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20/06/2023 | FRANCE | N°21BX03739

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 20 juin 2023, 21BX03739


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle la communauté d'agglomération de La Rochelle a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section BV n° 58 située sur le territoire de la commune de Dompierre-sur-mer en zone agricole, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2002040 du 20 juillet 2021, le tribunal administra

tif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle la communauté d'agglomération de La Rochelle a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section BV n° 58 située sur le territoire de la commune de Dompierre-sur-mer en zone agricole, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2002040 du 20 juillet 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 septembre 2021 et des mémoires enregistrés les 26 avril, 26 mai et 20 juin 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme D... et Mme B..., représentées par Me Verger, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 2002040 du tribunal administratif de Poitiers du 20 juillet 2021 ;

2°) à titre principal, d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle la communauté d'agglomération de La Rochelle a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées section BV n° 58, 59, 60, 34 et 35 situées sur le territoire de la commune de Dompierre-sur-mer en zone agricole, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux formé le 19 février 2020, et à titre subsidiaire, d'abroger cette délibération du 19 décembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de La Rochelle la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

Elles soutiennent que :

- il existe une incohérence entre le plan local d'urbanisme intercommunal et le projet d'aménagement et de développement durables dès lors que le classement de la parcelle en litige ne vise qu'à augmenter de manière artificielle les espaces agricoles et ne répond pas aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durables ;

- la parcelle en litige est située au cœur d'un secteur urbanisé, à proximité immédiate de la zone urbaine UD3 et de la future gare ferroviaire ; la parcelle en litige ne s'insère pas dans un secteur dont le caractère agricole serait avéré et ne présente aucun potentiel agronomique ; enfin, cette parcelle supporte une maison à usage d'habitation, une pergola, un appentis et un abri de jardin ; dans ces conditions, le classement de la parcelle en litige en zone agricole est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- à titre subsidiaire, il appartient à la cour de constater un changement de circonstances depuis la délibération du 19 décembre 2019 dès lors que plusieurs permis de construire ont été délivrés à proximité immédiate du secteur de la parcelle en litige et que la continuité de l'urbanisation est ainsi encore plus flagrante.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 février et 30 mai 2022, la communauté d'agglomération de La Rochelle, représentée par Me Vic, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme D... et Mme B... le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par les requérantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- les observations de Me Verger, représentant Mme D... et Mme B..., et de Me Vic, représentant la communauté d'agglomération de La Rochelle.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... et Mme D... sont propriétaires d'une parcelle cadastrée section BV n° 58 située sur le territoire de la commune de Dompierre-sur-mer. Par une délibération du 19 décembre 2019, la communauté d'agglomération de La Rochelle a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal. Le recours gracieux formé par Mme D... et Mme B... le 19 février 2020 contre cette délibération, en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section BV n° 58 en zone agricole, a été rejeté par une décision implicite, puis par une décision du 23 avril 2020 du président de la communauté d'agglomération de La Rochelle. Mme D... et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section BV n° 58 en zone agricole, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux. Mme D... et Mme B... relèvent appel du jugement n° 2002040 du 20 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".

3. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLUI à une orientation ou à un objectif du projet d'aménagement et développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

4. Si le projet d'aménagement et de développement durables comporte une orientation n° 8 tendant à " pérenniser l'agriculture et mettre en place les conditions pour maintenir une filière conchylicole dynamique ", qui prévoit en particulier de " conforter l'agriculture et maintenir des exploitations en place " et de " protéger les zones agricoles par le retour en zone A des secteurs non destinés à être urbanisés à moyen terme ", il comporte également une orientation n° 1 visant à " l'accessibilité et aux nouvelles mobilités du territoire pour faciliter le développement de l'agglomération ", qui souhaite notamment mieux articuler urbanisation et déplacements en prévoyant de " ne plus développer les hameaux et les écarts, concentrer les développements urbains au plus près des centralités, du cœur de l'agglomération et des pôles d'appui ", et de " densifier les secteurs déjà bâtis dans les territoires les mieux desservis par des transports en commun efficaces (...) ". Le projet d'aménagement et de développement durables comporte aussi une orientation n° 4 tendant à " développer le territoire majoritairement dans l'enveloppe urbaine existante ", notamment en réduisant considérablement le développement urbain sur la zone agricole, en luttant contre le mitage agricole, et en concentrant le développement urbain. Dans ces conditions, le classement de la parcelle en litige, qui répond à l'objectif de concentrer les développements urbains au plus près des centralités, ne révèle pas une incohérence entre le projet d'aménagement et de développement durables et le règlement du PLUI. Par suite, le moyen tiré de l'incohérence entre les orientations du projet d'aménagement et de développement durables et les dispositions du règlement du PLUI doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme relatif à l'affectation des sols dans les plans locaux d'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. (...) ". Selon l'article R. 151-22 du même code : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

6. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

7. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des photographies et plans produits, que les parcelles cadastrées section BV n° 34, 35, 58, 59 et 60 se situent dans une zone d'urbanisation diffuse, et s'ouvrent, au nord et à l'ouest, sur de vastes espaces naturels et agricoles. Si les parcelles cadastrées section BV n° 58, 59 et 60 supportent déjà des constructions, cette circonstance ne suffit pas à leur enlever tout potentiel agronomique. Ces parcelles sont par ailleurs séparées des parcelles bâties situées à proximité et classées en zone UD3 par la rue Corne Neuve, créant ainsi une coupure d'urbanisation. Dans ces conditions, compte tenu des objectifs fixés par le projet d'aménagement et de développement durables rappelés au point 4 tendant à concentrer la croissance urbaine au plus près des centralités, du cœur de l'agglomération et des pôles d'appui, et à développer le territoire majoritairement dans l'enveloppe urbaine existante, en classant la parcelle cadastrée section BV n° 58 ainsi qu'en tout état de cause, les parcelles cadastrées section BV n° 34, 35, 59 et 60, en zone agricole du PLUI, la communauté d'agglomération de La Rochelle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation. Le moyen doit, par suite, être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et Mme B... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 19 décembre 2019.

Sur la demande d'abrogation :

9. Lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation d'un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir apprécie la légalité de cet acte à la date de son édiction. S'il le juge illégal, il en prononce l'annulation. Ainsi, saisi de conclusions à fin d'annulation recevables, le juge peut également l'être, à titre subsidiaire, de conclusions tendant à ce qu'il prononce l'abrogation du même acte au motif d'une illégalité résultant d'un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction, afin que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales qu'un acte règlementaire est susceptible de porter à l'ordre juridique. Il statue alors prioritairement sur les conclusions à fin d'annulation. Dans l'hypothèse où il ne ferait pas droit aux conclusions à fin d'annulation et où l'acte n'aurait pas été abrogé par l'autorité compétente depuis l'introduction de la requête, il appartient au juge, dès lors que l'acte continue de produire des effets, de se prononcer sur les conclusions subsidiaires. Le juge statue alors au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision. S'il constate, au vu des échanges entre les parties, un changement de circonstances tel que l'acte est devenu illégal, le juge en prononce l'abrogation. Il peut, eu égard à l'objet de l'acte et à sa portée, aux conditions de son élaboration ainsi qu'aux intérêts en présence, prévoir dans sa décision que l'abrogation ne prend effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

10. Les appelantes demandent à la cour d'abroger la délibération du 19 décembre 2019 en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées section BV n° 34, 35, 58, 59 et 60 en zone agricole du plan local d'urbanisme intercommunal de La Rochelle, afin de prendre en compte les changements de circonstances intervenus postérieurement à cette délibération. Toutefois, d'une part, si les appelantes se prévalent de la délivrance d'un permis d'aménager sur la parcelle cadastrée section BV n° 53, située de l'autre côté de la rue Corne neuve, la circonstance que cette parcelle ait été construite postérieurement à cette délibération n'est pas de nature à révéler une erreur manifeste dans le classement des parcelles en litige en zone agricole. Il en va de même s'agissant de la circonstance que plusieurs permis de construire ont été accordés à proximité immédiate des parcelles en litige postérieurement à la délibération attaquée. Dans ces conditions, en tout état de cause, Mme D... et Mme B... n'apportent pas d'éléments de nature à établir que le classement des parcelles en litige serait devenu illégal postérieurement à la délibération attaquée. Par suite, la demande d'abrogation doit être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération de La Rochelle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme D... et Mme B... au titre des frais exposés non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... et de Mme B... le versement à la communauté d'agglomération de La Rochelle, d'une somme globale de 1 500 euros sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Mme D... et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme D... et Mme B... verseront à la communauté d'agglomération de La Rochelle la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., à Mme C... B... et à la communauté d'agglomération de La Rochelle.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Bénédicte Martin, présidente,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

La rapporteure,

Pauline ReynaudLa présidente,

Bénédicte Martin

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03739 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03739
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : VERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-20;21bx03739 ?
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