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08/04/2021 | FRANCE | N°19BX01542

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 08 avril 2021, 19BX01542


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Kequetcorp a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2009 pour un montant total de 966 977 euros.

Par un jugement n° 1603673 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a entièrement fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2019, et des mémoires, enre

gistrés les 19 mars et 4 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour : ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Kequetcorp a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2009 pour un montant total de 966 977 euros.

Par un jugement n° 1603673 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a entièrement fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2019, et des mémoires, enregistrés les 19 mars et 4 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 février 2019 ;

2°) de rejeter la demande de la société Kequetcorp tendant à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie mis à sa charge au titre de l'année 2009 pour un montant total de 966 977 euros.

Il soutient que la cession des titres de la société Nardobel détenus par la société Narmag 1 ne peut être qualifiée de cession de titres de participation au sens de l'article 219 du code général des impôts dès lors que l'achat préalable de ces titres ne présentait pas, à la date de cet achat, un caractère durable et n'était pas utile à l'activité de l'entreprise.

Par des mémoires, enregistrés les 23 août 2019 et 17 avril 2020, la société Kequetcorp, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiées Nardobel a été créée le 10 janvier 2006 afin de prendre le contrôle total de la holding faîtière du groupe Nutrition et Santé via un rachat par effet de levier ou LBO (Leverage Buy Out). Le 30 novembre suivant, les titres de la société Nardobel acquis par M. B... le 17 février 2006 pour un montant de 187 420 euros ont été apportés à la société Kequetcorp dont il est le dirigeant et, avec son épouse, le seul actionnaire. Le 18 décembre de la même année, la société Kequetcorp a elle-même apporté ces titres Nardobel à la société par actions simplifiée Narmag 1 laquelle lui a attribué, en échange, 187 420 de ses propres titres d'une valeur unitaire d'un euro. Le 13 février 2009, la société Narmag 1 a été cédée à un groupe japonais et la société Kequetcorp a enregistré à cette occasion une plus-value de cession d'un montant de 1 996 629 euros qu'elle a soumise au régime de long terme prévu par le I de l'article 219 du code général des impôts. Aux termes d'une proposition de rectification en date du 21 décembre 2012, l'administration a toutefois estimé que les titres Nardobel détenus par Narmag 1 ne répondaient pas à la définition des titres de participation et que, par voie de conséquence, la société Kequetcorp ne pouvait prétendre au régime des plus-values à long terme pour l'imposition de la plus-value résultant de la cession des titres Narmag 1. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du 12 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a déchargé la société Kequetcorp du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été, pour ce motif, assujetti au titre de l'année 2009 pour un montant total de 966 977 euros.

2. Aux termes du a ter du I de l'article 219 du code général des impôts, dans leur version applicable à l'espèce : " Le régime des plus-values et moins-values à long terme cesse de s'appliquer au résultat de la cession de titres du portefeuille réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1994 à l'exclusion des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation (...). Pour les exercices ouverts à compter de la même date, le régime des plus ou moins-values à long terme cesse également de s'appliquer en ce qui concerne les titres de sociétés dont l'actif est constitué principalement par des titres exclus de ce régime ou dont l'activité consiste de manière prépondérante en la gestion des mêmes valeurs pour leur propre compte. (...) Pour l'application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. ". Sur le plan comptable, les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle. Une telle utilité peut notamment être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence.

3. Il résulte également des dispositions précitées et n'est pas contesté par les parties que les titres de la société Narmag 1 possédés par sa société mère Kequetcorp et cédés à un groupe japonais ne présentent le caractère de titre de participation que pour autant que les titres Nardobel possédés par la société Narmag 1 présentent eux-mêmes ce caractère.

4. En l'occurrence, en vertu du pacte conclu le 17 février 2006 entre les actionnaires de la société Nardobel, les cadres dirigeants du groupe Nutrition et Santé, MM. Chatillon, Suberbielle et B... ont acquis le même jour des titres de la société Nardobel et ont été concomitamment nommés, respectivement, premier président du conseil de surveillance, premier président du directoire et seul autre membre du directoire de la société Nardobel. MM. Superbielle et B... ont, par ailleurs, créé la société Narmag 1 dont ils possèdent 47 % des parts et sont les dirigeants afin de regrouper les participations dans la société Nardobel des dirigeants et des cadres de direction de ce groupe. En outre, l'article 13.4 de ce pacte d'actionnaires confère aux dirigeants de la société Narmag 1 un contrôle partiel sur les opérations ayant pour but l'appréhension de toute plus-value résultant d'un transfert de titres ou des investissements réalisés dans Nardobel tandis qu'en contrepartie de la possibilité de devenir actionnaires et cadres dirigeants de Nardobel, ils se sont engagés, aux termes de l'article 13.3 du même pacte, à ne pas concurrencer cette société.

5. Dans ces conditions, eu égard à la participation des anciens cadres dirigeants du groupe Nutrition et Santé, désormais dirigeants de la société Narmag 1, aux organes dirigeants de la société Nardobel, cette participation étant indissociable de la propriété de titres Nardobel, l'administration fiscale n'est pas fondée à soutenir que les conditions d'achat des titres en cause ni ne révèlent l'intention de la société Narmag 1 d'exercer une influence sur la société Nardobel ni ne lui donnent les moyens d'exercer une telle influence quand bien même les sociétés financières à l'origine de l'opération de rachat par effet de levier possèdent 85 % des titres de la société Nardobel. Enfin, l'administration n'établit pas davantage que la possession de ces titres pendant une durée de plus de trois années n'a pas présenté un caractère durable en se bornant à faire valoir que l'objectif de cette possession était la réalisation d'une plus-value lors du débouclage de l'opération de LBO, sachant qu'habituellement ce type d'opération est réalisé dans un délai allant de deux à quatre ans alors que ce débouclage était subordonné à l'existence d'un acheteur ainsi qu'à la décision des principaux actionnaires de la société Nardobel et que la société Narmag 1 s'est engagée, au terme du pacte d'actionnaires susmentionné, à conserver les titres Nardobel pour une durée de six années.

6. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que la société Narmag 1 avait pu, à bon droit, enregistrer les titres Nardobel en tant que titres de participation et que, par suite, la société Kequetcorp avait pu également, à bon droit, soumettre au régime des plus-values à long terme la plus-value dégagée lors de la cession des titres de la SAS Narmag 1.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en applications des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : L'État versera à la société Kequetcorp une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Kequetcorp et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction générale des finances publiques.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

M. Manuel C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2021.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N°19BX01542


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX01542
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Pouvoirs du juge fiscal - Recours pour excès de pouvoir.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CABINET WEIL, GOTSHAL et MANGES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-08;19bx01542 ?
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