Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... C... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Par une ordonnance n° 1906346 du 16 janvier 2020, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a pris acte du désistement de la requête de
M. C... E....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2020 et un mémoire ne production de pièces, enregistré le 21 octobre 2020, M. C... E..., représenté par Me Broca, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler cette ordonnance du 16 janvier 2020 de la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse ;
3°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 2 000 euros sur les fondements des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que l'ordonnance attaquée a prononcé le désistement de son recours, dès lors qu'il a bien adressé un courrier dans le délai d'un mois fixé par l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, pour solliciter le maintien de sa requête en annulation ;
- le refus de séjour est insuffisamment motivé en fait ;
- en refusant le renouvellement de son titre de séjour étudiant, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; en effet, il justifie du sérieux de ses études, conformément aux dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant éloignement, délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- la mesure d'éloignement viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui octroyant un délai de départ volontaire de 30 jours est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 19 octobre 2020 et 21 octobre 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête au fond.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... E... ne sont pas fondés.
M. C... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... C... E..., ressortissant djiboutien né le 5 décembre 1995, est entré en France le 15 août 2013 sous le couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", valant titre de séjour jusqu'au 7 août 2014. Il a bénéficié, à compter du 1er octobre 2014, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", régulièrement renouvelée jusqu'au 30 septembre 2018. Il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 juin 2019, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire mention " étudiant " et a assorti la mesure de refus de renouvellement de séjour d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité, au motif qu'il n'établissait pas, selon l'autorité préfectorale, le caractère réel et sérieux de ses études. Par une ordonnance du 18 novembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté le recours de M. C... E... aux fins de suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 13 juin 2019 en tant que cet arrêté lui refuse le renouvellement de son titre de séjour. Par une ordonnance du 16 janvier 2020, la présidente de la 4ème chambre du même tribunal administratif a considéré que l'intéressé s'était désisté de son recours au fond, tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2019 et a pris acte de ce désistement.
M. C... E... fait appel de cette ordonnance, en réitérant ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 13 juin 2019.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 20 août 2020, le bureau d'aide a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. C... E.... Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la régularité de l'ordonnance du 16 janvier 2020 :
3. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / 1° Donner acte des désistements ; (...) ". Aux termes de l'article R. 612-5-2 du même code : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté. ".
4. Le recours en référé de M. C... E... tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 juin 2019 ayant été rejetée par ordonnance du 18 novembre 2019, l'intéressé a été informé, en application des dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, de ce qu'il lui appartenait de confirmer expressément, dans le délai d'un mois, le maintien de sa requête au fond et ce qu'à défaut de confirmation, il serait réputé s'être désisté d'office. La présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif ayant considéré qu'aucune confirmation n'étant parvenue à la juridiction dans ce délai, M. C... E... devait être réputé s'être désisté de sa requête.
5. Cependant, M. C... E... produit en appel, d'une part, un courrier au président du tribunal administratif en date du 3 décembre 2019, par lequel il confirme, en application de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, le maintien de son recours en annulation et, d'autre part, un courrier de la vice-présidente du tribunal, indiquant que : " votre courrier du 3 décembre 2019 confirmant expressément le maintien de la requête en annulation de M. C... E... a été enregistré en 'réception d'une lettre' dans l'application Télérecours et n'a pas été modifié par le greffe en tant que 'maintien de la requête', une ordonnance de désistement a, en conséquence, été rendue le 16 janvier 2020 retenant le non maintien de cette requête ", puis précisant que : " Je ne peux donc, en l'état, que vous inviter à faire appel de cette ordonnance auprès de la cour administrative d'appel de Bordeaux (...) ".
6. Par suite, M. H... E... est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors la présidente de la 4è chambre du tribunal administratif de Toulouse a considéré, à tort, qu'il s'était désisté de son recours au fond.
7. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... E... à l'encontre de l'arrêté du 13 juin 2019.
Sur la légalité de l'arrêté du 13 juin 2019 :
S'agissant du refus de séjour :
8. En premier lieu, la décision attaquée vise les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Au titre des considérations de fait, elle mentionne notamment les conditions d'entrée et de séjour en France de M. C... E..., puis décrit les six années de son parcours universitaire depuis son entrée sur le territoire français, en relevant qu'il n'avait obtenu " aucun diplôme depuis le début de ses études en 2013 et en l'absence de toute progression significative depuis 3 ans ". Si l'intéressé reproche au préfet une description trop succincte de ce parcours, le préfet, qui n'était pas tenu à l'exhaustivité, a suffisamment motivé son refus, et en particulier la raison pour laquelle il avait pu estimer que l'intéressé n'établissait pas le caractère réel et sérieux de ses études.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". (...) ". Pour l'application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en qualité d'étudiant, de rechercher si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études et d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. C... E..., entré en France en août 2013, a effectué une première année de licence en droit, puis une première année de licence en administration économique et sociale (AES), année qu'il a redoublée, puis trois années successives dans la même 2ème année de licence AES, et que la seule année qu'il a validée en six ans est celle de 1ère année de licence AES. Il n'a ainsi justifié d'aucune progression dans ses études. S'il produit, en appel, la preuve de sa réussite pour une première année de BTS " maintenance des véhicules de transport routier " et du stage associé, au titre de l'année scolaire 2019-2020, formation dans laquelle il s'est inscrit après l'édiction de l'arrêté contesté, cet élément est postérieur audit arrêté et n'est pas de nature à remettre en cause l'absence de sérieux caractérisant ses six années d'études antérieures, alors au demeurant que
M. C... E... s'est ainsi réorienté dans un cursus de niveau inférieur et dans un domaine totalement différent de son cursus précédent et sans réelle cohérence avec celui-ci. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne a pu, sans méconnaître l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commettre d'erreur d'appréciation, estimer que M. C... E... ne justifiait pas de sérieux dans ses études et refuser pour ce motif de renouveler le titre de séjour sollicité.
S'agissant des autres décisions contenues dans l'arrêté attaqué :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que les décisions portant éloignement, octroi d'un délai de départ volontaire de 30 jours et fixant le pays de renvoi ne sont pas dépourvues de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. Il ressort des pièces du dossier que M. C... E... est célibataire et sans enfant. S'il fait valoir que ses frères et soeurs résident en France, ceux-ci sont également bénéficiaires de titres de séjour " étudiant " et n'ont ainsi pas eux-mêmes vocation à se maintenir sur le territoire national, alors en outre que son frère Fahad ne dispose plus de titre de séjour depuis le 14 septembre 2018. En revanche, l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents ainsi que d'autres membres de sa famille, comme il l'a lui-même indiqué dans sa demande de renouvellement de titre. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement contestée ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de
l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) ".
15. M. C... E..., qui n'établit pas avoir sollicité qu'un délai supérieur à trente jours lui soit accordé, ne se prévaut d'aucune circonstance démontrant que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en assortissant l'obligation de quitter le territoire du délai de trente jours, qui est, ainsi qu'il a été dit au point ci-dessus, le délai normalement accordé pour quitter volontairement le territoire, sauf circonstances exceptionnelles.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... E... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté pris à son encontre le 13 juin 2019 par le préfet de la Haute-Garonne. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. C... E... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : L'ordonnance n° 1906346 du 16 janvier 2020 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée.
Article 3 : La demande présentée par M. C... E... devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2021.
Le président,
Dominique NavesLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX03112 2