Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.
Par un jugement n° 1605415 du 24 octobre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur cette demande, à concurrence des sommes de 154 455 euros, s'agissant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2010, et de 6 209 euros s'agissant des prélèvements sociaux dus au titre de la même année, et a rejeté le surplus des conclusions de M. A...
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 octobre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les sommes figurant au crédit de son compte courant d'associé dans les livres de la société CAM correspondent à des paiements qu'il a effectués dans l'intérêt de cette société ;
- l'administration n'établit pas l'existence de manquements délibérés et de manoeuvres frauduleuses.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 12 et 30 juillet 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les conclusions de la requête ne sont recevables qu'en ce qui concerne les droits qui résultent des écritures passées au crédit et au débit du compte courant d'associé de l'appelant au titre de l'année 2010 ainsi que les pénalités appliquées sur l'ensemble des cotisations supplémentaires auxquelles il a été assujetti et que les autres moyens invoqués par M. A... sont infondés. Il demande également, à titre subsidiaire, que les pénalités de 40 % pour manquement délibéré soient substituées aux pénalités de 80 % pour manoeuvres frauduleuses.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. À la suite de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société CAM plâtrerie, M. A..., actionnaire majoritaire et gérant de cette entreprise de plâtrerie jusqu'au 19 mai 2012, a lui-même fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle au titre des années 2009 à 2011. À l'issue de cet examen, M. A... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2010 et 2011. Il doit être regardé comme demandant à la cour de réformer le jugement du 24 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de M. A... à concurrence du dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les sommes regardées comme des revenus distribués :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". En outre, en application des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
3. En l'occurrence, il est constant que M. A... n'a pas répondu à la demande d'éclaircissements ou de justifications qui lui a été adressée le 26 novembre 2012 concernant ses revenus de l'année 2010 et qu'il a, par suite, été taxé d'office à l'impôt sur le revenu au titre de cette même année dans la catégorie des revenus distribués sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
4. M. A..., qui supporte donc la charge de la preuve, soutient que l'ensemble des sommes qui ont, soit été inscrites au crédit du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les livres de la société CAM, soit été versées directement par la société CAM sur son compte bancaire personnel, correspondent à des paiements qu'il a effectués dans l'intérêt de cette société au titre de la période durant laquelle celle-ci faisait l'objet d'une interdiction bancaire. Toutefois, s'agissant des sommes restant en litige, il n'établit pas qu'elles correspondraient à de telles dépenses en se bornant à soutenir qu'il est particulièrement difficile d'établir une concordance entre les écritures comptables de la société et les factures ou les mouvements apparaissant sur son compte personnel, à produire quelques factures qui ne correspondent ni au montant ou au libellé des écritures comptables en cause ni à celui des écritures passées au débit de son compte bancaire personnel et à affirmer que certaines de ces écritures correspondraient à des acomptes réglés à des fournisseurs, à des sous-traitants ou au gérant de fait de la société sans produire les factures correspondantes.
5. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer, sur ce point, sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre à une partie des conclusions de la requête, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à la décharge, en droits, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales litigieuses.
En ce qui concerne les pénalités :
6. En premier lieu, à l'appui du moyen tiré de ce que l'administration n'établirait pas qu'il aurait délibérément soustrait à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales les sommes figurant au débit de son compte courant d'associé au titre de l'année 2010 ou les revenus d'origine indéterminée figurant au crédit de son compte bancaire personnel au titre de l'année 2011, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
7. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) " Les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.
8. En l'occurrence, l'administration soutient que l'inscription au crédit du compte courant de M. A... d'une somme totale de 160 928 euros, dont celui-ci ne justifie pas, à concurrence d'une somme de 74 058 euros, constitue un procédé destiné à masquer des opérations de mise à disposition de fond au bénéfice du gérant que seul un examen approfondi de la comptabilité a permis de déceler. Toutefois, il résulte de l'instruction, d'une part, que la société CAM a fait l'objet d'une interdiction bancaire à compter du 12 janvier 2010 et au moins jusqu'au 11 mai suivant, de sorte qu'elle ne pouvait ni émettre de chèques ni régler ses achats par carte bancaire et, d'autre part, que M. A... est parvenu à établir que ces crédits correspondent effectivement, à hauteur de 86 870 euros, à des dépenses qu'il a personnellement exposées dans l'intérêt de la société. Dans ces conditions, bien que la société ait encore disposé de la possibilité de régler ses dépenses par virement, l'appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'administration établissait que le paiement, par ses soins, de l'essentiel des dépenses de la société, qui n'était pas en lui-même illicite, pouvait être regardé comme constituant une manoeuvre frauduleuse.
9. Il appartient au juge, alors même que l'administration ne le saisirait pas d'une demande en ce sens, de rechercher si les éléments qui étaient invoqués par l'administration pour justifier des pénalités pour manoeuvres frauduleuses permettent, à défaut d'établir ces dernières, de caractériser la mauvaise foi du contribuable et de substituer, au besoin d'office, à la majoration de 80 % appliquée par l'administration la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts.
10. En l'occurrence, eu égard au caractère répété des opérations de crédit de son compte courant d'associé qui n'ont pas été justifiées par des dépenses que M. A... aurait exposées dans l'intérêt de l'entreprise, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de M. A..., en sa qualité de gérant et actionnaire majoritaire de la société, de soustraire à l'impôt les sommes dont il était ainsi bénéficiaire. Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande de l'administration, présentée à titre subsidiaire, de substituer, au titre de l'année 2010, aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses mises à la charge de M. A... les pénalités pour manquement délibéré au taux de 40 % prévues par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge de la fraction des pénalités excédant le taux de 40 % et, par suite, à demander la réforme dans cette seule mesure de ce jugement.
Sur les frais exposés pour l'instance :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme que demande M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les pénalités pour manquement délibéré au taux de 40 % prévues par l'article 1729 du code général des impôts sont substituées aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses infligées à M. A... au titre de l'année 2010.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1605415 du 24 octobre 2018 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme E..., présidente-assesseure,
M. Manuel D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2020.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX04370