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11/01/2021 | FRANCE | N°20BX02560,20BX02562

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 11 janvier 2021, 20BX02560,20BX02562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité d'étranger malade.

Par un jugement n° 1905118 du 7 juillet 2020, le tribu

nal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 8 août 2019 du préfet de la Haute-Garo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité d'étranger malade.

Par un jugement n° 1905118 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 8 août 2019 du préfet de la Haute-Garonne et a enjoint à ce dernier de délivrer à Mme H... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée le 11 août 2020, sous le n° 20BX02560, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 2020 et de rejeter la demande présentée par Mme H....

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'il avait méconnu l'article

L. 313-11-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que l'absence de prise en charge médicale pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressée, alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée ; l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 n'a pas été méconnu : le lien de causalité entre son état de santé et les événements survenus en RDC n'est pas établi ; les certificats médicaux produits n font que relayer les dires de Mme H... ; en outre, les éléments qu'elle produits n'établissent pas non plus que les soins seraient indisponibles en RDC.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2020, Mme H..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et le cas échéant de réexaminer sa situation administrative et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour le temps de ce réexamen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.

II.- Par une requête, enregistrée le 11 août 2020 sous le n° 20BX02562, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 2020.

Il soutient que la requête au fond par laquelle il a saisi la cour contient des moyens sérieux de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation de ce jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par Mme H....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII, de leurs missions, prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme J... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... H..., née le 18 octobre 1972 à Kinshasa (République démocratique du Congo), de nationalité congolaise, déclare être entrée en France le 21 septembre 2015. Sa demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée définitivement par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 21 juillet 2017. Le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français en date du 20 mars 2018. L'intéressée a contesté la légalité de cette décision devant le tribunal administratif de Toulouse par l'intermédiaire d'une requête en excès de pouvoir qui a été rejetée par un jugement du 2 octobre 2018. Après avoir présenté une demande de délivrance d'un titre de séjour qui a été rejetée pour irrecevabilité par les services de la préfecture de la Haute-Garonne, Mme H... a de nouveau sollicité le 19 juin 2018 son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 8 août 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du

7 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, annulé l'arrêté du

8 août 2019 du préfet de la Haute-Garonne et a, d'autre part, enjoint à ce dernier de délivrer à Mme H... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX02560, le préfet de la Haute-Garonne fait appel de ce jugement. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX02562, le même préfet demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement. Ces deux requêtes présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la requête au fond du préfet de la Haute-Garonne :

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de cette mission précise : " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale, mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA, sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences. Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante. Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine. ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) désigné afin d'émettre un avis doit préciser : " a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

3. Par son avis en date du 7 novembre 2018, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme H... nécessitait une prise en charge médicale, que le défaut de cette prise en charge ne devrait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'enfin, son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers ce pays.

4. Pour annuler l'arrêté du 8 août 2019 et enjoindre au préfet de délivrer à l'intéressé un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", le tribunal administratif a considéré que le refus de séjour contenu dans cet arrêté avait méconnu les dispositions de l'article

L. 313-11-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a estimé que les éléments médicaux produits par l'intéressée étaient de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII et qu'il n'était pas établi que

Mme H... pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. Mme H... a produit six certificats médicaux, qui décrivent un état

anxio-dépressif associé à des éléments psychotiques. Cependant, d'une part, si les quatre certificats du même médecin, le Dr Chauvet-Brunel, psychiatre, dont deux sont au demeurant postérieurs à la décision attaquée, ainsi que celui du Dr Chamoun, généraliste, évoquent un état réactionnel à un stress majeur issu de violences vécues dans le pays d'origine de l'intéressée, ils ne font à cet égard que relayer ses dires, alors au demeurant que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la CNDA le 21 juillet 2017. En outre, aucun de ces certificats n'établit ni même n'allègue que les soins requis par son état de santé seraient indisponibles en RDC, alors que le certificat en date du 16 septembre 2019, émane du centre neuro-psychopathologique de la faculté de médecine de Kinshasa et a été signé par trois neuropsychiatres, précisant qu'elle a été mise sous antidépresseurs et antipsychotiques. Enfin, même si l'état de santé de l'intéressée nécessite un traitement médical, les documents produits ne permettent pas de considérer que le défaut de prise en charge pourrait entraîner, pour cet état de santé, des conséquences d'une exceptionnelle, telles que définies par l'article 4 précité de l'arrêté du 5 janvier 2017. Dans ces conditions, comme le fait valoir le préfet en appel, les pièces du dossier ne suffisent pas à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII et n'établissent pas que l'intéressée ne pourrait recevoir des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine.

6. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 8 août 2019 pour méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il appartient à la cour saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par Mme H... à l'encontre de l'arrêté du 8 août 2019.

En ce qui concerne la demande présentée par Mme H... devant le tribunal administratif :

8. En premier lieu, par un arrêté du 27 mai 2019, publié le 28 mai 2019 au recueil n°31-2019-148 des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne, le préfet de ce département a donné délégation à Mme G... F..., directrice des migrations et de l'intégration et, en l'absence ou en cas d'empêchement, à Mme I... C..., adjointe à la directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions prises en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des arrêtés attaqués manque en fait et doit être écarté.

9. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme H... ne saurait exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement à l'encontre de la mesure fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L. 511-1-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 8 août 2019 et lui a enjoint de délivrer à Mme H... un titre de séjour " vie privée et familiale " fondé sur son état de santé. Dès lors, ce jugement doit être annulé et les conclusions de première instance présentées par Mme H... doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ces conclusions en injonction et celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées en appel doivent être rejetées.

Sur la requête à fins de sursis du préfet de la Haute-Garonne :

11. Le présent arrêt statue sur la requête au fond du préfet de la Haute-Garonne contestant le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 2020. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur sa requête à fins de sursis à exécution de ce même jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20BX02562 à fins de sursis à exécution présentée par le préfet de la Haute-Garonne.

Article 2 : Le jugement n° 1905118 du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 2020 est annulé.

Article 3 : La demande de première instance présentée par Mme H... et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... H.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme E... D..., présidente-assesseure,

Mme J..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2021.

Le président,

Dominique Naves

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°s 20BX02560, 20BX02562 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02560,20BX02562
Date de la décision : 11/01/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET KOMBE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-01-11;20bx02560.20bx02562 ?
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