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05/07/2022 | FRANCE | N°20BX00449

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 05 juillet 2022, 20BX00449


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Holding J.O.M. a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1800760 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 février 2020 et 14 m

ars 2022, la SARL Holding J.O.M., représentée par Me Merlet-Bonnan, demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Holding J.O.M. a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1800760 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 février 2020 et 14 mars 2022, la SARL Holding J.O.M., représentée par Me Merlet-Bonnan, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 5 décembre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes, à hauteur de 203 681 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- la minute du jugement attaqué n'a pas été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le tribunal a dénaturé les pièces produites par la société en estimant qu'elle n'aurait pas justifié la date de ces écritures comptables ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- si la société a initialement conclu en 2007 un prêt pour une durée de 7 ans, elle a sollicité et obtenu un report des échéances de sorte que le prêt a été définitivement soldé en 2015 après règlement de la somme de 10 308 euros ;

- les frais et avances engagés en vue de l'acquisition d'un fonds de commerce pour lequel une promesse de vente avait été signée sont restés à la charge définitive de la société dès lors que la transaction n'a pu aboutir suite au désistement du vendeur ;

- le compte de tiers 467003 au passif du bilan a constaté une dette au nom du salon J.O. Galleria pour un solde de 378 092,69 euros correspondant aux opérations courantes effectuées par la société mais dont le règlement était assuré pour son compte par le salon J.O. Galleria dans la mesure où la société ne disposait pas de compte bancaire propre ;

- le déficit reporté sur l'exercice 2014 ressort bien à 265 292 euros sur l'historique des résultats des exercices 2006 à 2013 et des déclarations de résultats annuelles souscrites auprès de l'administration fiscale.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 août 2020 et 30 mars 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Merlet-Bonnan, représentant la SARL Holding J.O.M.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, la SARL Holding J.O.M., laquelle détient plusieurs participations dans des sociétés exploitant des salons de coiffure en Martinique et en Guyane, a été informée par une proposition de rectification du 17 juillet 2017, de l'intention du service de réintégrer dans ses bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés des exercices 2014 et 2015 diverses charges à hauteur de 267 639 euros pour 2014 et de 68 253 euros pour 2015. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en résultant, d'un montant de 267 072 euros, ont été mises en recouvrement le 16 décembre 2017. La réclamation contentieuse de la SARL Holding J.O.M. du 30 novembre 2017 a été partiellement admise par une décision du 5 octobre 2018, entraînant un dégrèvement à hauteur de 68 498 euros. La SARL Holding J.O.M. relève appel du jugement du 5 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur des sociétés restant à sa charge au titre des exercices clos en 2014 et 2015.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la SARL Holding J.O.M. ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

4. La circonstance que les premiers juges auraient dénaturé les pièces du dossier en estimant que la société ne justifiait pas de la date de ses écritures comptables, a trait au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal et est donc sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de A... période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Aux termes du 1 de l'article 39 du même code, également applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte A... justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de A... obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de A... contrepartie est excessive.

En ce qui concerne la dette à l'égard de la société J.O. Galleria :

6. La société a comptabilisé dans un compte de tiers 467003 ouvert au nom de la société J.O. Galleria, au titre de l'exercice 2014, une dette d'un montant de 378 092,59 euros. Elle soutient que, dans la mesure où elle ne disposait pas de compte bancaire propre, ses opérations courantes de trésorerie étaient réglées par la société J.O. Galleria et qu'au 31 décembre 2013 le solde de ces opérations s'établissait à un montant de 378 092,69 euros. Toutefois, la seule circonstance que A... dette inscrite au passif du bilan de la SARL Holding J.O.M. est également inscrite dans le compte-courant 455100 ouvert dans les livres comptables de la société J.O. Galleria ne permet pas de démontrer la réalité de A... dette. La société ne justifie ni la nature et le montant des dépenses correspondantes, ni que ces opérations ont été effectuées pour les besoins ou dans l'intérêt de son activité de holding. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la déduction de A... somme de 378 092,59 euros n'était pas justifiée et l'a réintégrée dans les résultats de la société.

