Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 21 janvier 2021 par laquelle le président de la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du schéma de cohérence territoriale de l'Espace Sud Martinique.
Par un jugement n° 2100118 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de la Martinique, par l'article 1er de ce jugement, a annulé la décision du 21 janvier 2021, du président de la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique en tant qu'elle refuse d'abroger les dispositions relatives aux grands projets d'équipements et de services de la zone d'activités de Céron et du golf de Grand Fond ainsi que les dispositions de l'orientation n°10 du document d'orientation et d'objectifs autorisant, hors de la commune de Saint-Esprit, les constructions et installations s'inscrivant dans le cadre d'un projet agritouristique en zone de moindre enjeu agricole, par l'article 2, a enjoint au président de la communauté d'agglomération de convoquer le conseil communautaire afin de procéder à l'abrogation partielle du schéma de cohérence territoriale en tant qu'il définit les grands projets d'équipements et de services de la zone d'activités de Céron et du golf de Grand Fond et en tant qu'il autorise, hors de la commune de Saint-Esprit, les constructions et installations s'inscrivant dans le cadre d'un projet agritouristique en zone de moindre enjeu agricole et, par l'article 4, a rejeté les conclusions de la communauté d'agglomération tendant à l'application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022 la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique, représentée par Me Destarac, demande à la cour :
1°) de prononcer, sur le fondement des articles R. 811-15 et R.811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution des articles 1, 2 et 4 de ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il existe des moyens sérieux de nature à entraîner, outre l'annulation du jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le juge de première instance ; en effet, ce jugement est insuffisamment motivé et la demande de l'association était irrecevable ; par ailleurs, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, tant les grands projets d'équipements et de services de la zone d'activités de Céron et du golf de Grand Fond que l'orientation n°10 du document d'orientation et d'objectifs sont compatibles avec l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.
Par un mémoire enregistré le 27 septembre 2022, l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais, représentée par Me Monotuka, conclut :
* au rejet de la requête,
* à ce qu'il soit enjoint à la communauté d'agglomération Espace Sud Martinique, en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de supprimer toutes références aux GPES de Céron et du golf de Grand Fond dans la liste des GPES établis par l'orientation 012 du document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération et dans l'annexe du rapport de présentation, et de supprimer les mots " ainsi que celles s'inscrivant dans le cadre d'un projet agritouristique. Pour ces dernières, la superficie construite ne devra excéder 150 m² maximum de surface de plancher par exploitation " de l'avant-dernier alinéa de l'orientation 10 du document d'orientation et d'objectifs de ce schéma de cohérence territoriale ;
* à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté d'agglomération Espace Sud Martinique une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont ni sérieux ni de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement du tribunal administratif.
Vu :
- la requête enregistrée sous le n°22BX01561 par laquelle la communauté d'agglomération Espace Sud Martinique demande à la cour d'annuler le jugement du 7 avril 2022 du tribunal administratif de la Martinique ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- les observations de Me Destarac, représentant la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique qui maintient ses conclusions et moyens qu'elle précise.
La clôture de l'instruction a été fixée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 25 septembre 2018, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique a approuvé le schéma de cohérence territoriale de l'Espace Sud Martinique. Par des courriers des 6 et 17 novembre 2020, l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais a demandé au président de la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique de solliciter du conseil communautaire l'abrogation de cette délibération. En l'absence de réponse favorable à cette demande, l'association a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'un recours tendant à l'annulation de la décision rejetant sa demande. La communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique demande à la cour de prononcer, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a, par l'article 1er, annulé la décision du 21 janvier 2021 du président de la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique en tant qu'elle refuse d'abroger les dispositions relatives aux grands projets d'équipements et de services de la zone d'activités de Céron et du golf de Grand Fond ainsi que les dispositions de l'orientation n°10 du document d'orientation et d'objectifs autorisant, hors de la commune de Saint-Esprit, les constructions et installations s'inscrivant dans le cadre d'un projet agritouristique en zone de moindre enjeu agricole, par l'article 2, enjoint au président de la communauté d'agglomération de convoquer le conseil communautaire afin de procéder à l'abrogation partielle du schéma de cohérence territoriale en tant qu'il définit les grands projets d'équipements et de services de la zone d'activités de Céron et du golf de Grand Fond et en tant qu'il autorise, hors de la commune de Saint-Esprit, les constructions et installations s'inscrivant dans le cadre d'un projet agritouristique en zone de moindre enjeu agricole et, par l'article 4, rejeté les conclusions de la communauté d'agglomération tendant à l'application de l'article L.600-9 du code de l'urbanisme et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
2. Aux termes de l'article R.811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ".
3. En application de ces dispositions, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun de ces moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.
