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29/09/2022 | FRANCE | N°22BX02151

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (juge unique), 29 septembre 2022, 22BX02151


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 16 août 2022 et par un mémoire enregistré

le 28 septembre 2022, la société JP Energie Environnement, représentée par Me Guiheux, demande au juge des référés de la cour :

1°) de prononcer la suspension de l'exécution de l'arrêté du 5 juillet 2022 par lequel le maire de la commune de Mâron s'est opposé à sa déclaration préalable pour l'installation d'un mât de mesure ;

2°) d'enjoindre au maire de la commune de Mâron de lui délivrer un arrêté de non-opposition dans un délai de 48

heures à compter de l'ordonnance à intervenir sous astreinte

de 200 euros par jour de retard ;

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Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 16 août 2022 et par un mémoire enregistré

le 28 septembre 2022, la société JP Energie Environnement, représentée par Me Guiheux, demande au juge des référés de la cour :

1°) de prononcer la suspension de l'exécution de l'arrêté du 5 juillet 2022 par lequel le maire de la commune de Mâron s'est opposé à sa déclaration préalable pour l'installation d'un mât de mesure ;

2°) d'enjoindre au maire de la commune de Mâron de lui délivrer un arrêté de non-opposition dans un délai de 48 heures à compter de l'ordonnance à intervenir sous astreinte

de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions sont présentées sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

- sa déclaration porte sur l'installation d'un mât de mesure destiné à l'étude de l'état chiroptérologique du site dans lequel elle a pour projet d'implanter un parc éolien, pour satisfaire à la demande de la DREAL Centre-Val-de-Loire sur ce point ; il s'agit d'un ouvrage connexe à un projet de parc éolien dont le contentieux ressortit à la compétence de la cour, en application de l'article L. 311-5 du code de justice administrative, interprété de façon extensive par la jurisprudence du Conseil d'Etat ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision d'opposition remet en cause son projet éolien en faisant échec à l'instruction de sa demande d'autorisation concernant ce projet ; la décision du maire la place en effet dans l'impossibilité de procéder aux études complémentaires nécessaires qui doivent être réalisées avant le 1er janvier 2023, date à laquelle expire le délai laissé par le préfet pour compléter son dossier de demande ; de plus, l'étude doit être conduite entre avril et octobre, période d'activité des chiroptères ; elle doit donc conduire son étude avant le début du mois de novembre 2022 pour satisfaire à la demande de complément de son dossier ; elle est certes titulaire d'une décision de non-opposition pour l'installation d'un mât mais cette décision porte sur un mât de 120 m de hauteur, modèle qui n'est plus disponible sur le marché, raison pour laquelle elle a déposé une nouvelle déclaration pour un mât de 83 m de hauteur ; la recherche de solutions permettant de satisfaire aux exigences de l'administration explique le délai, au demeurant raisonnablement court, qui s'est écoulé entre la demande de complément de dossier qui lui a été faite et le dépôt de la nouvelle déclaration ; le développement des énergies renouvelables est devenue une priorité absolue pour le pays ;

- elle fait état de moyens de nature à faire naître un doute sur la légalité de la décision contestée ; l'arrêté est en effet entaché d'un défaut de base légale, en l'absence de disposition du code de l'urbanisme justifiant la décision ; par ailleurs, l'arrêté méconnaît l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme dès lors que le maire oppose à la déclaration des motifs étrangers aux dispositions du code de l'urbanisme, d'ordre uniquement politique ; l'arrêté est également entaché d'erreur de droit, le maire s'étant estimé lié par la délibération du conseil municipal de la commune du 13 juin 2020 refusant le projet éolien ; en application de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, le maire était compétent et non le conseil municipal ; aucune disposition ne prévoit la consultation du conseil municipal dans ce cas ; la délibération du conseil municipal a la portée d'un simple vœu sans valeur juridique contraignante ;

- le motif de substitution invoqué par la commune ne peut justifier la décision dès lors que c'est par l'effet d'une erreur matérielle qu'une emprise de 750 m² a été indiquée dans son dossier de déclaration ; cette surface, improprement dénommée " emprise au sol " sur le plan du mât, correspond à la surface au sol comprise entre les trois points fixant les haubans au sol ; l'emprise déterminée selon l'article R. 420-1 du code de l'urbanisme, ne dépasse, en réalité,

pas 1 m² ; l'installation relève donc bien du régime de la déclaration.

Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2022, la commune de Mâron, représentée par Me Martin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de

la société JP Energie Environnement le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie ; en effet, en dehors de l'étude chiroptérologique, de nombreuses autres insuffisances ont été relevées par l'administration dans le dossier de demande d'autorisation ; la société a été informée dès le 1er avril 2022 du caractère incomplet de son dossier et elle n'a déposé sa déclaration préalable concernant le mât de mesure que le 15 juin dernier ; elle a elle-même généré l'urgence en déposant tardivement son dossier ; elle a également tardé à présenter sa requête de référé ; de plus, la société est déjà titulaire d'une décision de non-opposition pour l'installation de mâts pour le même terrain, même si cette décision ne concernait pas des mâts de même hauteur que celui en litige ;

- un mât de mesure ne peut pas être assimilé à une éolienne ; l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme est donc applicable au mât en projet ; il en résulte que l'installation de ce mât relevait du permis de construire et pas d'une simple déclaration préalable dès lors que l'emprise au sol est de 750 m² et la hauteur de mât de 83 mètres ; ce motif, qui imposait au maire de s'opposer à la déclaration préalable, peut être substitué à ceux exposés par la décision contestée.

Vu :

- la requête au fond enregistrée sous le n° 22BX02152 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la cour a désigné Mme B... A... en qualité de juge des référés, en application du livre V du code de justice administrative.

Un délai a été laissé aux parties pour qu'elles puissent préparer leurs plaidoiries aux regard des écritures produites peu avant l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- les observations de Me Boenec, représentant la société JP Energie Environnement, qui détaille les moyens invoqués dans ses écritures ; elle insiste en particulier sur le délai raisonnable mis par la société à déposer sa déclaration préalable et à présenter sa requête en référé, sur l'urgence qui s'attache au développement des projets de production d'énergie renouvelable, particulièrement dans un contexte de crise énergétique, et sur le délai qui a été laissé à la société par les autorités de l'Etat pour compléter son dossier ; elle rappelle que les motifs de la décision contestée sont illégaux et que la commune ne le conteste pas ; elle expose comment doit être, à son sens, déterminée l'emprise au sol s'agissant d'un mât, et confirme ses écritures selon lesquelles seule la projection verticale du mât lui-même doit être prise en compte ainsi que celle des haubans, constitués de câbles métalliques de 8 millimètres de diamètre ; elle précise que le formulaire Cerfa de déclaration ne prévoit pas l'indication de l'emprise au sol ; à la demande du juge des référés, Me Boenec précise que le mât n'est pas destiné à s'implanter durablement, qu'il doit être installé uniquement pour permettre des mesures préalables mais que la durée d'implantation prévue n'est pas connue ; elle indique que le fait que l'installation ne soit pas vouée à demeurer durablement en place ne fait pas obstacle à ce qu'elle relève du régime de la déclaration ;

- et les observations de Me Martin, représentant la commune de Mâron qui reprend également les moyens développés dans ses écritures ; il souligne le délai mis par la société à déposer sa déclaration alors qu'elle était informée depuis le 1er avril 2022 de la nécessité de compléter son dossier de demande d'autorisation environnementale, ainsi que le délai mis à déposer une requête en référé ; il insiste sur le fait que le dossier de déclaration indique clairement une emprise au sol de 750 m² et soutient que c'est cette emprise, laquelle correspond à l'espace entre les trois points de fixation des haubans, qui doit être retenue au regard des textes régissant le calcul de l'emprise au sol ; il ajoute que si le mât n'est pas destiné à être installé durablement, il obéit alors au régime des constructions temporaires ce qui justifie d'autant plus la décision d'opposition à la déclaration préalable.