En ce qui concerne les intérêts d'emprunt :

7. La société requérante a comptabilisé dans un compte 661100 " Intérêts des emprunts et dettes ", au titre de l'exercice clos en 2015, des intérêts d'emprunt d'un montant de 10 308,39 euros. Si la société requérante soutient que ces intérêts sont liés à un prêt bancaire conclu le 11 juin 2007 pour une durée de 7 ans en vue de l'acquisition d'un salon de coiffure, le terme du prêt est intervenu le 3 juin 2014. La société, qui soutient avoir bénéficié d'un report d'échéances, le prêt ayant été définitivement soldé en 2015 et non en 2014, n'apporte aucun élément permettant de corroborer ses allégations. A cet égard, la seule production d'un tableau de décompte arrêté au 25 septembre 2015 mentionnant, pour la période du 23 décembre 2014 au 25 septembre 2015, le paiement d'intérêts d'emprunt pour un montant de 3 072,33 euros ne permet pas de justifier sa déduction des résultats de l'exercice 2015. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la déduction de la somme de 10 308,39 euros n'était pas justifiée et l'a réintégrée dans les résultats de la société.

En ce qui concerne les charges exceptionnelles :

8. La société requérante soutient avoir engagé en pure perte, suite au désistement du vendeur, des frais et avances d'un montant de 28 888,57 euros au titre de l'exercice clos en 2015 pour l'acquisition d'un fonds de commerce. Le compte 671800 " Autres charges exceptionnelles " fait apparaître des frais correspondant à la régularisation de frais de cabinet d'expertise comptable, un versement d'acomptes à un fournisseur, une avance sur des travaux de bureau et une avance sur le prix de cession au vendeur. Toutefois, la société n'apporte aucune justification de la nature et du montant desdites dépenses. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la déduction de A... somme n'était pas justifiée et l'a réintégrée dans les résultats de la société.

En ce qui concerne le report de déficit :

9. Aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " (...) Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice (...) Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté dans les mêmes conditions sur les exercices suivants. (...) ".

10. Pour l'application de ces dispositions de l'article 209 du code général des impôts selon lesquelles, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice, il appartient, dès lors, au contribuable de justifier l'existence d'un déficit reportable et son montant. Il s'acquitte de A... obligation par la production d'une comptabilité régulière et probante ou, à défaut, par toute autre preuve extracomptable suffisamment probante. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de A... obligation en produisant une comptabilité, il incombe alors à l'administration, si elle s'y croit fondée, soit de critiquer les écritures ayant conduit à la constatation d'un déficit, soit de demander au contribuable de justifier de la régularité de ces écritures. Il appartient alors au juge de l'impôt d'apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

11. La société requérante a comptabilisé au titre de l'exercice 2014 un report déficitaire de 265 292 euros. Elle a produit, en première instance et en appel, des documents comptables se rapportant à la période allant de 2007 à 2013, dont le caractère régulier et probant est critiqué par le ministre en appel. Ainsi que le soutient le ministre, si la société fournit les grands livres au titre des exercices 2007 à 2013 et les balances générales au titre des exercices 2007 à 2011, ces éléments comptables ont été édités postérieurement aux exercices auxquels ils se rapportent et n'ont pas été produits au cours du contrôle, en dépit de demandes en ce sens de l'administration fiscale, sans que la société n'apporte d'explications sur les raisons de A... production tardive. En outre, si la société produit les factures et autres pièces justificatives de dépenses de 2007 à 2011, ces éléments ne sont pas accompagnés des pièces justificatives de recettes et ne permettent donc pas de déterminer l'existence et le montant du déficit invoqué. Dans ces conditions, A... comptabilité ne présente aucun caractère probant. De plus, si la société requérante produit des formulaires de déclarations de résultats au titre de l'impôt sur les sociétés pour les exercices 2011 à 2013, elle n'établit pas que ces déclarations auraient été communiquées à l'administration fiscale, A... dernière faisant valoir que seule une déclaration de résultats au titre de l'exercice 2009 a été souscrite par la SARL Holding J.O.M. A... dernière n'apporte donc aucune justification extracomptable de l'existence du déficit invoqué. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré qu'un tel report n'était pas justifié et a réintégré la somme de 265 292 euros dans les résultats de la société.

12. Enfin, la société requérante ne conteste pas en appel le chef de rectification relatif aux dotations aux amortissements pour les années 2014 et 2015.

13. Il résulte de ce qui précède que la SARL Holding J.O.M. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Holding J.O.M. est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Holding J.O.M. et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information au directeur régional des finances publiques de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

La rapporteure,

Laury B...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00449


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00449
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Laury MICHEL
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SELAS D'AVOCATS EXEME ACTION

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-05;20bx00449 ?
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