Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion, en premier lieu, d'annuler la décision du 15 juin 2011, confirmée le 19 septembre 2013 sur recours gracieux, par laquelle le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion n'a pas renouvelé son contrat, en deuxième lieu, de condamner l'établissement à lui payer une indemnité de 110 448,49 euros et, en troisième lieu, d'ordonner sa réintégration.
Par un jugement n° 1301270 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15BX00120 du 13 juin 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel de Mme A..., a fait droit à ses conclusions indemnitaires à hauteur de 2 000 euros, a réformé dans cette mesure le jugement du tribunal administratif et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Par une décision n° 414277 du 14 juin 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par Mme A..., a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête enregistrée le 15 janvier 2015, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 2014 du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions des 15 juin 2011 et 19 septembre 2013 ;
3°) d'enjoindre au président de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion de la réintégrer et de reconstituer sa carrière ;
4°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion à lui payer une indemnité de 110 448,49 euros assortie des intérêts légaux à compter du 13 juin 2013 et de mettre à la charge de cet établissement les sommes de 6 000 euros et de 3 000 euros au titre des frais de procès exposés en première instance et en appel.
Elle soutient que :
- en violation des prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, la minute du jugement attaqué n'est pas signée ;
- le délai de prévenance prévu par l'article 5.I de l'annexe XIV du statut n'a pas été respecté ; elle a été informée du non-renouvellement treize jours avant le terme de son contrat alors qu'en vertu du même texte, un délai de deux mois avant le terme du contrat était applicable ; en exécution même du contrat, l'employeur ne pouvait légalement décider de ne pas renouveler ce contrat, à défaut de l'avoir dénoncé dans le délai légal ; la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion a délibérément méconnu ce délai ; cet agissement est assimilable à un vice de procédure substantiel ;
- lorsque son contrat a pris fin, le renouvellement de la convention conclue le 4 novembre 2004 pour cinq ans était acté depuis plusieurs mois et l'élaboration de la seconde convention quinquennale en cours de finalisation, ce dont son employeur avait connaissance ; il avait d'ores et déjà anticipé la conclusion de cette convention en la recrutant à deux reprises après le 4 novembre 2009, avant même la conclusion de la nouvelle convention pour les années 2010-2014 ; en juin 2011, il avait des certitudes quant au financement des actions de formation et, partant, sur les possibilités de rémunération des agents ; son poste n'a pas été supprimé, comme en témoigne le recrutement d'un autre agent ; la force majeure et l'inaptitude ne sont pas caractérisées, d'autant moins que la chambre de métiers et de l'artisanat a admis son professionnalisme dans ses écritures de première instance ; en vertu de l'article 6 de l'annexe XIV au statut, le président de la chambre de métiers et de l'artisanat était tenu de reconduire son contrat ;
- la méconnaissance du délai de prévenance constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement, compte tenu, au surplus, de la situation de chômage sur l'île, trois fois plus élevé qu'en métropole ;
- les tensions relatées en première instance par le défendeur, qui avait renouvelé son contrat à cinq reprises en sept ans, relèvent de l'engagement d'une procédure disciplinaire et ne sauraient légalement justifier la décision de ne pas renouveler son contrat ;
- elle peut prétendre à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière entre le 20 janvier 2004 et le 30 juin 2011 ; au titre de la perte d'emploi, il y a lieu de lui allouer la somme de 42 573,20 euros se décomposant, pour la perte de droits liés à l'ancienneté en l'allocation de 2 421,46 euros, au titre du droit individuel à la formation en l'allocation de 453,83 euros, au titre de la perte de droits à la retraite en l'allocation de 25 000 euros ; son préjudice moral justifie l'allocation de 40 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 janvier 2017, la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.
Procédure devant la cour après cassation :
Par des mémoires, enregistrés le 29 janvier 2020 et le 7 avril 2020, Mme A..., représentée par la SCP Thouvenin-Coudray-Grevy, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 2014 du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) d'annuler la décision de non-renouvellement de son contrat ;
3°) d'enjoindre au président de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion de la réintégrer et de reconstituer sa carrière ;
4°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion à lui payer une indemnité de 110 448,49 euros assortie des intérêts légaux.
