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28/02/2022 | FRANCE | N°21BX03906

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 28 février 2022, 21BX03906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 juin 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2104196 du 10 septembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2021, M. B..., représent

é par Me Laspalles, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de T...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 juin 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2104196 du 10 septembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Laspalles, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 septembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 18 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît le principe du contradictoire prévu par les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et les principes généraux du droit de l'Union européenne dès lors que le préfet ne l'a pas informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français du fait du rejet de sa demande d'asile et ne l'a pas mis à même de présenter ses observations sur l'éventualité d'une telle décision et ses modalités d'exécution ; il n'a jamais été informé de la possibilité de formuler des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir les éléments de sa vie personnelle et son intégration ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée par le rejet de sa demande d'asile pour édicter une obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à son intégration et aux liens stables, intenses et anciens qu'il entretient avec la France ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation en fait et révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où le préfet n'a pas examiné sa situation ;

- elle est dépourvue de base légale ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée en refusant de lui accorder un délai supérieur à trente jours ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée en l'absence d'indication des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 06 janvier 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le Traité sur l'Union européenne ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant ivoirien, né le 9 décembre 1998, est entré sur le territoire français le 5 juillet 2017. Le 18 juillet 2017, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 28 décembre 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 9 mars 2021. Par un arrêté du 18 juin 2021, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 10 septembre 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". Aux termes de l'article L. 611-1 du code même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...) ".

3. La décision en litige vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application, en particulier l'article L. 611-1 4° de ce code et mentionne que M. B..., qui a vu sa demande d'asile rejetée par l'OFPRA le 28 décembre 2018 et la CNDA le 9 mars 2021, ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, elle expose des éléments sur sa situation personnelle, en relevant que l'intéressé est célibataire, que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas anciens, intenses et stables et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à sa situation personnelle et à sa vie familiale alors que par ailleurs il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Elle est, dès lors, suffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article L. 613-1, le préfet n'étant pas tenu de mentionner l'ensemble des circonstances de fait relatives à la situation personnelle de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

4. En deuxième lieu, M. B... reprend en appel sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le principe du contradictoire prévu par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et le droit d'être entendu. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le magistrat désigné.

5. En troisième lieu, il ressort de la motivation de la décision contestée, telle qu'elle vient d'être exposée au point 3, que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. B....

6. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait senti, à tort, en situation de compétence liée pour édicter à l'encontre de M. B... l'obligation de quitter le territoire français en litige, en raison du rejet de sa demande d'asile.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. A la date de l'arrêté contesté, M. B... était présent sur le territoire français depuis quatre ans seulement. Il ne justifie d'aucun lien familial sur le territoire français et a vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans dans son pays d'origine où résident sa mère et son frère. Si M. B... se prévaut de son intégration dans la société française, notamment en raison de son engagement dans des activités de bénévolat, de l'exercice d'une activité sportive, des liens qu'il a pu nouer avec les membres d'associations venant en aide aux demandeurs d'asile, et justifie de courtes périodes de travail au cours des années 2019 et 2020 ainsi que d'un contrat à durée déterminée conclu les jours précédant la décision contestée, ces éléments ne sont pas de nature à établir, à eux seuls, une insertion sociale et professionnelle particulièrement stable depuis son entrée sur le territoire français au cours de l'année 2017. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant, qui n'a d'ailleurs pas sollicité un titre de séjour à raison de la maladie dont il fait état, ne pourrait bénéficier des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en dépit de ses efforts d'intégration et du soutien dont il bénéficie, le préfet n'a pas, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts dans lesquels cet arrêté a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision portant délai de départ volontaire de trente jours :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire serait privée de base légale.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) ".

11. Le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français correspond au délai de droit commun susceptible d'être accordé en application de l'article L. 612-1 du code précité, visé par l'arrêté contesté. Dans ces conditions, la fixation à trente jours du délai de départ volontaire accordé à M. B... n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, qui, en vertu des dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne bénéficiait plus du droit de se maintenir en France après la notification de la décision de la CNDA rejetant sa demande d'asile et devait en application des dispositions de l'article L. 542-4 du même code, quitter volontairement le territoire français, aurait expressément demandé au préfet à bénéficier d'une prolongation de ce délai. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire doit être écarté.

12. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des autres pièces du dossier, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation du requérant ou qu'il se serait estimé à tort en situation de compétence liée.

13. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le préfet n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination qui vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelle la décision prise sur sa demande d'asile, mentionne que M. B... est de nationalité ivoirienne et indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des traitement contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est ainsi suffisamment motivée.

15. En dernier lieu, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et que le rejet a été confirmé par ordonnance de la CNDA du 9 mars 2021, l'appelant, qui ne produit aucun élément nouveau, n'établit pas qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 513-2 devenu L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2022.

La rapporteure,

Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03906
Date de la décision : 28/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-28;21bx03906 ?
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