Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2003667 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 octobre 2021 et 10 février 2022, M. A..., représenté par Me Amari de Beaufort, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 26 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir et de prendre une décision dans le mois à venir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le jugement du tribunal n'a pas respecté le principe du droit à un procès équitable dès lors qu'il n'a pas été demandé la communication des bases documentaires sur lesquelles l'OFII s'est fondé pour conclure à la disponibilité des soins ;
- la décision de refus de séjour et la mesure d'éloignement méconnaissent le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'essentiel de ses liens familiaux se situent en France, qu'il est matériellement difficile voire impossible pour les spécialistes hospitaliers de se prononcer sur la disponibilité d'un traitement dans le pays d'origine de leur patient, que les certificats médicaux produits font état de l'insuffisance de moyens et du coût de l'accès aux soins dans son pays, que seule son épouse perçoit une retraite d'environ 100 euros mensuels, que l'évolution prévisible de son état de santé va entraîner une plus grande dépendance et que sa fille et ses petits-enfants résident en France.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 décembre 2021, le préfet de la
Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable car tardive ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/018708 du 16 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant albanais né le 12 août 1954, est entré régulièrement en France le 16 juillet 2015, accompagné de son épouse. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 janvier 2016, confirmée le 24 novembre 2016 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il a, à cet égard, fait l'objet d'un arrêté du 22 juin 2016 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. Il a ensuite obtenu la délivrance d'une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé, sur le fondement du 11° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 14 novembre 2018 au 13 novembre 2019. Il en a sollicité le renouvellement le 10 octobre 2019 mais, par un arrêté du 26 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 30 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si le requérant soutient, s'agissant de la disponibilité d'un traitement approprié dans son pays d'origine, qu'il n'a pu avoir accès aux bases documentaires consultées par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en dépit d'une demande en ce sens, la base de données de la bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine (BISPO), qui se borne à recenser les sites internet institutionnels et associatifs, français, étrangers et internationaux comportant des informations sur l'accès aux soins dans les pays d'origine des demandeurs de titres de séjour pour raison médicale, ainsi que ceux relatifs aux pathologies les plus fréquemment rencontrées, est reprise sous la rubrique " ressources documentaires internationales de santé " en accès libre sur le site internet de l'OFII et doit être regardée comme ayant fait l'objet d'une diffusion publique. Cette liste constitue une aide à la décision pour les membres du collège de médecins de l'OFII dans le cadre de l'instruction des demandes de titre de séjour pour soins, ceux-ci ayant cependant la faculté de s'appuyer sur d'autres données issues de leurs recherches. Dans ces conditions, la circonstance que les premiers juges n'aient pas sollicité la production de ces informations auprès de l'OFII n'affecte pas la régularité du jugement dès lors que, eu égard à l'accessibilité de ces données sur Internet, cette mesure n'était pas utile au règlement du litige. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait méconnu le principe du droit à un procès équitable et donc que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière.
Sur la légalité de l'arrêté du 26 juin 2020 :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'un kératocône bilatéral sévère, d'une pathologie gastrique ulcéreuse, d'une angiodysplasie à risque hémorragique, d'une hypoacousie bilatérale invalidante, de troubles du comportement liés à un probable syndrome psychotraumatique, d'une pathologie neurodégénérative de type maladie d'Alzheimer et de carences vitaminiques sévères pour lesquels il bénéficie de traitements médicamenteux et d'un suivi médical. Le collège de médecins de l'OFII a estimé dans son avis du 27 janvier 2020 que, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Pour remettre en cause l'appréciation du préfet, faisant suite à l'avis du collège de médecins, le requérant produit plusieurs certificats médicaux exposant la nature de ses pathologies et des soins nécessaires mais ne comportant aucune précision sur l'accès aux soins en Albanie. Si les certificats médicaux des 10 septembre 2018 et 31 octobre 2019 établis par des médecins généralistes indiquent que l'accès aux soins en Albanie n'est pas comparable aux standards européens, ces documents ne sauraient être regardés comme suffisants pour infirmer l'avis de l'OFII sur l'existence d'un traitement approprié en Albanie. Il est constant que le médicament Risperdal administré pour le traitement de la pathologie neurodégénérative du requérant est disponible dans son pays d'origine. Si le requérant soutient qu'il n'existe pas de service de gérontopsychiatrie en Albanie, il ne ressort pas des pièces du dossier que les services psychiatriques non spécialisés en gériatrie ne seraient pas en mesure d'assurer les soins nécessaires à sa pathologie. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les autres soins, notamment en ophtalmologie et en gastroentérologie, ne seraient pas disponibles en Albanie. Si le requérant soutient ne pas pouvoir supporter financièrement le coût du traitement du fait de sa retraite modique, il n'apporte aucun élément de nature à corroborer ses allégations alors qu'il n'est pas contesté qu'il pourrait bénéficier d'aides, notamment de l'allocation adulte handicapé, en Albanie. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas bénéficier de l'assistance d'une tierce personne dans son pays d'origine afin de combler sa perte progressive d'autonomie. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le collège de médecins de l'OFII n'aurait pas pris en compte l'évolution de sa pathologie psychiatrique alors que le certificat médical adressé à l'OFII précise bien que l'intéressé est atteint d'une maladie neurodégénérative impliquant une détérioration cognitive progressive. Par suite, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français le 16 juillet 2015 à l'âge de 61 ans, accompagné de son épouse. S'il a bénéficié, en raison de son état de santé, d'une carte de séjour temporaire valable du 14 novembre 2018 au 13 septembre 2019, il ressort de ce qui a été dit précédemment que les soins qui lui sont désormais nécessaires sont disponibles dans son pays d'origine. La circonstance qu'il dispose d'attaches familiales proches en France, en la personne de sa fille, titulaire d'une carte pluriannuelle valable jusqu'en 2022, et de ses petits-enfants, ne saurait suffire à faire obstacle à son retour dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie et où il ne sera pas isolé puisque son épouse, de même nationalité, a également fait l'objet d'une décision de refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français. S'il ressort des pièces médicales que l'intéressé a besoin d'une assistance dans les actes de la vie quotidienne, il ne ressort pas des pièces du dossier que seule sa fille présente en France serait en mesure de lui fournir une telle aide alors que son épouse sera présente à ses côtés en cas de retour en Albanie et qu'il n'est pas établi qu'il ne pourra bénéficier, le cas échéant, de l'aide d'une tierce personne. Dans ces conditions, et en tout état de cause, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Haute-Garonne aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il ressort de ce qui a été dit au point 5 que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne peut être éloigné du fait qu'il remplirait les conditions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs exposés au point 7.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Laury Michel, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 avril 2022.
La rapporteure,
Laury C...
La présidente,
Brigitte Phémolant
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX04031