Elle soutient que :
- la décision du 15 juin 2011 revêt le caractère d'un acte faisant grief à cet égard susceptible de recours ;
- cette décision n'étant pas assortie de la mention des voies et délais de recours, aucune tardiveté ne peut être opposée à son recours ;
- la décision de ne pas renouveler son contrat méconnaît les dispositions du I de l'article 6 de l'annexe XIV au statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat ;
- l'intérêt du service invoqué par la chambre de métiers et de l'artisanat n'est pas susceptible de justifier la décision contestée de non-renouvellement ;
- les conclusions à fin de réintégration et de reconstitution de carrière doivent être accueillies par voie de conséquence ;
- l'illégalité fautive entachant la décision de non-renouvellement de son contrat lui ouvre droit à l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de revenus subie entre le 1er juillet 2011 et le 30 juin 2014 qui s'élève à la somme de 42 573, 20 euros ;
- cette illégalité lui ouvre également droit à une indemnisation au titre du préjudice subi du fait de la non prise en compte de son ancienneté durant cette période allant de juillet 2011 à juin 2014 pour un montant de 2 421,46 euros ;
- elle est également fondée à solliciter une indemnisation au titre de son droit individuel à la formation pour un montant de 453,83 euros ;
- elle est fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice né de la minoration à venir de sa pension de retraite pour un montant de 25 000 euros ;
- le préjudice moral subi et les troubles dans les conditions d'existence doivent être réparés à hauteur de 20 000 euros ;
- le préjudice résultant de la méconnaissance du délai de prévenance peut être évalué à la somme de 20 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2020, la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions présentées devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de la décision du 15 juin 2011 étaient irrecevables dès lors que cette dernière ne revêtait pas le caractère d'un acte faisant grief et que le recours enregistré le 18 novembre 2013 était tardif ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par un courrier du 11 février 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision de non-renouvellement de son contrat en ce qu'elles ont été présentées devant le tribunal administratif de La Réunion plus d'un an après la date à laquelle l'intéressée a eu connaissance de cette décision.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code du travail ;
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- le statut du personnel administratif des chambres de métiers et de l'artisanat adopté par la commission paritaire nationale le 13 novembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... C...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion a conclu avec Mme A... plusieurs contrats à durée déterminée successifs à compter du 26 janvier 2004, le dernier en date pour une durée d'un an du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, pour exercer des fonctions de professeur de français au centre de formation des apprentis du Port. Par un courrier du 15 juin 2011, le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion a informé Mme A... de sa décision de ne pas renouveler son contrat au terme de celui-ci. Par une décision du 19 septembre 2013, il a rejeté la demande présentée par Mme A... le 12 juin 2013, tendant au retrait de cette décision et à la condamnation de la chambre à l'indemniser de son préjudice. Le 18 novembre 2013, Mme A... a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande d'annulation de la décision refusant le renouvellement de son contrat, assortie de conclusions à fin d'injonction et de conclusions indemnitaires. Par un jugement du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande. Par un arrêt du 13 juin 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel de Mme A..., a jugé que cette dernière était seulement fondée à demander la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion à lui payer une indemnité de 2 000 euros en réparation du préjudice occasionné par la méconnaissance du délai de prévenance prévu à l'article 5.1 de l'annexe XIV du statut des personnels des chambres de métiers et de l'artisanat et a décidé la réformation en ce sens du jugement du 23 octobre 2014, mais a rejeté le surplus de ses conclusions. Le Conseil d'Etat a annulé ce dernier arrêt par une décision du 14 juin 2019 et a renvoyé l'affaire devant la cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort de la minute du jugement transmis à la cour par le tribunal administratif de La Réunion que le jugement attaqué a été signé par le rapporteur, le président et le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 citées au point précédent du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à Mme A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation présentées en première instance :
4. La décision par laquelle l'autorité administrative compétente met fin à ses relations contractuelles avec un agent non-titulaire doit être regardée comme un refus de renouvellement de contrat si elle intervient à l'échéance du contrat et comme un licenciement si elle intervient au cours de ce nouveau contrat. Ainsi qu'il a été dit au point 1, par un courrier du 15 juin 2011, le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion a informé Mme A... de sa décision de ne pas renouveler son contrat au terme de celui-ci arrivant à échéance le 30 juin 2011. Eu égard aux termes de ce courrier et en l'absence de toute décision ultérieure, ledit courrier ne peut être regardé, ainsi que le soutient la chambre de métiers et de l'artisanat, comme une simple information insusceptible de recours mais constitue une décision de refus de renouvellement de contrat, qui est une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme A... ne pouvait contester une décision insusceptible de recours doit être écarté.
