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14/01/2021 | FRANCE | N°20BX00467

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 14 janvier 2021, 20BX00467


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1905413 du 19 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2020 sous le n° 20BX00467, M. A..., représenté par Me C..., demande à la

cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à titre provisoire ;

2°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1905413 du 19 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2020 sous le n° 20BX00467, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 19 novembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2019 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à l'État de prendre en charge sa demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté méconnaît son droit à l'information tel qu'il est garanti par l'article 26-2 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que son droit au recours effectif, entraînant dès lors des conséquences sur sa situation personnelle ;

- la durée de l'entretien individuel révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle en méconnaissance de l'article 4 du même règlement ;

- l'arrêté méconnaît les articles 5 de ce règlement et L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la préfète ne justifie pas de la nécessité de recourir à un interprétariat par téléphone ;

- il méconnaît les articles 3 de ce règlement et L. 742-7 du même code en raison des défaillances systémiques de l'Italie ;

- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause dérogatoire prévue à l'article 17 de ce règlement au regard de ses conditions d'arrivée en France et de son état de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant gambien, déclare avoir passé deux années en Italie avant d'entrer irrégulièrement sur le territoire français le 17 avril 2019 pour y déposer une demande d'asile qui a été enregistrée le 13 mai 2019. La consultation des données Eurodac ayant révélé qu'il avait introduit une demande similaire en Italie le 12 juillet 2017, la préfète de la Gironde, par un arrêté du 23 octobre 2019, a décidé de remettre l'intéressé aux autorités italiennes. M. A..., qui a été déclaré en fuite le 12 décembre 2019, relève appel du jugement du 19 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision n° 2020/027318 du 12 mars 2020, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle totale à

M. A.... Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 614/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable. Les Etats membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne concernée avec la décision visée au paragraphe 1, si ces informations ne lui ont pas encore été communiquées (...) ".

4. L'intéressé ne peut utilement soutenir que l'arrêté contesté omet de mentionner que le délai de transfert court à nouveau à compter de la notification du jugement du tribunal administratif dès lors que les dispositions susvisées de l'article 26-2 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'imposent pas la présence d'une telle mention dans une décision de transfert. En outre, l'intéressé n'apporte aucune précision utile concernant la méconnaissance supposée de son droit au recours effectif ni sur les conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, ce moyen doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5.".

6. Il ressort des pièces du dossier que les informations requises par les dispositions susvisées ont été remises à M. A... en langue peul, langue qu'il a lui-même déclarée comprendre lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, et qu'il a bénéficié de l'assistance d'un interprète dans cette même langue. Si l'intéressé fait valoir que cet entretien téléphonique n'a duré que 33 minutes, il ne ressort pas pour autant des pièces du dossier qu'il n'aurait pas bénéficié d'une information complète concernant l'application du règlement (UE) n° 604/2013. Par conséquent, la durée de l'entretien n'est de nature à caractériser ni un défaut d'examen sérieux de sa situation ni une méconnaissance de l'article 4 du règlement précité.

7. En troisième lieu, M. A... reprend, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, les moyens invoqués en première instance tirés de la méconnaissance des articles 3 et 5 du règlement UE n° 604/2013 et des articles L. 111-8 et L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau, ni aucune nouvelle pièce à l'appui de ces moyens auxquels le magistrat désigné par le président du tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par ce dernier.

8. En quatrième lieu, en vertu de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le préfet peut refuser l'admission au séjour d'un demandeur d'asile au motif que la responsabilité de l'examen de cette demande relève de la compétence d'un autre État membre, il n'est pas tenu de le faire et peut autoriser une telle admission au séjour en vue de permettre l'examen d'une demande d'asile présentée en France.

9. L'intéressé reprend en appel le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées au soutien duquel il produit une attestation du docteur Assuied du 10 décembre 2019, dans laquelle il certifie que " son état de santé ne lui permet pas de quitter son domicile pour se rendre à la préfecture ", ainsi que des ordonnances des 3 décembre, 10 décembre et 19 décembre 2019. Toutefois, ces éléments, au demeurant postérieurs à l'arrêté contesté et peu circonstanciés, ne sont pas de nature à établir que l'état de santé de l'intéressé nécessite un suivi médical dont il ne pourrait bénéficier en Italie. Par conséquent, et alors qu'il n'est pas établi que l'intéressé aurait invoqué son état de santé auprès de la préfecture, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la préfète aurait méconnu les dispositions précitées en s'abstenant de faire usage de la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application combinée des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

Mme D..., présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier-conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 janvier 2021.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX00467
Date de la décision : 14/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : DE VERNEUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-01-14;20bx00467 ?
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