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08/04/2021 | FRANCE | N°19BX03627

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 08 avril 2021, 19BX03627


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Contrôle technique poids lourds Antilles Guyane a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe :

1°) à titre principal :

- d'annuler la décision explicite de refus du Grand port maritime de la Guadeloupe du 10 août 2018 de résilier la convention d'autorisation d'occupation temporaire du domaine industriel et commercial du Grand port maritime de la Guadeloupe consentie à la société Socatrans du 7 juin 2000, ainsi que l'avenant n° 1 du 5 décembr

e 2006 et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- d'annuler la convention du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Contrôle technique poids lourds Antilles Guyane a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe :

1°) à titre principal :

- d'annuler la décision explicite de refus du Grand port maritime de la Guadeloupe du 10 août 2018 de résilier la convention d'autorisation d'occupation temporaire du domaine industriel et commercial du Grand port maritime de la Guadeloupe consentie à la société Socatrans du 7 juin 2000, ainsi que l'avenant n° 1 du 5 décembre 2006 et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- d'annuler la convention du 7 juin 2000 et son avenant du 5 décembre 2006 ;

2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au Grand port maritime de la Guadeloupe de résilier la convention précitée ;

3°) en tout état de cause, de condamner le Grand port maritime de la Guadeloupe à lui verser la somme de 500 000 euros en réparation des différents préjudices subis.

Par un jugement n° 1800958 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2019, la société Contrôle technique poids lourds Antilles Guyane (ci-après CTPL), représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juin 2019 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision explicite de refus du Grand port maritime de la Guadeloupe du 10 août 2018 de résilier la convention du 7 juin 2000 et son avenant du 5 décembre 2006 ainsi que cette convention et cet avenant, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au Grand port maritime de la Guadeloupe de résilier la convention précitée ; en tout état de cause, de condamner le Grand port maritime de la Guadeloupe à lui verser la somme de 500 000 euros en réparation des différents préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge du Grand port maritime de la Guadeloupe une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le Grand port maritime de la Guadeloupe était tenu d'organiser une procédure de publicité et de mise en concurrence préalablement à la délivrance de l'autorisation d'occupation du domaine public ;

- il s'agissait, en tout état de cause, d'une convention qui présentait le caractère d'un marché public, dont la conclusion était soumise au code des marchés publics ;

- en outre, tout tiers à une convention du domaine public et qui est susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses, peut introduire un recours en contestation de la validité de la convention devant la juridiction administrative et demander le cas échéant1'indemnisation des préjudices subis ;

- par ailleurs, l'autorisation concernée est illégale ;

- ainsi, est autorisé un projet qui porte atteinte à des espèces protégées et à l'environnement et qui méconnaît les documents d'urbanisme ;

- de plus, l'avenant contesté est fondé sur un acte réglementaire lui-même illégal ;

- de surcroît, le bénéficiaire de la convention n'est pas la société de la plage de Sainte Claire mais la société Vivauto ;

- la durée de l'autorisation est excessive ;

- la convention méconnaît le principe de l'égalité devant les charges publiques et crée une situation de concurrence déloyale ;

- cette situation lui a causé des préjudices qui doivent être réparés par l'allocation d'une indemnité de 500 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, l'établissement public industriel et commercial Grand port maritime de la Guadeloupe (GPMG), représenté par le cabinet d'avocats Richer et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société appelante le paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté comme irrecevable la demande de la société CTPL ;

- cette dernière ne pouvait ainsi exercer un recours fondé sur la jurisprudence " Département du Tarn-et-Garonne ", le contrat litigieux ayant été signé antérieurement au 4 avril 2014, de même que son dernier avenant ;

- en tout état de cause, ce recours est réservé aux contrats soumis à la date de leur conclusion à une obligation de publicité ou de mise en concurrence, alors que tel n'était pas le cas du contrat en cause ;

- en effet, la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 à laquelle se réfère l'appelante fixe, en son article 44, la fin de la période de transposition au 28 décembre 2009, à supposer que les dispositions de cette directive puissent être regardées comme bénéficiant d'un effet direct ;

- en outre et contrairement à ce que soutient pour la première fois en appel la société CTPL, la convention d'occupation du domaine public critiquée ne constitue pas un marché public qui aurait dû être soumis à concurrence puisque ce contrat n'a pas été conclu pour répondre à un besoin de GPMG et il ne s'agit pas davantage d'une délégation de service public, en l'absence de tout service public délégué ou de l'exécution de travaux confiés à un opérateur au profit du délégant ;

- par ailleurs et à titre subsidiaire, la demande de la société CTPL était irrecevable en raison de l'absence d'intérêt à agir de cette dernière, la convention querellée étant taisante sur l'activité exercée par la société cocontractante de GPMG ;

- de plus et à titre encore plus subsidiaire, la convention litigieuse n'est pas illégale, contrairement à ce que soutient l'appelante, au regard des règles environnementales et d'urbanisme et il n'appartenait pas, en tout état de cause, à GPMG de veiller au respect de ces règles par le permis de construire délivré sur le terrain faisant l'objet de la convention ; elle n'est pas davantage illégale du fait de sa durée ou en raison de ce qu'elle créerait une distorsion de concurrence, contrôle incombant du reste à l'État ;

- enfin, les conclusions indemnitaires de la requête, qui ne sont appuyées d'aucun justificatif, ne pourront qu'être rejetées en l'absence de faute.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteure publique,

- et les observations de Me D..., représentant le Grand port maritime de la Guadeloupe.

