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15/12/2021 | FRANCE | N°21BX02109

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 15 décembre 2021, 21BX02109


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2002993 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour admi

nistrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2021, M. A..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2002993 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2021, M. A..., représenté par Me Domingues, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002993 du tribunal administratif de Poitiers du 20 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 13 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnait les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, dès lors qu'il en remplit l'ensemble des conditions et que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet, le jugement supplétif d'acte de naissance rendu par le tribunal de première instance de Faranah qu'il a produit est authentique ; il n'a pas pu se rendre lui-même auprès de ce tribunal et a sollicité un proche pour le représenter ; l'avis des services de la police aux frontières saisis par le préfet n'a pas été établi contradictoirement ; il n'a pas été condamné pour escroquerie et a produit une attestation de l'ambassade de Guinée justifiant de son état civil ;

- pour les mêmes motifs, elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable ; de plus, la preuve que son comportement constituerait une menace pour l'ordre public n'a pas été apportée par le préfet ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la fraude concernant son identité n'est pas établie par le préfet ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :

- la fraude concernant son identité n'est pas établie par le préfet ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Charente-Maritime, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 19 octobre 2017. Se disant né le 26 août 2002, il a été pris en charge, à compter du 8 décembre 2017, en tant que mineur isolé, par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Charente-Maritime jusqu'à sa majorité. Le 13 mai 2020, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article L. 313-15 du même code, dans leur rédaction alors en vigueur. Par un arrêté du 13 novembre 2020, le préfet de la

Charente-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 20 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article

L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) ". Aux termes de l'article L. 313-15 du même code, dans sa rédaction en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : / 1° les indications relatives à son état civil (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, dans sa rédaction applicable : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Cet article 47 du code civil prévoit, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Enfin le décret du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d'actes, dans sa rédaction alors en vigueur, prévoit que, sous réserve des stipulations des conventions applicables, les ambassadeurs et les chefs de postes consulaires à l'étranger procèdent à la légalisation des actes publics émanant d'une autorité de l'Etat de résidence et destinés à être produits en France, dont la liste figure à l'article 3 et au nombre desquels figurent notamment les expéditions des décisions des juridictions ainsi que les actes de l'état civil établis par les officiers de l'état civil, la légalisation étant définie comme " la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. " qui donne lieu " à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté du ministre des affaires étrangères. ".

4. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il résulte également de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour établir sa naissance au 26 août 2002 et, partant, son état de minorité lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, M. A... a notamment transmis à l'administration, dans le cadre de l'instruction de sa demande, un jugement supplétif d'acte de naissance du tribunal de première instance de Faranah du 10 juillet 2018 et un extrait d'acte de naissance du 24 juillet 2018, issu de la transcription de ce jugement au registre d'état civil de la ville de Faranah. Pour contester l'authenticité de ces différents documents, le préfet de la Charente-Maritime s'est appuyé sur un rapport d'examen technique du 30 juillet 2020, établi par un analyste en fraude documentaire et à l'identité de la direction zonale de la police aux frontières de Bordeaux. Selon ce rapport, qui se conclut par un avis technique défavorable, l'authenticité du jugement supplétif du tribunal de première instance de Faranah est fortement sujette à caution dès lors qu'il ne comporte pas de légalisation par les autorités françaises, qu'en raison de sa minorité, M. A... ne pouvait agir en justice en Guinée et que, présent en France depuis le mois d'octobre 2017, le jugement ne pouvait le domicilier, en juillet 2018, sur la commune de Faranah. Selon ce même rapport, l'authenticité de l'extrait d'acte de naissance du 24 juillet 2018 produit par le requérant, qui résulte de la transcription dudit jugement, est également douteuse dès lors qu'il ne comporte pas de légalisation des autorités française. Si, pour contester les termes de ce rapport dont le préfet s'est approprié les conclusions et qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'avait pas à être établi contradictoirement, M. A... soutient qu'il ne s'est pas rendu lui-même auprès du tribunal de première instance de Faranah mais qu'il s'y est fait représenter par un membre de sa famille, il ne produit aucun commencement de preuve de nature à en justifier. De même, eu égard à l'absence d'authenticité du jugement supplétif d'acte de naissance sur la base duquel a été établie une attestation du 1er juillet 2020 de l'ambassade de Guinée, la production par M. A... de ce document, quand bien même il présenterait un caractère authentique, n'emporte aucune force probante quant à l'état civil qui y est indiqué. Dans ces conditions, alors même que les doutes quant à la minorité du requérant, exprimés par les services de l'aide sociale à l'enfance dans un rapport du 5 décembre 2017, n'ont pas fait obstacle à son placement, sur décision judiciaire, auprès de ces services et sans qu'ait d'incidence la circonstance que l'intéressé n'a pas été pénalement mis en cause pour fraude ou escroquerie, le préfet a pu légalement considérer que les éléments en sa possession étaient suffisants pour écarter comme dépourvus de valeur probante les actes d'état civil fournis par M. A... et renverser la présomption simple résultant de l'article 47 du code civil. Par suite, l'autorité administrative n'a pas méconnu les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non plus que celles de l'article L. 313-15 du même code, en rejetant la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé.

6. En second lieu, à l'appui des moyens tirés de ce que, eu égard à sa situation personnelle, les décisions contestées méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et seraient illégales dès lors que le préfet n'aurait pas établi la fraude concernant son identité, M. A... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance, et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif en se bornant à faire valoir qu'il est soutenu par son employeur. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2021.

Le rapporteur,

Michaël C... La présidente,

Brigitte Phémolant

La greffière,

Marie Marchives

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX021092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02109
Date de la décision : 15/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DOMINGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-15;21bx02109 ?
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