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15/12/2021 | FRANCE | N°21BX01879

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 15 décembre 2021, 21BX01879


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ou, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre jusqu'à la lecture en audience publique de la décision à venir de la Cour nationale du droit d'asile.<

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Par un jugement n° 2006409 du 26 janvier 2021, le magistrat désigné par la prési...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ou, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre jusqu'à la lecture en audience publique de la décision à venir de la Cour nationale du droit d'asile.

Par un jugement n° 2006409 du 26 janvier 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 mai et 11 octobre 2021, Mme A..., représentée par Me Naciri, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006409 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 26 janvier 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 17 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de l'admettre au séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne les moyens communs aux différentes décisions :

- elles sont insuffisamment motivées et sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et de celle de ses deux enfants mineurs au regard, notamment, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le préfet s'est estimé, à tort, lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la circonstance qu'elle-même et ses enfants sont originaires d'un pays considéré comme sûr ;

- elle méconnaît les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, qui donne seulement une faculté à l'autorité préfectorale d'édicter une mesure d'éloignement mais ne plaçait pas le préfet en situation de compétence liée ;

- eu égard à sa situation familiale personnelle, notamment aux violences conjugales qu'elle a subies dans son pays d'origine, elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses deux enfants, garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, dès lors que ces derniers ont également subi des violences de la part de leur père ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- eu égard aux risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 17 novembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à l'encontre de Mme A..., de nationalité albanaise, une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. L'intéressée relève appel du jugement du 26 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les moyens communs aux différentes décisions :

2. L'arrêté contesté, après avoir visé notamment l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du même code ainsi que les article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne que Mme A... est entrée sur le territoire français le 6 février 2020 en provenance d'un pays sûr, que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 28 août 2020, qu'elle n'est plus autorisée à demeurer sur le territoire français en application du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle ne justifie pas de liens privés et familiaux stables en France, ni être démunie d'attaches dans son pays d'origine. Il mentionne également que Mme A... n'établit pas être exposée à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Cet arrêté comporte ainsi l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Si la requérante soutient que le préfet n'a pas mentionné d'éléments précis relatifs aux risques qu'elle-même et ses deux enfants mineurs encourraient en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne justifie pas avoir porté de tels éléments à sa connaissance préalablement à l'édiction de la décision. Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme A..., cette motivation, qui n'est pas stéréotypée et qui est suffisamment développée pour la mettre utilement en mesure d'en discuter les motifs, révèle en outre que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation ainsi que de celle de ses enfants, quand bien même l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 n'est pas visé. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des décisions litigieuses et du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de la requérante doivent être écartés.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ; ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code, dans sa rédaction applicable : " Par dérogation à l'article L. 743-1, (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) / 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 723-2 du même code, dans sa rédaction applicable : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; (...) ".

4. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté que le préfet se serait estimé lié tant par la décision de l'OFPRA refusant de reconnaître à la requérante et à ses enfants la qualité de réfugié que par la circonstance que les intéressés sont originaires d'un pays considéré comme sûr. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision d'éloignement la concernant méconnaîtrait les dispositions des articles L. 511-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne prévoient qu'une faculté pour le préfet de décider de l'éloignement d'un ressortissant étranger provenant d'un pays sûr dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA.

5. En deuxième lieu, Mme A... soutient qu'elle a quitté l'Albanie avec ses deux enfants mineurs pour échapper aux actes de violence et aux menaces exercés à leur encontre par son ancien conjoint, père de ses enfants, et qu'elle se retrouverait isolée et sans protection en cas de retour dans son pays d'origine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante est entrée en France à l'âge de vingt-six ans, moins d'un an avant la date de la décision contestée. Elle ne justifie d'aucune attache personnelle ou familiale sur le territoire français à l'exception de ses enfants mineurs, ni d'une insertion particulière au sein de la société française. Enfin, elle ne produit aucune pièce de nature à établir qu'elle serait exposée en Albanie à des risques l'empêchant d'y reconstituer sa cellule familiale et d'y mener une vie privée et familiale normale, hormis le compte-rendu de son propre récit exposé devant l'agent de l'OFPRA qui, au demeurant, ne l'a pas estimé suffisamment crédible en ce qui concerne ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A... doit être écarté.

6. En dernier lieu, Mme A... reprend, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement méconnaît l'intérêt supérieur de ses deux enfants, garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, dès lors que ces derniers ont également subi des violences de la part de leur père. Elle n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau, ni aucune nouvelle pièce à l'appui de ce moyen auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge.

Sur la décision fixant le pays de destination :

7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

8. En premier lieu, ainsi qu'il été précédemment exposé, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, le moyen tiré par Mme A... de son illégalité ne peut qu'être écarté.

9. En second lieu, Mme A... reprend en appel les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2021.

Le rapporteur,

Michaël C... La présidente,

Brigitte Phémolant

La greffière,

Marie Marchives

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX018792


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01879
Date de la décision : 15/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : NACIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-15;21bx01879 ?
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