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08/02/2021 | FRANCE | N°20BX03108,20BX03196

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 février 2021, 20BX03108,20BX03196


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002463 du 21 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 18 mai 2020 en tant qu'il fixe le pays de renvoi, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexame

n de sa situation et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

I...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002463 du 21 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 18 mai 2020 en tant qu'il fixe le pays de renvoi, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2020 sous le n° 20BX03108, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision fixant le pays de renvoi et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai d'un mois.

Il soutient que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision fixant le pays de renvoi dans la mesure où M. A... n'établit pas encourir des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2020, M. A..., représenté par Me G..., conclut au rejet de l'appel du préfet de la Haute-Garonne et demande à la Cour, par la voie de l'appel incident :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 21 août 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'arrêté du 21 août 2020 est entaché d'incompétence, que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, qu'elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, que son droit à être entendu a été méconnu et que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une décision du 29 octobre 2020 M. A... a été maintenu de plein droit dans le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

II.- Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2020, sous le n° 20BX02426, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 29 juin 2020 du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que la requête au fond par laquelle il a saisi la cour contient des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement du 21 août 2020.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2020, M. A..., représenté par Me G..., conclut au rejet de la demande de sursis à exécution du préfet de la Haute-Garonne et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision du 29 octobre 2020 M. A... a été maintenu de plein droit dans le bénéfice de l'aide juridictionnelle

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais, né le 25 mai 1999 à Sylhet, est entré en France le 15 mai 2017 où il a sollicité son admission au bénéfice de l'asile qui a fait l'objet d'un rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) 25 juillet 2018, confirmée une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 14 juin 2019. Par un arrêté du 18 mai 2020 le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 21 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 18 mai 2020 en tant qu'il a décidé du pays de renvoi. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX03196, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 18 mai 2020 fixant le pays de renvoi. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX03108, le même préfet fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé cette décision. Ces deux requêtes présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire.

Sur l'appel principal :

2. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

3. Il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français de s'assurer, sous le contrôle du juge, en application du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si elle est en droit de prendre en considération, à cet effet, les décisions qu'ont prises, le cas échéant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile saisis par l'étranger de demandes de titre de réfugié politique, l'examen par ces dernières instances, au regard des conditions mises à la reconnaissance du statut de réfugié par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, des faits allégués par le demandeur d'un tel statut, et des craintes qu'il énonce, et l'appréciation portée sur eux, en vue de l'application de ces conventions, ne lient pas l'autorité administrative et sont sans influence sur l'obligation qui est la sienne de vérifier, au vu du dossier dont elle dispose, que les mesures qu'elle prend ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions susmentionnées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. La demande d'admission au séjour au titre de l'asile de M. A... a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 25 juillet 2018 confirmée par une décision de la CNDA du 14 juin 2019.

5. Il ressort de ces décisions que les affirmations selon lesquelles il risque d'être soumis à des persécutions en cas de renvoi dans son pays d'origine, de la part des autorités bangladaise, d'un dirigeant de la ligue awami et d'étudiants d'une école coranique, dès lors qu'il est faussement accusé d'avoir tué le principal de cette école coranique sont mentionnées dans la décision de la CNDA du 14 juin 2019. Les éléments qu'il a produit devant le tribunal administratif à l'appui de ses allégations, à savoir, des copies certifiées conformes, rédigées en bengali et traduites en français, de documents relatifs à deux procédures judiciaires dans le cadre desquelles il a été accusé d'enlèvement et d'assassinat ainsi que de possession d'armes clandestines, ont été portées à la connaissance de la CNDA qui l'indique dans sa décision de rejet du 14 juin 2019 en considérant néanmoins qu'en l'absence d'explications personnalisées de l'intéressé sur sa mise en cause dans des affaires controuvées, ces pièces, dont l'origine reste indéterminées, ne pouvaient à elles seules permettre d'établir la réalité des faits allégués. La CNDA a également relevé dans cette décision que si la pratique des accusations fallacieuses au Bangladesh est une réalité, en revanche, la corruption à grande échelle dans ce pays permet à toute personne de se procurer facilement de fausses pièces de procédure pénale y compris des jugements de condamnation criminelle.

6. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que M. A... aurait présenté devant le tribunal administratif des éléments nouveaux et circonstanciés en rapport direct avec les risques allégués en cas de retour au Bangladesh qui n'auraient pas déjà été pris en considération par l'OFPRA ou la CNDA et qui permettraient d'établir la réalité de tels risques. Dès lors M. A... n'établit pas de manière suffisamment certaine les risques personnels qu'il encourrait en cas de retour au Bangladesh.

7. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté contesté en tant qu'il fixe le pays de renvoi de M. A... au motif qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en conséquence, a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai d'un mois.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. A... à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.

9. La décision contestée a été signée par Mme H... F..., directrice des migrations et de l'intégration. Par un arrêté du 2 avril 2020 n° 31-2020-04-02-001 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 31-2020-086 de la préfecture du même jour, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme H... F... à l'effet de signer les décisions relatives à la police des étrangers et notamment celles prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision fixant le pays de renvoi manque en fait et doit être écarté.

Sur l'appel incident :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'arrêté :

10. Comme cela a été dit au point 9, Mme H..., directrice des migrations et de l'intégration, a reçu délégation à l'effet de signer les décisions relatives à la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens :

11. A l'appui de ses conclusions d'appel incident, M. A... se borne à reprendre avec la même argumentation les moyens soulevés en première instance et tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'absence d'examen individuel de sa situation et de la méconnaissance de son droit à être entendu. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.

12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il besoin d'examiner la recevabilité de sa demande, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 18 mai 2020 en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette l'appel incident de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer une autorisation provisoire de séjour ou de réexaminer sa situation doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

14. les dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ont obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. A... demande le versement à son conseil sur ces fondements.

Sur la requête à fins de sursis du préfet de la Haute-Garonne :

15. Le présent arrêt statue sur la requête au fond du préfet de la Haute-Garonne contestant le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 août 2020. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur sa requête à fins de sursis à exécution de ce même jugement.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20BX03196 à fins de sursis à exécution présentée par le préfet de la Haute-Garonne.

Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2002463 du tribunal administratif de Toulouse du 21 août 2020 sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi et ses conclusions d'appel incident ainsi que les conclusions présentées au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Dominique B..., président,

Mme E... D..., présidente-assesseure,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2021.

La présidente-assesseure,

Karine D...

Le président-rapporteur,

Dominique B...

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 20BX03108, 20BX03196


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03108,20BX03196
Date de la décision : 08/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: M. Dominique NAVES
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-08;20bx03108.20bx03196 ?
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