5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, le délai de recours n'est pas opposable.
6. Toutefois le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le demandeur, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
7. Il est constant que, par un courrier en date du 15 juin 2011 ne comportant pas la mention des voies et délais de recours, le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion a informé Mme A... de son intention de ne pas renouveler son contrat arrivant à échéance le 30 juin 2011. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a eu connaissance de ce courrier, qui lui a été adressé par lettre recommandé, le 17 juin 2011, date à laquelle elle admet elle-même l'avoir réceptionné. Après avoir présenté, le 12 juin 2013, une " demande préalable " tendant au retrait de la décision de non-renouvellement de son contrat et à la condamnation de la chambre à l'indemniser de son préjudice, Mme A... a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande d'annulation de la décision refusant le renouvellement de son contrat, assortie de conclusions à fin d'injonction et de conclusions indemnitaires, le 18 novembre 2013, soit plus d'un an après la date à laquelle il est établi qu'elle a eu connaissance du refus de renouvellement de son contrat. Les conclusions à fin d'annulation ayant ainsi été introduites au-delà d'un délai raisonnable, elles sont tardives et par suite irrecevables.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision de non-renouvellement de son contrat et à fin d'injonction.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
En ce qui concerne la responsabilité :
S'agissant du non-renouvellement du contrat :
9. D'une part, aux termes de l'article L. 6232-1 du code du travail : " La création des centres de formation d'apprentis fait l'objet de conventions conclues entre l'Etat, dans le cas des centres à recrutement national, la région, dans tous les autres cas et : (...) / 4° Les chambres de commerce et d'industrie territoriales, les chambres des métiers et les chambres d'agriculture (...) ". Selon l'article R. 6232-12 de ce code : " La convention créant un centre de formation d'apprentis est conclue pour une durée de cinq ans à partir d'une date d'effet qu'elle fixe expressément ". Aux termes de l'article R. 6232-15 du même code : " Dix-huit mois au moins avant la date d'expiration de la convention, les parties se concertent afin de préparer son renouvellement en tenant compte, s'il y a lieu, des adaptations rendues nécessaires par l'évolution des besoins de formation. / Lorsqu'il apparaît que la convention ne peut être renouvelée, le recrutement de nouveaux apprentis est interrompu. La convention en vigueur est prorogée de plein droit jusqu'à l'achèvement des formations en cours, lorsque cet achèvement a lieu après la date d'expiration de la convention ". Selon l'article R. 6232-16 de ce code : " La convention est renouvelée dans les conditions prévues à l'article R. 6232-15 ".
10. D'autre part, en vertu du I de l'article 2 du statut des personnels des chambres de métiers et de l'artisanat, les chambres : " peuvent engager des agents sous contrat à durée déterminée dans les cas limitatifs suivants : / a) En vue de satisfaire des besoins non permanents ; / b) En vue de pourvoir des emplois à temps partiel pour satisfaire des besoins particuliers requérant la collaboration de spécialistes ; / c) En vue de pallier l'indisponibilité temporaire d'un agent titulaire. / Les rapports de ces agents avec l'organisme employeur sont réglés par le statut, l'annexe XIV relative aux dispositions particulières applicables aux agents recrutés sous contrat et un contrat de travail de droit public (...) ". L'article 2 de l'annexe XIV de ce statut dispose, s'agissant de la durée du contrat : " L'agent recruté par contrat à durée déterminée est engagé pour une durée maximale de cinq ans (...) ". Selon l'article 5 de l'annexe XIV du même statut : " Le contrat prend fin par suite : / - de la survenance du terme inscrit dans le contrat à durée déterminée ; - de l'admission à la retraite ; - de la démission ; - du licenciement ". Toutefois, aux termes du I de l'article 6 de l'annexe XIV du même statut, relatif aux dispositions particulières applicables au personnel contractuel des centres de formation : " La durée des contrats est celle prévue à l'article 2 de la présente annexe et ne peut dépasser la durée restant à courir de la convention portant création des centres de formation en application de l'article R. 6232-12 du code du travail. / Sauf dans les cas prévus par les alinéas b et c de l'article 2 du statut, le terme du contrat est celui de la convention. / Le contrat est renouvelé par reconduction expresse si une nouvelle convention est conclue sauf en cas de force majeure, d'inaptitude physique ou professionnelle constatée ou de suppression de poste motivée ".
