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20/06/2023 | FRANCE | N°23BX00023

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 20 juin 2023, 23BX00023


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2201529 du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201529 du tribunal admin

istratif de Bordeaux du 19 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2021 de la préfète de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2201529 du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201529 du tribunal administratif de Bordeaux du 19 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2021 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'avis médical du 11 juin 2021 du collège de médecins de l'OFII a été émis dans des conditions irrégulières ;

- elle est atteinte d'un syndrome post-traumatique en raison d'événements traumatisants qu'elle a subis dans son pays d'origine ; le défaut de prise en charge de cette pathologie pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Albanie, elle ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays ; dès lors, la décision lui refusant le séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est, en outre, entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle justifie de motifs exceptionnels et de considérations humanitaires permettant que lui soit délivré un titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- elle remplit les conditions d'admission au séjour définies par la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michaël Kauffmann a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante albanaise née le 8 mars 1976, est entrée en France, selon ses affirmations, au cours du mois de mars 2017. Le 17 mars 2021, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 28 décembre 2021, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour. Mme A... relève appel du jugement du 19 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2021.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ".

3. Ces dispositions, issues de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France et de ses textes d'application, ont modifié l'état du droit antérieur pour instituer une procédure particulière aux termes de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'Office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins et non plus un seul, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis.

4. De première part, si la copie de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 11 juin 2021 concernant l'état de santé de Mme A..., versée au dossier de première instance par la préfète de la Gironde, est de qualité médiocre et altère partiellement la reproduction de la signature du docteur B..., cette circonstance ne rend pas pour autant cette signature inexistante, contrairement à ce qu'allègue la requérante. Par ailleurs, la circonstance que les signatures apposées sur l'avis par les médecins qui composent ce collège sont constituées par des fac-similés numérisés ne prive l'intéressée d'aucune garantie alors qu'elle n'apporte pas d'élément précis permettant de douter de l'identité des trois médecins signataires de l'avis. Les signatures apposées sur l'avis par chacun des trois médecins composant cette instance attestent, en outre, de ce que cet avis a été rendu en commun, dans les conditions exposées au point précédent, sans que la requérante ne puisse utilement se prévaloir de l'absence de caractère collégial de l'avis émis par le collège. Enfin, dès lors que le collège de médecins a estimé que le défaut de prise en charge médicale de Mme A... ne devait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il n'avait pas à examiner l'offre de soins et les caractéristiques du système de santé dans le pays d'origine et, partant, n'avait à pas à prendre position sur cette question. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis médical du 11 juin 2021 a été émis dans des conditions irrégulières.

5. De seconde part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. Mme A... indique souffrir d'une pathologie psychologique grave consécutive à des sévices physiques et psychologiques subis en Albanie durant quatorze ans, ayant abouti à une tentative de suicide en 2015. Par un avis du 11 juin 2021, le collège de médecins de l'OFII a indiqué que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. La requérante conteste l'analyse du collège de médecins de l'OFII en produisant des certificats médicaux du 25 janvier 2021 et du 1er février 2022, établis par un médecin généraliste, qui indiquent qu'elle bénéficie d'un suivi psychiatrique pour un état de stress post-traumatique en raison d'un conflit portant sur un terrain, survenu dans son pays d'origine. Si ces certificats, dont le plus détaillé est postérieur à la décision attaquée et qui sont essentiellement fondés sur les déclarations de l'intéressée, présentent le traitement médicamenteux qu'elle suit et évoquent un risque de passage à l'acte en raison d'une décompensation thymique, ils ne permettent pas, en l'absence de considérations plus précises notamment quant à la probabilité de survenue d'un tel symptôme, d'établir qu'à la date de l'arrêté en litige, le défaut de prise en charge médicale était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En outre, si ces documents médicaux font état du lien qui existerait entre la pathologie dont souffre Mme A... et les événements traumatisants qu'elle aurait vécus en Albanie, la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de tels événements, que la Cour nationale du droit d'asile, dans sa décision du 15 décembre 2017, a, au demeurant, estimé non justifiés. De même, le certificat médical établi par le même médecin le 7 novembre 2022, soit postérieurement à la date de la décision et du jugement attaqués, qui se borne à reprendre de manière similaire les termes du certificat du 1er février 2022 en ajoutant, sans autre précision, qu'un retour de l'appelante dans son pays d'origine ne pourra lui permettre de bénéficier d'un suivi médico-psychologique régulier est insuffisamment circonstancié sur ce point. Enfin, si Mme A... fait valoir qu'elle n'aurait pas effectivement accès à un traitement de sa pathologie en Albanie, elle n'apporte, en tout état de cause, aucune précision sur l'indisponibilité dans ce pays des molécules composant le traitement qui lui est prescrit et se borne à alléguer, sans le justifier, que les médicaments et le suivi psychiatrique nécessaires seraient, au regard de sa situation financière, trop couteux dans ce pays. Dans ces conditions, aucun élément versé au dossier ne permet de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII, que la préfète s'est appropriée, et l'intéressée n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge les moyens tirés ce que la décision litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A... et de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ainsi que des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

9. S'il ressort de l'arrêté contesté que la préfète de la Gironde a examiné le droit au séjour de Mme A... au regard des titres de séjour qui sont délivrés de plein droit, elle n'a néanmoins pas examiné la situation de l'intéressée au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel ne prévoit pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il constituait un fondement de la demande de titre de séjour de la requérante. Le moyen tiré de sa méconnaissance doit par suite être écarté comme inopérant.

10. En dernier lieu, la requérante ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elles ne constituent que des orientations générales adressées aux préfets pour la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Bénédicte Martin, présidente,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

Le rapporteur,

Michaël KauffmannLa présidente,

Bénédicte Martin

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX000232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00023
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-20;23bx00023 ?
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