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 juin 2000, l'établissement public industriel et commercial Grand port maritime de la Guadeloupe (GPMG), alors Port autonome, a conclu une convention d'occupation temporaire du domaine public avec la société SOCATRANS, d'une durée de 30 ans, laquelle prévoyait la mise à disposition d'un terrain de 6 650 m². La société civile immobilière La plage de Sainte Claire a été autorisée, par un avenant du 5 décembre 2006 à la convention passée le 7 juin 2000, à se substituer à la société Socatrans dans les droits et obligations prévus par cette convention. Le 14 septembre 2017, la SCI de la Plage de Sainte-Claire a obtenu du maire de Baie-Mahault un permis de construire l'autorisant à construire un bâtiment à usage d'artisanat sur le terrain objet de la convention d'occupation précaire dans le but d'exercer l'activité de contrôle technique de véhicules lourds. Par courrier du 16 juillet 2018, la société Contrôle technique poids lourds Antilles Guyane (CTPL) a sollicité du GPMG l'annulation de la convention d'occupation temporaire du 7 juin 2000 ainsi que de son avenant et l'allocation d'une indemnité de 500 000 euros en réparation des préjudices subis. Un refus lui a été opposé le 10 juillet 2018.

2. Cette société relève appel du jugement du 6 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 août 2018 ainsi qu'à celle de la convention d'occupation temporaire du domaine industriel et commercial du 7 juin 2000 et tous les actes qui y sont rattachés et notamment l'avenant n° 1 du 5 décembre 2006, sous astreinte, et à la condamnation du GPGM à lui verser une somme de 500 000 euros en réparation des préjudices subis.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. La société appelante soutient que le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation en ce qu'il n'aurait pas exposé de manière complète les raisons pour lesquelles il a estimé que la signature de la convention en cause n'avait pas à être précédée d'une procédure de mise en concurrence.

4. Il ressort cependant expressément des termes mêmes de ce jugement que les premiers juges, qui n'étaient du reste pas tenus de répondre à tous les arguments de la requête dont ils étaient saisis, ont rejeté la demande de la société CTPL, qui déclarait utiliser la voie de recours ouverte aux candidats évincés par la décision du Conseil d'État du 4 avril 2014 n° 358 944 ou celle ouverte aux tiers à une convention d'occupation du domaine public par la décision du Conseil d'État du 2 décembre 2015 n° 386979, comme irrecevable en exposant de manière détaillée les motifs pour lesquels cette irrecevabilité a été retenue. Par conséquent, ils n'avaient pas à répondre à l'un des arguments de la société qui tendaient à démontrer qu'une mise en concurrence était nécessaire avant d'autoriser l'occupation du domaine public géré par GPMG. Par suite, le moyen susanalysé ne peut qu'être écarté.

Sur la recevabilité de la demande de CTPL :

5. En premier lieu, la société CTPL soutient à nouveau en appel être en droit de contester la convention et l'avenant litigieux par la voie du recours ouvert, notamment, aux tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif par la décision du Conseil d'État du 4 avril 2014 n° 358994. Toutefois et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, ce recours ne trouve à s'appliquer, en tout état de cause, qu'à l'encontre des contrats signés à compter de la lecture de cette même décision. Il est constant que la convention et l'avenant litigieux ont été conclus antérieurement au 4 avril 2014.

6. En deuxième lieu et ainsi que le rappelle le jugement attaqué, l'ouverture du recours de plein contentieux aux tiers à une convention d'occupation du domaine public par la décision du Conseil d'État du 2 décembre 2015 n° 386979 ne concerne que les conventions d'occupation du domaine public intervenues après appel public à la concurrence. Or, tel n'a pas été le cas de la convention en cause, aucun texte de droit national ou européen n'imposant une obligation de publicité ou de mise en concurrence à la date à laquelle cette convention et son avenant ont été signés, conventions et avenants qui ne pouvaient, d'ailleurs, être regardés comme ayant eu un intérêt transfrontalier certain. Par conséquent et en tout état de cause, la société appelante ne saurait contester la convention et l'avenant litigieux en se fondant sur la jurisprudence précitée.

7. En troisième et dernier lieu, il est constant que la convention et l'avenant litigieux consistent exclusivement à autoriser l'occupation d'un terrain appartenant au domaine public afin de permettre à l'occupant d'exercer une activité d'entreposage de matériel de travaux publics et d'y stationner des véhicules de transport. Par voie de conséquence, cette convention ne porte pas sur l'exécution, pour les besoins du GPMG, d'une prestation de services rémunérée par une contrepartie économique constituée d'un droit d'exploitation ou par un prix. Il suit de là que la société appelante ne saurait prétendre que cette convention s'analyserait en un marché public ou en une délégation de service public.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société CTPL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande comme irrecevable en toutes ses conclusions.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que GPMG verse à la société CTPL la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

10. Il y a lieu, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CTPL la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : La société CTPL versera à GPMG la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Contrôle technique poids lourds Antilles Guyane, à l'établissement public Grand port maritime de la Guadeloupe et à la société civile immobilière Plage de Sainte-Claire.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme B... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 avril 2021.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

4

No 19BX03627


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine.

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Diverses sortes de contrats - Marchés.

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Diverses sortes de contrats - Délégations de service public.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : DEPORCQ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 08/04/2021
Date de l'import : 04/05/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX03627
Numéro NOR : CETATEXT000043410979 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-08;19bx03627 ?
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