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29/03/2021 | FRANCE | N°20BX03106,20BX03107

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 29 mars 2021, 20BX03106,20BX03107


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... I... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, premièrement, d'annuler l'arrêté du 25 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois, deuxièmement, d'enjoindre audit préfet, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la n

otification du jugement à intervenir et, dans l'attente, de la munir d'une autorisa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... I... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, premièrement, d'annuler l'arrêté du 25 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois, deuxièmement, d'enjoindre audit préfet, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour, et troisièmement, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de faire procéder sans délai à la suppression de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen .

Par un jugement n° 2002573 du 3 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 mai 2020 du préfet de la Haute-Garonne et a enjoint audit préfet, d'une part, de réexaminer la situation de Mme C... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable pendant toute la durée de ce réexamen, et d'autre part, de mettre en oeuvre la procédure d'effacement du signalement de Mme C... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 18 septembre 2020 sous le n° 20BX03106, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 3 septembre 2020.

Il soutient que :

- la requête est recevable ;

- il ne s'est pas cru lié par le rejet des demandes d'asile de Mme C... prononcé par l'OFPRA et la CNDA ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté du 25 mai 2020 a été pris en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense enregistrés le 23 novembre 2020 et le 27 novembre 2020, Mme C..., représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête d'appel, à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et, dans l'hypothèse où elle ne serait pas admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, sur le seul fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne n'est fondé, réitère les moyens soulevés devant le tribunal administratif et soutient, en outre, que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et qu'elle est entachée d'une erreur de fait substantielle.

Par une décision du 29 octobre 2020, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenu à Mme H... C....

II. Par une requête enregistrée le 18 septembre 2020 sous le n° 20BX03107, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n°2002573 du 3 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 mai 2020 et lui a enjoint, d'une part, de réexaminer la situation de Mme C... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable pendant toute la durée de ce réexamen, et d'autre part, de mettre en oeuvre la procédure d'effacement du signalement de Mme C... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Il soutient que les conditions de l'obtention du sursis à exécution sont remplies dès lors que sa requête au fond contient des moyens sérieux de nature à entrainer l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C....

Par des mémoires en défense enregistrés le 20 novembre 2020 et le 27 novembre 2020, Mme C..., représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête, à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et, dans l'hypothèse où elle ne serait pas admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, sur le seul fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne n'est fondé.

Par une décision du 29 octobre 2020, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenu à Mme H... C....

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- et les observations de Me F... pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme H... C..., ressortissante russe d'origine ingouche, née le 28 janvier 1983, est entrée en France, selon ses déclarations, le 30 mars 2017. Sa demande d'asile, déposée le 9 juin 2017, a été rejetée le 14 mars 2018 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) dont la décision a été confirmée le 15 novembre 2018 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Après que sa demande de réexamen a été déclarée irrecevable par le directeur général de l'OFPRA le 25 septembre 2019 et que le recours contre cette décision d'irrecevabilité a été rejeté par la CNDA le 31 janvier 2020, le préfet de la Haute-Garonne, par un arrêté du 25 mai 2020, a obligé Mme C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois. Par un jugement du 3 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 mai 2020 du préfet de la Haute-Garonne et a enjoint audit préfet, d'une part, de réexaminer la situation de Mme C... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable pendant toute la durée de ce réexamen, et d'autre part, de mettre en oeuvre la procédure d'effacement du signalement de Mme C... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement et demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 20BX03106 et 20BX03107 du préfet de la Haute-Garonne tendent, pour l'une, à l'annulation et, pour l'autre, au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Par décision du 29 octobre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux, Mme C... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

4. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 25 mai 2020 du préfet de la Haute-Garonne portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a estimé, d'une part, que la décision portant obligation de quitter le territoire français était entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emportait sur la situation personnelle de Mme C... laquelle établissait qu'elle et son époux encourraient de graves risques pour leur liberté ou pour leur vie en cas de retour dans leur pays d'origine. D'autre part, il a considéré que la décision portant fixation du pays de destination méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Mme C... a déposé une demande d'asile en faisant valoir qu'elle était exposée à des persécutions ou des atteintes graves en cas de retour dans son pays d'origine en raison des opinions politiques qui ont été imputées à son époux à la suite de son refus de servir en tant que médecin militaire au Donbass en Ukraine. Bien qu'ayant établi le parcours professionnel de son époux, les difficultés rencontrées par ce dernier à partir du mois de février 2014, les démarches effectuées par l'intéressé auprès de plusieurs institutions en vue de se voir reconnaître la qualité de victime d'une agression commise par des policiers et d'un licenciement abusif, la CNDA, dont la décision de rejet du 15 novembre 2018 confirme celle de l'OFPRA du 14 mars précédent, a estimé que les déclarations de Mme C... ne permettaient pas de démontrer qu'elle serait personnellement exposée à des persécutions ou des atteintes graves en cas de retour en Russie. A l'appui de sa demande de réexamen, Mme C... a soutenu qu'elle était toujours recherchée en Russie, que la mère de son époux avait été convoquée le 24 décembre 2018 par le bureau d'enquête du ministère de l'intérieur ingouche puis le 28 février 2019 et le 6 mai 2019 par les autorités lesquelles l'ont interrogée sur sa situation et menacée, que le domicile de sa belle-mère avait été perquisitionné le 24 mai 2019 et qu'elle faisait elle-même l'objet d'une convocation pour un interrogatoire en date du 19 décembre 2018. Tant cette demande de réexamen que le recours exercé à l'encontre de la décision de rejet pour irrecevabilité à laquelle elle a donné lieu ont été rejetées au motif que les pièces fournies par Mme C... étaient dépourvues de valeur probante. Si Mme C... a produit devant le premier juge des pièces qui n'ont pas été soumises à la CNDA à savoir notamment, d'une part, des attestations de plusieurs organisations non gouvernementales russes de défense des droits de 1'homme et des réfugiés qui corroborent les dires de l'intéressée quant aux convocations dont la mère de son époux a fait l'objet, à la perquisition de son domicile et aux menaces proférées et, d'autre part, une ordonnance du juge d'instruction du 16 mars 2020 du service d'enquête du ministère de l'intérieur de Russie pour la République d'Ingouchie révélant que des recherches sont actuellement diligentées à l'encontre d'elle et son époux par les autorités ingouches, ces éléments ne permettent pas de tenir pour établi le caractère actuel et personnel des risques allégués. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 mai 2020 pour les motifs rappelés au point 4.

6. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... tant en première instance qu'en appel à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions attaquées :

7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux du 25 mai 2020 a été signé, pour le préfet de la Haute-Garonne, par Mme E... D..., directrice des migrations et de l'intégration, qui bénéficiait à cet effet d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté du 2 avril 2020, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 31-2020-086 de la préfecture de la Haute-Garonne. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte ne peut donc qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, la décision en litige vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de Mme C... et indique les raisons pour lesquelles le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays qu'elle devait rejoindre, en précisant notamment que sa demande d'asile a été définitivement rejetée. Ces indications, qui ont permis à l'intéressée de comprendre et de contester la mesure prise à son encontre, étaient suffisantes. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de la décision obligeant Mme C... à quitter le territoire français doit être écarté.

9. En deuxième lieu, si la décision mentionne que Mme C... n'a pas introduit de recours devant la CNDA à l'encontre de la décision d'irrecevabilité rendue par l'OFPRA alors que le délai imparti à l'intéressée pour saisir la CNDA était suspendu par le recours formé contre la décision de refus d'aide juridictionnelle dont elle avait fait l'objet, il résulte de l'instruction que le préfet de la Haute-Garonne aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur de fait, laquelle est ainsi sans incidence sur la légalité de la décision d'éloignement contestée.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est, selon ses déclarations, entrée en France en 2017 où elle n'a séjourné régulièrement que le temps de l'examen de sa demande d'asile. Elle ne démontre pas y avoir tissé des liens personnels d'une particulière intensité. Son époux fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et elle ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que leur cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales. Dans ces conditions, alors même qu'elle se serait impliquée dans des activités bénévoles et sportives, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C... une atteinte disproportionnée par rapport aux buts de sa décision et n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

13. La décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de Mme C... de leurs parents. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité hors de France, et notamment en Russie, pays dont ils sont ressortissants. Dans ces conditions, la décision litigieuse ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur des enfants de l'appelante. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention sur les droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

15. En deuxième lieu, la décision litigieuse, qui mentionne notamment que Mme C... n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, est suffisamment motivée.

16. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la motivation de la décision contestée, que le préfet, qui a procédé à un examen circonstancié de la situation de l'intéressée, se serait estimé lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA pour prononcer la mesure en litige.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes du dernier alinéa l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° À destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

18. Ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de Mme C... a été rejetée le 14 mars 2018 par l'OFPRA dont la décision a été confirmée le 15 novembre 2018 par la CNDA. Sa demande de réexamen a été jugée irrecevable le 25 septembre 2019 par le directeur général de OFPRA et le recours contre cette décision d'irrecevabilité a été rejeté par la CNDA le 31 janvier 2020. Si Mme C... soutient à nouveau devant la cour, en se prévalant d'éléments postérieurs à la dernière décision de la CNDA, les éléments nouveaux qu'elle apporte à l'appui de ses allégations ne permettent pas, ainsi qu'il a été dit au point 5, de tenir pour établi le caractère actuel et personnel des risques allégués. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

19. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

20. En second lieu, le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet à l'autorité préfectorale d'assortir, par une décision motivée, une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours d'une interdiction de retour d'une durée maximale de deux ans. Cette interdiction de retour et sa durée sont décidées en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.

21. D'une part, si Mme C... soutient que la décision en litige est entachée d'une erreur de fait substantielle dès lors que le préfet s'est notamment fondé sur le fait qu'elle n'a pas exécuté la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par le préfet du Var le 13 février 2019, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français après le rejet définitif de sa demande d'asile.

22. D'autre part, pour prononcer à l'encontre de Mme C... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur son entrée récente sur le territoire français, sur le fait qu'elle s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, sur l'absence de liens particuliers en France et sur la circonstance qu'elle n'a été admise à séjourner en France que le temps de l'instruction de sa demande d'asile définitivement rejetée. Ainsi, le préfet de la Haute-Garonne a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation ni méconnaître les dispositions précitées, interdire à Mme C... de retourner sur le territoire français pendant une durée de six mois. Sa décision n'est pas davantage entachée d'une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 mai 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

24. Le présent arrêt, qui annule le jugement du tribunal administratif de Toulouse et qui rejette la demande de Mme C..., n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressée doivent être rejetées.

Sur la demande de sursis à exécution :

25. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement du 3 septembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de sa requête n°20BX03107 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ont perdu leur objet.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme C... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Mme C... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20BX03107 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n°2002573 du 3 septembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse.

Article 3 : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse n° 2002573 du 3 septembre 2020 est annulé.

Article 4 : La demande de Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse et l'ensemble de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme H... C....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme B... A..., présidente-assesseure,

Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 mars 2021.

La rapporteure,

Karine A...

Le président,

Dominique Naves

La greffière,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°20BX03106, 20BX03107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03106,20BX03107
Date de la décision : 29/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SARASQUETA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-29;20bx03106.20bx03107 ?
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