Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le centre hospitalier intercommunal Ribérac Dronne Double a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la société d'assurance mutuelle Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser la somme de 825 191,63 euros assortie des intérêts de droit à compter de l'enregistrement de la requête et de la capitalisation, au titre de l'assurance dommage ouvrage qu'il a souscrite.
Par un jugement n° 1700732 du 24 septembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la SHAM à verser au centre hospitalier intercommunal Ribérac Dronne Double la somme de 577 634,14 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2017, avec capitalisation des intérêts échus à la date du 24 janvier 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date et a mis à sa charge les dépens.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2018, la SHAM, représentée par la SELARL Piras et associés, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 septembre 2018 en tant qu'il l'a condamnée à verser la somme de 577 634,14 euros au centre hospitalier intercommunal Ribérac Dronne Double ;
2°) de ramener à de plus justes proportions le montant de la somme à verser au centre hospitalier précitée, soit au niveau du coût des travaux de reprise, tel que fixé par l'expert judiciaire, c'est-à-dire 107 000 euros ;
3°) de mettre à la charge dudit centre hospitalier une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- la demande du centre hospitalier est prescrite, en vertu des dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances, le délai de prescription biennal institué par ces dispositions ayant en l'espèce expiré le 4 septembre 2012 ;
- le montant de la condamnation prononcée par les premiers juges et celui réclamé par le centre hospitalier sont manifestement excessifs, eu égard notamment au montant du coût des travaux de reprise tel qu'estimé par l'expert judiciaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2019, le centre hospitalier intercommunal Ribérac Dronne Double conclut au rejet de la requête à ce qu'il soit mis à la charge de la SHAM le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le délai de prescription biennal invoqué par la SHAM n'était pas expiré, dans la mesure où ce délai ne commence à courir qu'à compter du jour où l'assuré a pu avoir connaissance des faits lui permettant d'agir, ce qui, en l'occurrence, n'est intervenu que le 3 mai 2013 ; en tout état de cause, ce délai ne lui était pas opposable, pour le motif exposé dans le jugement attaqué ;
- le montant de la condamnation prononcée par le tribunal correspond au coût effectivement supporté pour réaliser les travaux de reprise des désordres, minoré d'un abattement de 30 % pour tenir compte de la plus-value apportée, en raison de la nécessité de respecter les nouvelles normes anti-incendie.
Par ordonnance du 11 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 12 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ;
- l'instruction technique n° 46 du 4 mai 1982 relative au désenfumage dans les établissements recevant du public ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant le centre hospitalier intercommunal Ribérac Dronne Double.
Considérant ce qui suit :
1. Les travaux de restructuration et d'extension du centre de long et de moyen séjour de La Meynardie, établissement public de santé situé à Saint-Privat-des-Prés (Dordogne), ont eu lieu entre juin 2000 et avril 2003, sous maîtrise d'oeuvre d'un groupement constitué de la société Coq et Lefrancq, mandataire, et de M. A.... Le contrôle technique a été confié à la société Bureau Veritas. La rénovation complète du système de désenfumage relevait des lots n° 8 " Plâtrerie ", confié à un groupement solidaire constitué des sociétés Gault et Bonnin et de M. C..., et n° 16 " électricité ", attribué à la société Amec Spie. Les deux lots ont été réceptionnés, après levée des réserves, avec effet au 29 avril 2003.
2. Cependant, à la suite d'un exercice de sécurité incendie, réalisé en octobre 2008, de nombreux vices ont été relevés dans le système de désenfumage. L'établissement de santé, qui avait souscrit, le 22 mai 2002, un contrat d'assurance " dommages-ouvrage " auprès de la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), lui a adressé une déclaration de sinistre le 6 juillet 2010 en raison de ces défectuosités. La SHAM a demandé un rapport d'expertise au cabinet Saretec puis, le 3 septembre 2010, a refusé de garantir les désordres. Après deux expertises complémentaires du même cabinet, elle a, par deux fois, confirmé ce refus. Le centre hospitalier a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'expertise, qui a été ordonnée le 25 février 2014. Le rapport d'expertise a été déposé le 3 juin 2015. L'établissement de santé, devenu le centre hospitalier intercommunal Ribérac Dronne Double (CHIRDD), a ensuite demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la SHAM à lui verser la somme de 825 191,63 euros sur le fondement de son contrat d'assurance
3. La SHAM relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 septembre 2018 en tant qu'il l'a condamnée à verser la somme de 577 634,14 euros au CHIRDD.
Sur la prescription :
4. La SHAM soutient en appel comme devant les premiers juges que la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances est opposable à la demande du CHIRDD. Cependant, à l'appui de ce moyen, l'appelante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
Sur l'évaluation du préjudice :
5. La société appelante, qui ne critique ni le principe même de la mise en oeuvre de la garantie souscrite par son assuré ni l'ampleur de l'abattement appliqué par les premiers juges au montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice subi par ce dernier, se borne à soutenir en appel que le montant de cette indemnité, soit 577 634,14 euros est excessif, eu égard à l'évaluation effectuée par l'expert judiciaire des dépenses nécessaires pour remédier aux désordres constatés.
6. Toutefois, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'affirme la SHAM, le montant de l'indemnité précitée n'a pas été déterminé sur la base de seuls devis mais à partir du montant des actes d'engagement des entreprises retenues par l'établissement intimé dans le cadre des marchés publics passés afin d'assurer la mise en sécurité incendie du centre hospitalier. Par ailleurs, la seule circonstance que ce montant soit significativement plus élevé que celui auquel est parvenu, du reste sans aucune explication, l'expert judiciaire ne saurait suffire à démontrer qu'il serait manifestement hors de proportion avec le coût réel des travaux rendus nécessaires afin de remédier aux désordres constatés.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SHAM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à verser la somme de 577 634,14 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2017 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 24 janvier 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais d'expertise :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et comme l'a jugé le tribunal, de laisser les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 6 076 euros par ordonnance du 9 juin 2015, à la charge définitive de la SHAM.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHIRDD, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SHAM demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SHAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier intimé et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SHAM est rejetée.
Article 2 : La SHAM versera la somme de 1 500 euros au CHIRDD au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'assurance mutuelle Société hospitalière d'assurances mutuelles et au centre hospitalier intercommunal Ribérac Dronne Double.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme D..., présidente-assesseure,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2021.
Le président-rapporteur,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX04020