La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2021 | FRANCE | N°20BX02404

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 11 février 2021, 20BX02404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C..., veuve B..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1903796 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2

020, Mme C..., veuve B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C..., veuve B..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1903796 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2020, Mme C..., veuve B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît le principe du contradictoire ; le tribunal se borne à rejeter sa demande sans vérifier si elle avait été mise en situation d'apporter des éléments nouveaux entre la date de dépôt de sa demande en mars 2018 et la décision de rejet en date du 7 juin 2019 ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit et méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'avis du collège des médecins de l'OFII est intervenu le 29 août 2018 soit à une date antérieure à la seconde intervention chirurgicale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation personnelle et son état de santé ;

- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il appartenait au préfet de vérifier si l'intensité de ses liens en France n'étaient pas plus importante qu'en République centrafricaine et notamment si le droit pour elle de rester aux côtés de son fils malade n'était pas plus important que celui d'un retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par Mme B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante centrafricaine, née le 4 août 1949 à Moussoro (Tchad), est entrée en France le 30 décembre 2017, munie de son passeport revêtu d'un visa de 80 jours. Par un arrêté du 7 juin 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité en qualité d'étranger malade, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". Une décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour constitue une mesure de police, dont la motivation est prévue par le 1° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

3. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas respecté la procédure contradictoire prévue par les articles précités du code des relations entre le public et l'administration avant de refuser à Mme B... le bénéfice d'un titre de séjour est inopérant.

4. En deuxième lieu, Mme B... soutient que les décisions contenues dans l'arrêté du 7 juin 2019 sont insuffisamment motivées. Toutefois, l'arrêté en litige vise notamment les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile notamment les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celles du 3° de l'article L. 511-1-I de ce code ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il fait état des éléments relatifs à l'identité de l'intéressée et à ses conditions d'entrée et de séjour sur le territoire français et relève que, le 29 août 2018, le collège de médecins de l'OFII a rendu un avis selon lequel son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ajoute que Mme B... ne justifie pas être dans l'impossibilité d'accéder aux soins dans son pays d'origine, ce dont elle ne s'est d'ailleurs pas prévalue. L'arrêté, qui n'avait pas à énoncer de manière exhaustive les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'appelante, mentionne également les principaux éléments relatifs à sa situation au regard des attaches personnelles. L'arrêté attaqué précise également qu'elle ne justifie ni de circonstances humanitaires ou exceptionnelles, ni être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, cet arrêté qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. De plus, en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu de motiver spécifiquement la décision obligeant à quitter le territoire français, fondée sur le 3° du I de l'article L. 511-1 de ce code. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions attaquées doit être écarté.

5. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de cet arrêté ni d'aucune pièce du dossier que le préfet de la Haute-Garonne se serait abstenu de procéder à un examen réel et sérieux de la situation de Mme B....

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".

7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

8. L'avis du collège des médecins de l'OFII rendu le 29 août 2018 indique que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine.

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a subi deux interventions chirurgicales les 15 mai et 4 septembre 2018 et que des prothèses de genou lui ont été posées. Elle fait valoir que l'avis des médecins ne pouvait pas contenir d'indications sur la durée prévisible du traitement puisqu'il a été émis avant la seconde intervention. Toutefois et ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, elle n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII selon lequel l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le seul document médical qu'elle produit, à savoir le certificat médical du 12 mars 2018 du docteur Galy mentionnant que Mme B... nécessitait une intervention chirurgicale urgente, déjà produit devant les premiers juges, n'est pas suffisant pour contredire cet avis et la circonstance que celui-ci a été pris avant la seconde intervention ne permet pas à elle seule de considérer que le défaut de prise en charge devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni, d'ailleurs, qu'elle ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne n'a commis ni d'erreur de droit au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'état de santé de l'appelante.

10. Mme B... reprend en appel son moyen de première instance tiré de l'atteinte portée par l'arrêté du préfet à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France, garanti notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'appelante ne se prévaut toutefois d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ces moyens.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction de la requête ne peuvent également qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., veuve B..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme G..., présidente-assesseure,

Mme D... F..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 20BX02404


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02404
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : YAMBA-TAMBIKISSA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-11;20bx02404 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award