Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné Mme A... en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Catherine Girault, juge des référés ;
- les observations de Me Finkelstein représentant la commune de Pas-de-Jeu, qui reprend les éléments de son mémoire et celles de M. B..., directeur des collectivités locales et du contrôle de légalité, représentant la préfecture des Deux-Sèvres, qui persiste dans ses écritures et relève que les autres itinéraires possibles ne permettent pas un trafic de poids lourds aussi dense, notamment celui par Curçay sur Dive où la route n'est classée qu'en catégorie III, et que l'hypothèse d'une déviation serait d'autant plus longue à mettre en place qu'elle impliquerait la traversée d'une zone humide et d'une rivière.
L'instruction a été close à l'issue de l'audience, en application de l'article R. 522-8 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 31 mai 2022, la maire de Pas-de-Jeu, commune de 370 habitants située entre Thouars et Loudun, a interdit la circulation des véhicules de transport de marchandises dont le poids total roulant autorisé est supérieur à 3,5 tonnes sur la route départementale n° 759 dans l'agglomération de la commune. La préfète des Deux-Sèvres, après avoir sollicité en vain le retrait de cet arrêté, l'a déféré au tribunal administratif de Poitiers et a sollicité la suspension de son exécution. La commune relève appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal du 1er juillet 2022 qui a suspendu l'exécution de cet arrêté.
2. Aux termes des dispositions de l'alinéa trois de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, auxquelles renvoie l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " (...) Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués, parait, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées. (...) " Aux termes de l'article L. 2213-1 du même code : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-2: " Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : 1° Interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 2213-4 du même code : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques ".
4. L'arrêté contesté du 31 mai 2022 a été édicté par la maire de la commune de Pas-de-Jeu au vu d'un comptage routier faisant état de près de 1 000 camions par jour passant par l'étroite rue du village, presque dépourvue de trottoirs, et d'une pétition des habitants se plaignant du non-respect de la limitation de vitesse à 30 km/heure, de difficultés de circulation et de croisement générant des dangers pour les piétons, des nuisances sonores et des détériorations des maisons. La maire s'est fondée sur les nuisances majeures occasionnées par la circulation de ces véhicules, qui sont " incompatibles avec la sécurité des personnes et des biens, tant sur le plan santé (nuisances sonores, niveau de pollution), que sur le plan des troubles de jouissances (destruction du mobilier urbain, atteinte aux biens des particuliers : dégâts charpentes et toitures, murs éventrés, fissures, boîtes aux lettres et volets arrachés) ". L'arrêté a prévu à titre dérogatoire que les voies en cause peuvent être utilisées par les transports en commun, les véhicules des services municipaux, d'incendie, de secours, de police, de gendarmerie, et les véhicules bénéficiant d'autorisations particulières dans le cadre de dessertes locales.
5. Pour suspendre l'exécution de cet arrêté, le premier juge, après avoir reconnu l'importance des nuisances, laquelle ressort en effet avec acuité des photographies et vidéos produites comme des interventions de transporteurs routiers auprès des autorités locales reconnaissant un trafic régulier avec des semi-remorques de 44 tonnes, a retenu que " bien que l'interdiction soit assortie de dérogations qui en atténuent les effets, il ne peut être considéré comme établi que la fixation à seulement 3,5 tonnes du poids des véhicules dont la circulation est interdite est strictement proportionnée aux objectifs de sécurité et de tranquillité publiques poursuivis. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté porte une atteinte excessive à la liberté d'aller et de venir et à la liberté du commerce et de l'industrie est, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité. " Il a ainsi entendu souligner que la maire n'avait pas recherché si une limitation moins stricte du tonnage autorisé n'aurait pas permis de maintenir une possibilité de circulation avec des gabarits plus adaptés aux caractéristiques de la voie dans la traversée de la commune, sans porter atteinte aux besoins des entreprises. Au demeurant, la maire n'a pas davantage limité l'interdiction à certains horaires, ni accepté de tester la solution proposée par le département d'installer des feux tricolores permettant une circulation alternée qui, s'ils sont de nature à créer des encombrements aux entrées du village, pourraient aussi de ce fait inciter une partie du trafic à se reporter sur des itinéraires plus fluides. Dans ces conditions, alors même que les circonstances que les itinéraires de déviation seraient légèrement plus longs et que certains comporteraient des péages ne seraient pas de nature à établir une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie, la commune n'est pas fondée à se plaindre de ce que le premier juge a estimé disproportionnées les limitations imposées à la liberté de circulation sur la route départementale, et a par suite suspendu l'exécution de l'arrêté du 31 mai 2022.
En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le juge des référés :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune réclame au titre des frais qu'elle a exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Pas-de-Jeu est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Pas-de-Jeu, à la préfète des Deux-Sèvres et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au département des Deux-Sèvres.
Fait à Bordeaux, le 18 août 2022.
La juge d'appel des référés,
Catherine A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
22BX01890 2