Considérant ce qui suit :

1. Une demande d'autorisation environnementale a été déposée le 23 février 2022 pour un projet de parc éolien sur le territoire de la commune de Mâron (Indre) porté par une filiale de la société JP Energie Environnement. Par courrier du 1er avril 2022, l'administration a demandé à la société pétitionnaire de compléter sa demande, notamment par des mesures permettant de préciser l'état initial de l'environnement quant à la présence et à l'activité des chiroptères, dans un délai expirant le 31 décembre 2022, faute de quoi sa demande pourrait être rejetée. Le 15 juin suivant, la société a déposé, en vue de procéder à cette étude complémentaire, une déclaration préalable relative à l'implantation d'un mât de mesure sur le site concerné. Par arrêté

du 5 juillet 2022, le maire de la commune de Mâron s'est opposé à cette déclaration. La

société JP Energie Environnement, qui a présenté devant la cour une demande en annulation de cet arrêté municipal, demande dans la présente instance, la suspension de son exécution.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier objectivement et concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant et de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

4. L'installation qui fait l'objet de la déclaration préalable de la société est indispensable à la poursuite de l'instruction de sa demande d'autorisation environnementale en vue de l'implantation et de l'exploitation d'un parc éolien, alors même que d'autres compléments de dossier ont été demandés à la société, et le délai laissé à la société pour mener les études complémentaires demandées expire le 31 décembre 2022. La société soutient également sans être contredite que la période pendant laquelle les études chiroptérologiques doivent être menées, pour être pertinentes, est la période d'avril à octobre. Si la commune de Mâron soutient que la société était déjà titulaire d'une décision de non-opposition à une déclaration déposée

le 26 septembre 2019, concernant l'installation d'un mât, il résulte de l'instruction que cette décision concernait l'installation d'un mât de 120 mètres de hauteur et la société soutient sans être contredite que ce type de mât n'est plus disponible sur le marché, ce qui l'a conduite à déposer une déclaration pour un mât d'une hauteur inférieure, de 83 mètres. Dans ces conditions, et eu égard à l'intérêt public qui s'attache au développement de la production d'énergie renouvelable, la condition d'urgence à laquelle est subordonnée la suspension de l'exécution de la décision contestée est remplie. Le fait que la société, informée par courrier du 1er avril 2022 qu'elle devait conduire une étude chiroptérologique complémentaire, ait déposé sa déclaration préalable le 16 juin suivant et qu'elle ait présenté le 16 août 2022 sa requête en référé contre la décision du 5 juillet 2022 ne traduit pas de la part de la société JP Energie Environnement un comportement ayant contribué à créer cette situation d'urgence.

5. Les moyens invoqués par la société JP Energie Environnement tirés de ce que les motifs de la décision du 5 juillet 2022 ne sont pas de nature à justifier légalement une opposition aux travaux projetés et de ce que les motifs de substitution invoqués par la commune de Mâron ne peuvent davantage justifier cette opposition sont, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 5 juillet 2022.

6. Il résulte de ce qui précède que la société JP Energie Environnement est fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du maire de la commune de Mâron du

5 juillet 2022.

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient au juge des référés, qu'il soit saisi ou non de conclusions à cette fin, d'assortir la suspension des obligations provisoires qui en découleront pour l'administration.

8. En l'espèce, il y a lieu d'enjoindre à la commune de Mâron de délivrer à la

société JP Energie Environnement, à compter de la notification qui lui sera faite de la présente décision, une décision provisoire de non-opposition à l'installation objet de la déclaration déposée le 15 juin 2022, valable jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond par la cour sur la requête au fond de la société, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

9. L'Etat n'étant pas partie à la présente instance, il ne peut être fait droit aux conclusions de la société JP Energie Environnement tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais d'instance exposés. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la

société JP Energie Environnement, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Mâron à ce titre.

ORDONNE :

Article 1er : L'exécution de l'arrêté du maire de la commune de Mâron du 5 juillet 2022 est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête au fond présentée par la

société JP Energie Environnement devant la cour, dirigée contre cet arrêté.

Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Mâron, à compter de la notification qui lui sera faite de la présente décision, de délivrer à la société JP Energie Environnement une décision provisoire de non-opposition à sa déclaration déposée le 15 juin 2022, valable jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le fond par la cour sur sa requête au fond dirigée contre l'arrêté du 5 juillet 2022.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société JP Energie Environnement et à la commune de Mâron.

Fait à Bordeaux, le 29 septembre 2022.

La juge des référés,

Elisabeth A...

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de l'Indre en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

N° 22BX02151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 22BX02151
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-09-29;22bx02151 ?
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