Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Réunion a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 9 avril 2018 par lequel le maire de Salazie a délivré à la SCI A et B un permis de construire pour la surélévation d'un bâtiment existant et la construction de cinq logements sur les parcelles cadastrées AM n° 72 et 73 situées 4 chemin de Bois de Pomme ainsi que la décision du 10 juillet 2018 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1800780 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 9 avril 2018 et la décision du 10 juillet 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 mars 2020, la SCI A et B, représentée par Me Maillot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 17 décembre 2019 ;
2°) de rejeter le déféré présenté par le préfet de la Réunion devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 353 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en ne rouvrant pas l'instruction suite à la production du mémoire de la société dès lors que la compétence est d'ordre public et peut être soulevée même après la clôture d'instruction et que le gérant de la société a indiqué que son état de santé ne lui avait pas permis de produire avant la clôture ;
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne fait pas mention de la société pour un acquiescement aux faits et ne motive pas sur le moyen d'incompétence ;
- le recours gracieux du 14 juin 2018 a été formé par une autorité incompétente dès lors que la délégation de signature du 13 juin 2018 accordée au secrétaire général de la préfecture n'a pris effet que le 15 juin 2018 soit postérieurement à l'exercice du recours ;
- le déféré préfectoral du 6 septembre 2018 est irrecevable car tardif dès lors que le recours gracieux du 14 juin 2018, étant irrégulier, n'a pu interrompre le délai de recours contentieux, lequel avait expiré le 17 juin 2018 ;
- le préfet n'attaque qu'un nouveau permis modificatif et ne peut donc empêcher la construction.
La requête a été communiquée au préfet de la Réunion et à la commune de Salazie qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le nouveau code de procédure civile ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 9 avril 2018, le maire de la commune de Salazie a délivré à la SCI A et B un permis de construire pour la surélévation d'un bâtiment existant et la construction de cinq logements sur les parcelles cadastrées AM n° 72 et 73 situées 4 chemin de Bois de Pomme. Dans le cadre du contrôle de légalité, le préfet de la Réunion a formé le 14 juin 2018 un recours gracieux auprès du maire de Salazie à l'encontre de ce permis de construire. Ce recours a été rejeté par une décision du maire du 10 juillet 2018. Sur déféré du préfet, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté 9 avril 2018 et la décision du 10 juillet 2018. La SCI A et B relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. (...) ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'instruction écrite est normalement close dans les conditions fixées par l'article R. 613-1 ou bien, à défaut d'ordonnance de clôture, dans les conditions fixées par l'article R. 613-2. Toutefois, lorsque, postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visé et, cette fois, analysé -, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office au vu du dossier tel qu'il existait à la date de clôture de l'instruction.
4. La SCI A et B a produit un mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal administratif de La Réunion le 24 novembre 2019, soit après la clôture de l'instruction fixée par ordonnance du 9 juillet 2019 du président de la formation de jugement au 9 septembre 2019. D'une part, si la société requérante justifie la production tardive de son mémoire par l'état de santé de son gérant, cet élément ne constitue ni une circonstance de fait dont elle n'aurait pas été en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pouvait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, ni une circonstance de droit nouvelle ou que le juge aurait dû relever d'office. D'autre part, ce mémoire contenait notamment un moyen nouveau tiré de l'incompétence du signataire du recours gracieux formé par le préfet et l'énoncé d'une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du déféré préfectoral à raison de l'irrégularité du recours gracieux. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, M. Frédéric Joram, secrétaire général de la préfecture de La Réunion et signataire du recours gracieux du 14 juin 2018, a reçu délégation de signature par un arrêté du 12 mars 2018 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, lui donnant compétence pour signer les recours gracieux. Contrairement à ce que fait valoir la SCI A et B, le recours gracieux a été signé par une autorité compétente et a pu valablement interrompre le délai de recours contentieux, lequel n'était pas expiré à la date d'introduction du déféré préfectoral devant le tribunal administratif. Ces moyens nouveaux étaient infondés et ne constituaient donc pas des moyens d'ordre public que le juge devait relever d'office en l'état du dossier. Dans ces conditions, le tribunal administratif n'était pas tenu de rouvrir l'instruction et de tenir compte de ce mémoire produit après la clôture de l'instruction. La société requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le tribunal aurait méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
6. D'une part, le tribunal administratif de La Réunion doit être regardé comme ayant examiné les moyens nouveaux susceptibles d'être relevés d'office invoqués par la SCI A et B postérieurement à la clôture de l'instruction et les avoir écartés comme non fondés, sans que l'absence de réponse motivée à ces moyens puisse lui être reprochée. La société requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le tribunal aurait insuffisamment motivé son jugement sur ce point.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'aucune mise en demeure n'a été adressée à la SCI A et B sur le fondement des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative. Cette dernière ne pouvait donc être réputée avoir acquiescé aux faits dans les conditions de cet article. Par suite, le tribunal administratif n'a pas insuffisamment motivé son jugement en ne faisant pas référence à l'acquiescement aux faits de la SCI A et B.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
8. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire du 9 avril 2018 a été reçu par les services de la sous-préfecture de Saint-Benoît le 16 avril 2018. Le préfet de la Réunion disposait d'un délai franc de deux mois à compter de cette date. Toutefois, par application de l'article 642 du nouveau code de procédure civile, lorsque ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. Le 17 juin 2018 étant un dimanche, le délai de recours contentieux expirait le lundi 18 juin 2018. Il ressort des pièces du dossier que le recours gracieux formé par le préfet le 14 juin 2018 a été reçu par la commune de Salazie le 18 juin 2018. Ainsi qu'il a été dit au point 4, le recours gracieux a été signé par une autorité compétente et a pu valablement interrompre le délai de recours contentieux. Ce délai a recommencé à courir à compter du 11 juillet 2018, date à laquelle le préfet a reçu la décision du maire du 10 juillet 2018 rejetant son recours gracieux. Ainsi, à la date d'introduction du déféré préfectoral devant le tribunal administratif le 11 septembre 2018, le délai de recours contentieux n'était pas expiré. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le déféré préfectoral était irrecevable car tardif.
10. Enfin, si la société requérante soutient que le permis de construire litigieux constitue un simple permis modificatif et que le préfet ne peut donc empêcher la réalisation de la construction, une telle circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la recevabilité du déféré exercé par le préfet, le permis de construire modificatif étant une décision susceptible de recours, et est sans incidence sur la légalité dudit permis.
11. Il résulte de ce qui précède que la SCI A et B n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 9 avril 2018 et la décision du 10 juillet 2018 rejetant le recours gracieux formé le préfet. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI A et B est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI A et B, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Salazie.
Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Laury Michel, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 avril 2022.
La rapporteure,
Laury A...
La présidente,
Brigitte Phémolant
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01140