11. Il résulte des dispositions du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat précitées que, s'agissant du personnel contractuel des centres de formation, l'article 6 de l'annexe XIV de ce statut déroge au principe selon lequel l'agent public dont le contrat de travail arrive à son terme n'a pas de droit à son renouvellement, en posant le principe d'un tel droit lorsque la convention quinquennale portant création d'un centre de formation d'apprentis est conclue et en énumérant de manière exhaustive les cas dans lesquels une chambre des métiers et de l'artisanat peut alors légalement s'abstenir de renouveler le contrat. En outre, même dans le cas où la convention quinquennale est venue à son terme, l'agent contractuel d'un centre de formation des apprentis conserve le droit au renouvellement de son contrat, sauf force majeure, inaptitude physique ou professionnelle ou suppression de poste, lorsque la convention quinquennale est prorogée de plein droit jusqu'à l'achèvement des formations en cours en vertu des dispositions précitées de l'article R. 6232-15 du code du travail ou lorsqu'il est établi que la convention est en cours de renouvellement.
12. Il résulte de l'instruction qu'une convention portant création des centres de formation en application de l'article R. 6232-12 du code du travail a été conclue pour la période du 4 novembre 2004 au 3 novembre 2009 pour définir les modalités d'intervention de la région Réunion dans le financement du centre de formation des apprentis du Port. Si cette convention quinquennale n'a été renouvelée que le 26 mars 2012 avec une prise d'effet à cette date, il est constant qu'à la date du 15 juin 2011 à laquelle le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion a décidé de ne pas renouveler le contrat de Mme A..., la convention était en cours de renouvellement. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la chambre de métiers et de l'artisanat pouvait ne pas renouveler le contrat de Mme A... en cas seulement de force majeure, d'inaptitude physique ou professionnelle constatée de l'intéressée ou de suppression de poste. Si la chambre de métiers et de l'artisanat, qui invoque le comportement inadapté de Mme A..., se prévaut de l'intérêt du service, ce dernier ne se rattache pas aux cas énumérés à l'article 6 de l'annexe XIV et n'est ainsi pas de nature à justifier légalement le refus de renouvellement du contrat de Mme A....
13. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges dont le jugement doit être annulé sur ce point, Mme A... est fondée à soutenir que la décision par laquelle le président de la chambre de métiers et de l'artisanat n'a pas renouvelé son contrat est entachée d'illégalité. Cette illégalité fautive est de nature à engager la responsabilité de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Réunion.
S'agissant du délai de prévenance :
14. Aux termes du I de l'article 5 de l'annexe XIV du statut du personnel administratif des chambres de métiers et de l'artisanat : " Lorsque le contrat à durée déterminée est susceptible d'être reconduit, le président de l'établissement notifie par lettre recommandée à l'agent son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : (...) au début du mois précédant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée supérieure ou égale à six mois et inférieure à deux ans ; (...) ".
15. Il résulte des dispositions citées au point précédent que la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion devait informer Mme A..., dont le dernier contrat était conclu pour un an, de son intention de ne pas le renouveler au moins un mois avant le terme de l'engagement. Or, l'intéressée n'a été informée du non-renouvellement de son contrat arrivant à terme le 30 juin 2011 que par le courrier en date du 15 juin 2011 reçu le 17 juin 2011, soit treize jours avant l'échéance dudit contrat.
16. Dans ces conditions, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, Mme A... est fondée à soutenir que la méconnaissance du délai de prévenance est constitutive d'une faute qui engage la responsabilité de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant des préjudices nés de l'illégalité fautive du non-renouvellement du contrat :
17. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public régulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables, les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.
