêté les besoins quantitatifs de l'offre de soins pour le territoire sud, de sorte qu'elle pouvait retenir la demande de la SAS CRF Jeanne d'Arc qui sollicitait une autorisation d'activité pour des SSR polyvalents afin d'accompagner l'autorisation d'activités dans le secteur des affections liées aux addictions. Et, pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 8 s'agissant de la décision de refus opposée à la société Franciscéas, la décision accordant une autorisation d'activités à la SAS CRF Jeanne d'Arc n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Clinique Franciscéas n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté ses demandes d'annulation des décisions du directeur général de l'ARS de l'Océan indien du 12 décembre 2017, ainsi que des décisions implicites par lesquelles le ministre chargé de la santé a rejeté ses recours hiérarchiques.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Clinique Franciscéas, devenue Clinique Les Tamarins sud, est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SAS CRF Jeanne d'Arc sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Clinique Les Tamarins sud, au ministre de la santé et de la prévention, à l'Agence régionale de santé de la Réunion et à la SAS CRF Jeanne d'Arc.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2023.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX00620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00620
Date de la décision : 29/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : FIDAL - DIRECTION PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-29;21bx00620 ?
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