4. En l'espèce, pour annuler partiellement la décision du président de la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique le tribunal administratif de la Martinique a considéré, d'une part, que les grands projets d'équipements et de services de la zone d'activités de Céron et du golf de Grand Fond n'étaient pas compatibles avec l'exigence de continuité fixée par les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, reprises par le schéma d'aménagement régional de la Martinique, et, d'autre part, que les dispositions de l'orientation n° 10 du document d'orientation et d'objectifs, en tant qu'elles autorisent, dans les zones non urbanisées de moindre enjeu agricole, les constructions et installations à vocation agritouristique, sauf en ce qui concerne le territoire de la commune de Saint-Esprit, étaient incompatibles avec l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
5. Si les deux grands projets d'équipements et de services dont il s'agit sont localisés en zone agricole par le schéma de cohérence territoriale, il ressort de l'orientation n°12 du document d'orientation et d'objectifs que les grands projets d'équipements et de services prévus par ledit schéma ne peuvent être mis en œuvre que s'ils satisfont, notamment, aux trois conditions énoncées à l'orientation n°03, au nombre desquelles figure la " condition de proximité " qui impose une " localisation en continuité des bourgs et quartiers existants et à proximité des services urbains ". Par ailleurs, la localisation de la zone d'activités de Céron, destinée à accueillir des activités artisanales bruyantes, est située à environ 1,5 kilomètres des zones habitées les plus proches et se situe en continuité du site envisagé pour accueillir, dans le cadre d'un autre grand projet d'équipements et de services, un nouvel aménagement pour permettre la mise en valeur de la distillerie de Trois-Rivière, aménagement qui sera réalisé en extension de l'urbanisation existante et qui étendra ainsi l'urbanisation vers le site du projet de zone d'activés de Céron. De même, s'agissant du golf de Grand Fond, sa localisation est située à proximité de zones habitées et ni la superficie ni le lieu d'implantation de cet équipement ne sont déjà déterminés. Dans ces conditions, en planifiant la réalisation de ces deux grands projets, le schéma de cohérence territoriale de l'Espace Sud Martinique ne peut être regardé comme incompatible avec le principe selon lequel l'extension de l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et villages existants. Par suite, le moyen tiré de ce que c'est à tort que le tribunal a considéré que le schéma de cohérence territoriale de l'Espace Sud Martinique n'était pas compatible avec les dispositions de l'article L. 128-8 du code de l'urbanisme en tant qu'il prévoit les grands projets d'équipements et de services de la zone d'activités de Céron et du golf de Grand Fond est, en l'état de l'instruction, de nature à justifier la réformation du jugement attaqué.
6. En revanche, au regard des pièces du dossier, le moyen tiré de ce que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les dispositions de l'orientation n° 10 du document d'orientation et d'objectifs étaient incompatibles avec l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme en tant qu'elles autorisent dans les zones non urbanisées de moindre enjeu agricole les constructions et installations à vocation agritouristique, sauf en ce qui concerne le territoire de la commune de Saint-Esprit, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à justifier la réformation du jugement attaqué, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les conséquences de ce jugement.
7. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 avril 2022 en tant seulement, d'une part, qu'il annule la décision du président de la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique du 21 janvier 2021 en tant qu'elle concerne les grands projets d'équipements et de services de la zone d'activités de Céron et du golf de Grand Fond et, d'autre part, qu'il enjoint au président de la communauté d'agglomération de convoquer le conseil communautaire afin de procéder à l'abrogation partielle du schéma de cohérence territoriale sur ces points.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. La présente décision n'implique pas la suppression de toutes références aux grands projets d'équipements et de services de la zone d'activités de Céron et du golf de Grand Fond dans la liste des grands projets d'équipements et de services établis par l'orientation 012 du document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération et dans l'annexe du rapport de présentation, ni la suppression des mots " ainsi que celles s'inscrivant dans le cadre d'un projet agritouristique. Pour ces dernières, la superficie construite ne devra excéder 150 m² maximum de surface de plancher par exploitation " de l'avant-dernier alinéa de l'orientation 10 du document d'orientation et d'objectifs de ce schéma de cohérence territoriale. Par suite, les conclusions de l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais tendant à ce qu'il soit enjoint à la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique de prendre de telles mesures doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête formée par la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique contre le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 avril 2022, il sera sursis à l'exécution de ce jugement en tant qu'il annule la décision du président de la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique du 21 janvier 2021 en tant qu'elle concerne les grands projets d'équipements et de services de la zone d'activités de Céron et du golf de Grand Fond et qu'il enjoint au président de la communauté d'agglomération de convoquer le conseil communautaire afin de procéder à l'abrogation partielle du schéma de cohérence territoriale sur ces points.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Les conclusions aux fins d'injonction présentées par l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique et à l'association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais.
Fait à Bordeaux le 11 octobre 2022.
La présidente de chambre,
Marianne A...
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22BX02040 2