18. En premier lieu, il résulte des dispositions citées aux points 9 et 10, en particulier du I l'article 6 de l'annexe XIV du statut du personnel administratif des chambres de métiers et de l'artisanat, ainsi que des principes énoncés au point 11, que Mme A... aurait pu, si son contrat avait été renouvelé, exercer ses fonctions du 1er juillet 2011, date d'effet du non-renouvellement décidé le 15 juin 2011, au 26 mars 2012, date de renouvellement de la convention quinquennale à laquelle son contrat était adossé. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, Mme A... est en droit de prétendre au versement d'une indemnité égale à la différence entre le montant des rémunérations qu'elle aurait dû percevoir si elle était restée en fonction au cours de cette période et les rémunérations de toute nature ainsi que des allocations pour perte d'emploi qu'elle a perçues au cours de cette même période.
19. Il résulte de l'instruction que, d'une part, Mme A... aurait perçu, en vertu de son contrat de travail, une rémunération d'un montant total de 19 442, 80 euros au cours de la période du 1er juillet 2011 au 26 mars 2012, ce montant incluant la prime de treizième mois. D'autre part, Mme A... a perçu un montant total de 13 724, 38 euros au cours de cette période, ce montant correspondant aux indemnités de Pôle emploi. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion à verser à Mme A... la somme de 5 718, 42 euros au titre du préjudice financier qu'elle a subi.
20. En deuxième lieu, si Mme A... soutient qu'elle est en droit d'être indemnisée du préjudice qui résulterait de la perte de rémunération liée à son ancienneté, il résulte de l'instruction que son changement d'indice serait intervenu le 1er novembre 2013 soit après la période d'indemnisation retenue allant du 1er juillet 2011 au 26 mars 2012. La demande qu'elle présente à ce titre ne peut donc qu'être rejetée.
21. En troisième lieu, Mme A... soutient avoir subi un préjudice financier résultant de la perte de son droit individuel à la formation et de la minoration à venir de sa pension de retraite. Toutefois, en l'absence d'éléments apportés à l'appui de cette allégation, la demande qu'elle présente à ces deux titres ne peut qu'être rejetée.
22. En quatrième lieu, s'agissant de l'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme A... du fait du refus de renouveler son dernier contrat, l'intéressée fait notamment valoir le traumatisme qu'elle a éprouvé en se voyant notifier, alors qu'elle ne s'y attendait pas, la décision de non-renouvellement de son contrat à durée déterminée, après sept années passées au centre de formation d'apprentis du Port. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en fixant à 1 000 euros le montant de l'indemnité réparatrice.
S'agissant des préjudices nés du non-respect du délai de prévenance :
23. Mme A... est en droit de prétendre à la réparation de ses préjudices présentant un lien direct et certain avec la faute relevée au point 16.
24. Il résulte de l'instruction que Mme A... a exercé ses fonctions pendant une durée de sept ans au centre de formation d'apprentis du Port. Compte tenu notamment des difficultés à retrouver un emploi sur l'île où le taux de chômage est particulièrement élevé, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par l'intéressée du fait du non-respect du délai de prévenance en fixant à 2 000 euros l'indemnité destinée à le réparer.
25. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses conclusions indemnitaires. Il y a lieu de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion à verser à Mme A... la somme totale de 8 718, 42 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait des fautes commises par cet établissement. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2013, date de réception de la demande préalable de Mme A.... Le jugement du tribunal administratif doit être réformé dans cette mesure.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
26. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision refusant de renouveler son contrat, n'implique pas qu'il soit enjoint à la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion de réintégrer l'intéressée ni de reconstituer sa carrière. Les conclusions tendant à cette fin ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion est condamnée à verser à Mme A... la somme totale de 8 718, 42 euros, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2013.
Article 2 : Le jugement n° 1301270 du tribunal administratif de La Réunion du 23 octobre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et à la chambre de métiers et de l'artisanat de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme D... C..., présidente-assesseure,
Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 mars 2021.
La rapporteure,
Karine C...
Le président,
Dominique Naves
La greffière,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 19BX02301